Road-trip littéraire en France

Cet été, j’ai traversé une bonne partie de la France en voiture. Il ne s’agissait pas d’écrire un livre, cette fois, mais de le vendre. Écumant les cafés lecture, les librai­ries restau­rant et les salons du voyage, j’ai raconté mes histoires et mes aven­tures dans cette diago­nale du vide. Voici une synthèse de ce premier road-trip en France et les quelques conseils que j’en ai tirés.

Dans la voiture en direc­tion de Cler­mont-Ferrand, je me répète à haute voix les propos que je tien­drai ce soir. Pour­quoi je suis parti, qu’est-ce que je cher­chais dans ce voyage, les « leçons » que j’en ai tirées, ce qu’il m’a apporté… Après les avoir collec­tées, me voilà colpor­teur d’histoires, de mes propres histoires et de celles de tous ceux que j’ai croisés durant ma traversée de la diago­nale du vide.

Au commen­ce­ment de cette série de présen­ta­tions, je me demande avec un peu d’appréhension si, à force de le répéter, je ne vais pas m’enfermer dans un discours affir­matif et devenir malgré moi l’apôtre de la rura­lité bien­heu­reuse. On verra bien…

Café lecture Les Augustes, Clermont-Ferrand

J’arrive au café-lecture Les Augustes avec l’entrain d’un repré­sen­tant de commerce, prêt à séduire son audi­toire et écouler ses stocks. J’ai peau­finé mon histoire, l’ai rendue aussi vendeuse et agui­chante que possible. Mais à mon arrivée, le public qui peuple le lieu n’est pas celui auquel je m’attendais. En ce milieu d’après-midi, ça sent plus l’action sociale que l’action culturelle.

Pas de mal à ça. Mais moi qui consi­dère les migrants comme les aven­tu­riers du XXIème siècle, je me demande comment ceux qui ont traversé déserts et océans au péril de leur vie pour venir trouver en Europe un destin plus accep­table vont perce­voir mon voyage d’agrément ? L’Angleterre qui joue la Croatie en demi-finale de coupe du monde fera diver­sion et c’est à un public plus conforme à mes attentes que je m’adresserai. Fina­le­ment, je suis presque déçu.

Road-trip en France - Le Puy de dôme depuis le Puy Celsi

Arvieu, Aveyron, salon du livre

À Arvieu, je retrouve avec grand plaisir Vincent et les Arvieu­sois. Je les avais quittés alors qu’ils forma­li­saient tous ensemble leur projet collectif, je les retrouve en plein travaux.

Au salon du livre, des mouches par dizaines font caca sur mes photos. « Il y a plus de mouches que de lecteurs », remarque ma voisine qui écrit des livres inspirés de ses chats. Mon voisin qui écrit des polars inspirés de Barce­lone fait la moue. Faute de foule, trop occupée à installer le dispo­sitif pour assister à la finale de la coupe du monde de foot, on fait le tour des auteurs. À la table du poète Patrick Druinot, je lis :

« Lorsque nous marche­rons moins vite, les oiseaux se pose­ront sur nos épaules. »

Je me fais dédi­cacer l’ouvrage, Poésie intui­tive I. Il se trouve que c’est aussi lui l’organisateur du salon.

Road-trip en France - Le salon du livre d'Arvieu

« Pour­quoi un salon du livre là où s’épanouit la nature ? Faire vivre un salon à la campagne c’est reva­lo­riser la culture. C’est attirer vers d’autres pôles fédé­ra­teurs, des lecteurs capables d’effacer les fron­tières entre campagne vivrière, ouverte à l’accueil, au bon sens et la ville en perpé­tuelle recherche d’identités sociales . Le 22ème salon du livre d’Arvieu est toujours prêt à mettre en valeur cette pensée : l’avenir de la culture est dans nos campagnes. »

Mais 17h sonne. La finale a commencé et c’est l’heure de plier bagage. Dans la salle du café des gens, à Cape­longue, le public mani­feste un engoue­ment tout relatif pour l’équipe de France : « Si on gagne, il va nous en faire avaler, des couleuvres, le père Macron. » Au coup de sifflet final, personne pour lever un quel­conque poing vain­queur. Le repas de moules-frites susci­tera plus d’enthousiasme. C’est vrai qu’elles étaient bonnes !

