À Arvieu, c’est la campagne haut débit. Je le comprends tout de suite en rencontrant Vincent, mon contact sur place. Flot de parole impressionnant. Les idées se bousculent. Les projets aussi. Il me faudra bien une semaine pour comprendre ce qui se passe dans ce petit village d’Aveyron qui a pris son destin en main.
Des mouches !!! Sur la table de nuit, dans la poubelle, sur le clavier de mon ordinateur… Jusque dans mon lit !
Chaque soir, c’est le même rituel. Une à une, les attraper, sentir leur petit corps froid vrombissant dans ma main fermée, les relâcher à l’extérieur de ma chambre pour enfin dormir tranquille.
Chez Vincent où j’ai fait halte, on est à la campagne, chez les paysans. Des bouquins ouverts sont disséminés un peu partout dans la maison – Surgissement d’un nouveau monde, Eloge de la fuite, Le jardin d’Epicure, L’art de la méditation – et des phrases sur les murs. Celle de Voltaire m’accroche :
« J’ai décidé d’être heureux, c’est meilleur pour la santé. »
Être acteur de sa vie
Vincent est arrivé à Arvieu il y a quinze ans. Il a vite trouvé sa place au sein de ce petit village de huit cents habitants. Avec la confiance du maire de l’époque, les idées qui germaient dans sa tête ont trouvé terre où s’enraciner. Autogestion, codécision, équité… La colonne vertébrale des projets dans lesquels il s’implique tient en quelques mots.
Depuis, les graines ont poussé. L’association des loco-motivés fournit à ses adhérents une alimentation de qualité produite par des producteurs locaux – « Pour pouvoir, le cas échéant, aller casser la gueule à celui qui nous empoisonne » dit-il en rigolant comme un adolescent. Laëtis, la société coopérative et participative qu’il dirige, partage son capital, ses bénéfices et le pouvoir de décision équitablement entre tous les membres de l’entreprise.
Reconquérir son autonomie sur les grand sujets que sont l’emploi, l’alimentation, la culture… C’est ce que Vincent appelle « devenir acteur de sa vie ».
« On est vivant bordel ! »
À Arvieu, on y croit ! Des dizaines d’associations et de bénévoles animent la vie locale du village. Marché, chorale, sport, musique… Les habitants veulent un concert ? Ils l’organisent ! Gold, Manu Ciao, Les Rita Mitsouko sont venus se produire sur la scène des Tilleuls, la salle omnisport du village.
Les murs du bâtiment sont un livre d’or à ciel ouvert :
« Les trippous, c’est bon pour le moral » (La compagnie Créole)
« On est tombé ici par hasard, la prochaine fois on le fera exprès. »
« Merci du fond du cœur pour l’hospitalité. A la prochaine ! » (Manu Ciao)
« Il faut y croire pour que les choses arrivent. »
« Ça se passera pas comme ça, Arvieu. Y en a même qui ne veulent pas repartir. »
« On est vivant bordel ! Et t’as pas tout vu… Même l’hiver c’est l’été ! »
Démocratie participative à Arvieu
Conscient du dynamisme de ses administrés, le conseil municipal a proposé d’impliquer les villageois dans les décisions politiques. Sur huit cents habitants, cent ont répondu à l’appel.
L’objectif : transformer Arvieu d’ici 2020 pour inciter de nouvelles familles à venir s’installer. En pleine diagonale du vide, lutter contre la désertification est une question cruciale. Pérenniser les commerces, les services publics, les écoles… L’avenir du village est entre les mains de ses habitants.
Ce matin, le conseil villageois se réunit sous le toit de la salle omnisport. Après un an de travail et de réflexion, l’heure est à la mise en commun et aux premiers bilans.
Serrer les rangs
Gilles, le maire, flanqué de ses deux adjoints, fait face à une trentaine de participants et autant de chaises vides. Ça grince un peu des dents. On attendait plus de monde.
Au diable le micro, les ateliers, l’organisation prévus ! On resserre les rangs, on forme cercle et les commissions prennent la parole. Difficultés, avancées, conclusions, propositions, les débats s’engagent, les langues se délient, tout le monde prend la parole. Une saine énergie anime l’assemblée.
Si la dynamique fonctionne, c’est parce qu’il règne à Arvieu une attitude résolument tournée vers le futur. Parce qu’ici, personne n’a envie de partir !
À la bonne franquette
À Caplongue, l’un des trois villages qui compose la commune, le comité des fêtes a organisé un repas pour la soirée. Pas d’événement particulier à célébrer, non, ici on fait la fête pour le simple plaisir d’être ensemble.
Quelques grillades de brebis fournies par un paysan du coin, un peu de bière micro-brassée par Jean-Charles, le fils de l’ancien maire et de l’institutrice, des bottes de paille pour délimiter l’espace et la terrasse du bar des gens, épicentre de la fête.
Jean-Marc, le patron, a les yeux qui pétillent lorsqu’il me retrace les hauts faits du comité des fêtes. Les trois mille personnes réunies sur la place du village à l’occasion de Cap festival, Cap môme, sa déclinaison enfants, les chapiteaux montés dans les champs, les concerts organisés sous la grange… Des événements organisés à l’huile de coude mais où artistes et public passaient ensemble un moment magique.