Alta Terra, Cantal

J’expose pendant quelques jours mes photos chez les amis d’Alta Terra, un très bel endroit que j’affectionne pour la gentillesse de ses proprié­taires et le soin apporté à chaque détail, des maté­riaux choisis pour remettre cet établis­se­ment au goût du jour aux produits cuisinés quoti­dien­ne­ment par Virginie.

Pierre, auteur des carnets d’Ecir, partage mon goût pour l’endroit. Il m’a suivi tout au long de ma traversée de la France et c’est grâce à mon voyage qu’il a décou­vert le Cézal­lier voisin. J’aurai le droit à un portrait dans ses carnets.

L’heure de la présen­ta­tion arrive. Emporté par mon élan, ma confé­rence s’étire en longueur, il fait chaud et tout le monde n’a qu’une envie : sortir respirer. On n’aura pas le temps pour les ques­tions. Dommage !

On me féli­cite néan­moins pour la qualité de mes photos (en me glis­sant qu’elles méri­te­raient parfois une légende et quelques expli­ca­tions). Alors que je commente celle du Cézal­lier, j’apprends que Jean des plantes, le bota­niste illu­miné que j’avais croisé sur le plateau, a quitté les lieux. L’écir et l’angélique a perdu une petite partie de son âme.

À Mende, Lozère – Librairie La lorgnette

C’est une petite librairie nichée dans les ruelles piétonnes de la jolie ville de Mende. La cité est en effer­ves­cence, le Tour de France y fait étape le lende­main. Côté timing, j’ai l’impression d’avoir râté le coche. « Le centre sera bientôt plein à craquer… » me dis-je. « Pas du tout ! Pour nous, les commer­çants, c’est un jour blanc. Tout le centre est cein­turé, les routes coupées. Les touristes se massent le long de la montée Jala­bert. Non, soyez tran­quille, demain, ce ne serait pas un bon jour du tout pour faire des affaires. »

Sur la petite table, la carte que j’ai étalée intrigue les quelques passants qui s’arrêtent pour suivre mon itiné­raire. Je quitte les lieux juste avant que le piège du tour de France – et de l’orage qui menace depuis le milieu de l’après-midi – ne se referme sur moi.

Capdenac, Aveyron

Je profite d’être de passage dans le coin pour rendre visite à mes copains Ben et Anne-Hélène, dont j’avais fait le portrait (à venir). Ben tient un podcast sur la diago­nale du vide, on est quasi­ment collègue. Il m’emmène au marché, me fait rencon­trer ses copains artistes, et même libraires. Me voilà à la très belle et bien acha­landée librairie Cham­pol­lion de Figeac où Marc et Amélie qui appré­cient mon livre nous invitent à dîner.

Pour fêter ça, on va faire un peu d’urbex dans une usine aban­donnée à Deca­ze­ville et même un peu d’archéo-urbex à Peyrusse-Le-Roc, entre les murs effon­drés de cette ancienne cité moyen-âgeuse que des chan­tiers parti­ci­pa­tifs tentent de remettre debout.

Le Caylar, Aveyron – Festival du voyage lent

Au Caylar, j’arrive un peu en queue de train. À quelques semaines de l’ouverture, la program­ma­tion était déjà bouclée et j’ai rattrapé les wagons in extremis. J’ai un stand parmi les autres confé­ren­ciers mais pas d’espace d’expo pour accro­cher l’oeil, je ne figure pas sur le programme, je ne suis pas pris en charge par l’organisation, bref, je me sens un peu comme un cheveux sur la soupe. Les curieux à qui j’explique ma démarche me disent « mais alors quand est-ce qu’on pourra venir vous écouter ? » et repartent sans bouquin. Mais je regarde ce qui se fait ailleurs et récolte quelques bonnes pratiques :

Saint-Antonin-Noble-Val, Aveyron – Librairie Le tracteur savant

J’étais passé dans ces villages des gorges de l’Aveyron, hébergé chez Cathe­rine et Walter que je retrouve toujours aussi enthou­siastes et impli­qués dans la vie de Saint-Antonin. C’est Cathe­rine qui m’a mise en contact avec la librairie « Le trac­teur savant » et ses deux pétillantes anima­trices, Aurèle et Valérie. Arrivé quelques jours en avance sur l’événement, je suis tout de suite embauché pour installer quelques photos en vitrine. Parfait ! La presse locale a relayé l’événement et le jour j, les quelques chaises instal­lées dans la rue affichent vite complet.

Ma présen­ta­tion linéaire tourne vite à l’échange impro­visé : ques­tions-réponses sur le voyage, la réalité des campagnes, le mouve­ment des slow-cities, le dyna­misme des asso­cia­tions… Un petit attrou­pe­ment se forme, le sujet fait mouche. Vive la spontanéité !

On va danser la Samba au festival samba al païs avec Walter et Cathe­rine pour célé­brer ça !

La Française, Tarn-et-Garonne – Restaurant Les pieds dans l’eau

Faute de place pour m’accueillir dans sa boutique, Yvon, le très sympa­thique diri­geant de la librairie Le temps de lire a orga­nisé la rencontre au restau­rant « les pieds dans l’eau ». Sur le papier, l’idée a l’air sympa.

En arri­vant sur le lieu, en voyant le petit écran installé au pied de la rambarde en bois qui sépare le bar de la grande terrasse, le projec­teur installé parmi les tablées où j’imagine déjà les discus­sions animées des convives autour de plats gour­mands, je le sens tout de suite plus du tout… « Mais qu’est-ce que je fous là ? ». La répu­ta­tion du lieu, basée sur ses spec­tacles burlesques et ses numéros de caba­rets, enfonce le clou. On veut du spec­tacle ici ! Manger des tapas et boire des coups ! Qui va avoir envie d’écouter mes histoires ?

Dans ma tête, j’ai déjà perdu. Sans trop savoir à qui parler, sans trop deviner qui m’écoute, sans trop oser prendre en otage la table au premier rang, je me lance. Ce sera un demi-échec. Je n’aurai ni ques­tions ni achats, mais quelques applau­dis­se­ments de remer­cie­ment et des tables somme toute pas si dissi­pées que ça.

« Il faut qu’il fasse plus l’acteur ! »

confie le patron à Yvon. Moi qui me surprends déjà à prendre la parole devant une assem­blée sans rougir ni trem­bler, je vais commencer par apprendre à me sentir à l’aise avant d’aller cabo­tiner avec le public. Procé­dons dans l’ordre.

Je ne regrette pas ma soirée pour autant. L’ami Yvon est un digne repré­sen­tant de l’espèce des poètes. On n’en rencontre pas tous les jours, des voya­geurs suffi­sam­ment aven­tu­reux pour descendre la France en voiture munis d’une simple bous­sole ! Je garde cette idée géniale dans un coin de ma tête et laisse dix livres en dépôt au Temps de lire.

Arras-en-Lavedan, Hautes-Pyrénées – Café-Librairie Le Kairn

Je suis de retour chez Gilles, le baron des Pyré­nées chez qui j’étais venu m’échouer suite à ma traversée des Pyré­nées. Son chan­ge­ment de cap profes­sionnel se maté­ria­lise et la chambre où je dormais est aujourd’hui trans­formée en cabinet d’hypnose où il reçoit ses premiers patients. Génial !

Le café-librairie Le Kairn qu’il m’a recom­mandé et où je me rends pour mettre en place l’expo photo est un lieu idéal. On a envie d’y passer la journée. D’îlots en présen­toirs, BDs, romans, mooks et essais, tous aussi allé­chants les uns que les autres. Pour parachever le tout, de la lumière, des canapés qui vous invitent à prendre vos aises… Et la meilleure tarte au citron de toute la vallée, à ce qu’il paraît.

Je reprends la formule de l’échange spon­tané sous forme de ques­tions-réponses et mes conclu­sions trouvent écho dans l’assemblée réunie. Chacun y va de son anec­dote, les avis se mêlent et la parole tourne. Joie !

Esquieze-Serre, Hautes-Pyrénées – Librairie Plume

Le mail d’invitation que m’envoie à l’improviste Gwendy ne pouvait pas mieux tomber. La librairie Plume vient d’ouvrir il y a à peine deux mois et elle me contacte au moment même où je suis juste­ment dans la vallée. Séren­di­pité !

La corres­pon­dante locale du journal des Pyré­nées vient m’interviewer en fin de journée. Hasard pas complè­te­ment fortuit. Maggy n’est autre que la mère de Gwendy. Le courant passe avec cette ancienne moni­trice de voile qui vit encore une partie de l’année dans les Antilles. Je suis invité à dîner !

Le livre d’un voyage exotique en France

Peut-on faire un voyage exotique dans son propre pays ? Pour y répondre, j’ai traversé la France à pied à travers la diago­nale du vide.

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