« Y a de quoi être fier ! »
- Fier ? Non, on n’est pas fier, on est heureux ! »
Une pause dans le voyage
À Arvieu, pour la première fois, je délaisse mon carnet de notes pour me couler dans le quotidien de ce village où il faut bon vivre. Les Caplonguais ont pris leur destin en main, pas de doute là-dessus !
Vincent l’hyperactif caresse désormais d’autres rêves moins accaparants.
« Aujourd’hui, mon but secret, c’est qu’on n’ait plus besoin de moi. »
dit-il en rigolant. Plus facile à dire qu’à faire. Stéphanie, qui me taquine à la veille de mon départ, en sait quelque chose…
« Encore là ? Mais tu restes jusqu’à quand ? Méfie toi ! Moi j’étais venue ici pour quelques jours et finalement… Ça fait déjà quinze ans ! »
Bienvenue à Arvieu
À Arvieu, la campagne se réinvente. La commune recherche les nouveaux habitants qui prendront part au projet du village pour les années qui viennent. Si l’idée vous séduit, pour vous installer ou prendre part au projet « Arvieu, un village pour créer sa vie grandeur nature », contactez les directement par mail ou par téléphone ou visitez la page d’accueil (qui n’a jamais si bien porté son nom !)
Tel : +33 5 65 46 71 06
Mel : projets@arvieu.fr
Web : bienvenue.arvieu.fr
Commentaires
Ahh, j’aime toujours autant cette plongée dans nos campagnes, que tu nous fais partager. Ça donne envie ! Merci !
Merci MC 🙂
Moi aussi, ça me donne envie… d’habiter à la campagne ! Le retour ne sera pas trop difficile.
La bise
Bonjour Mathieu !
Félicitations pour cet article ! Juste une petite remarque : tu étais bien chez des paysans ! Certes, pas Vincent ! Mais tu étais proche des paysans, ceux qui aiment la Terre et qui font vivre leur pays. Un certain Raymond Lacombe a dit » Pas de pays sans paysans ! » Arvieu en est un bel exemple. C’est une commune qui fait une belle part à l’agriculture biologique. Et paysans, bio ou pas d’ailleurs, ils lisent pleins de bouquins, ils ont une bibliothèque, ils fréquentent la médiathèque. Alors, aide-nous à faire changer cet image passéiste d’un paysan inculte…
Isa
femme d’un paysan,
mère d’un paysan-brasseur
Bonjour Isa !
Merci pour ton petit mot. Effectivement, ma tournure était maladroite :-/ Je l’ai changée !
J’ai croisé quelques paysans sur ma route et, comme tu le dis, j’aurais bien squatté leur bibliothèque quelques semaines pour me remettre à niveau et comprendre un peu mieux ce monde qui n’est pas le mien.
Je vais aller me renseigner sur ce « certain Raymond Lacombe » que je ne connaissais pas 😉
Merci ! Bon voyage à travers la campagne et au travers des mots ! Au plaisir de se revoir !
Bonjour Isa,
Je n’ai pas de problème avec le mot paysan.
C’est quoi aujourd’hui un paysan ? Un chef d’entreprise qui doit investir et s’investir pour maintenir et faire évoluer son exploitation, de jeunes gens qui décident de faire des études dans ce sens là en sachant que les résultats ne seront que le fruit de leurs efforts quotidiens. Ce sont des travailleurs d’une grande polyvalence qui connaissent la terre, la culture (dans tous les sens du terme), véto, mécano, maçon, et j’en passe, à leurs heures.
Fréquentant le monde rural depuis que je suis toute petite, j’ai le plus grand respect pour nos paysans.
Je pense que ce n’est pas le mot qu’il faut changer mais certains médias qui entretiennent cette image péjorative et passéiste.
Amicalement,
Anne
Merci Matthieu, super tranche de vie, photo « nickels » qui sont bien d’ici. A la prochaine, en coloc chez toi cette fois.
Cool ! Quand tu veux Vincent 😀
Formidable ce village, cela me donne espoir en l’avenir et la capacité au changement 🙂 Merci beaucoup de nous permettre ainsi d’être informé de si belles initiatives <3
Hello Catherine 🙂
Je réponds un peu tard à ton message, désolé ! C’est un peu pour ce genre de rencontres que je suis parti, oui 🙂
Les portraits (qui sont toujours en phase de montage) devraient permettre de mieux appréhender tout ceux que j’ai croisés.
Vivement le webdoc !
Après t’avoir suivi sur Instagram, je découvre aujourd’hui ton site, j’ai beaucoup de lecture en perspective !
Tu as une belle manière de voyager et de découvrir les gens, merci de nous faire partager tout ça !
Sarah
Merci Sarah 😀
Je suis content que tu prennes le temps de venir visiter mon petit blog. Sur Instagram, je publie simplement des photos prises sur la route, comme un carnet d’instantanés.
Ici, moi aussi je prends le temps 🙂 Ça correspond mieux à ma manière de voyager