Pourquoi faire le tour du monde ?

Pour tout plaquer ou pour construire autre chose ? Pour la liberté, la décou­verte et l’aventure.

Pour­quoi partir faire le tour du monde quand l’avenir vous tend les bras ? Pour­quoi « tout plaquer pour vivre ses rêves », pour reprendre l’ex­pres­sion consa­crée ? Des raisons, il y en a autant que de voya­geurs. Voici les miennes. Elles tiennent en trois mots : liberté, décou­verte, aventure.

Berlin, Alle­magne

Je n’ai pas de photo de ce petit matin berli­nois où, il y a 20 ans, notre tour du monde a réel­le­ment commencé. Pas même un selfie pour immor­ta­liser nos têtes rasées et nos sourires de ravis de la crèche. Pour­tant mon souvenir est aussi instan­tané que si j’avais pris cette photo. À ce moment précis, dans la fraî­cheur du matin, tout à l’excitation de nos premiers coups de pédale, des mois de prépa­ra­tion, de rêve­ries sur des cartes et de course aux spon­sors deviennent soudain étran­ge­ment concrets.

Un long voyage pour découvrir le monde

Jusqu’ici, j’avais été un adoles­cent sage et un élève conscien­cieux. Fraî­che­ment diplômé d’école de commerce, je venais de cocher la dernière case d’un parcours sans histoire en m’acquittant de mes obli­ga­tions mili­taires dans l’une des plus grandes entre­prises fran­çaises à Berlin. Ma carrière était toute tracée, pensait-on. C’était tout le contraire. Si j’avais suivi la voie royale qui prépare aux postes « à respon­sa­bi­lité », c’était faute de mieux.

Le monde de l’entreprise n’était que non-sens. Au sein du fleuron du capi­ta­lisme à la fran­çaise, j’apprenais à gérer des luttes stériles, navi­guer en eaux troubles, jouer des coudes parmi des services jaloux de leur pouvoir… Celui pour lequel je travaillais était barri­cadé derrière une porte blindée, une clé d’accès dans la main droite, un formu­laire à remplir dans l’autre. Il avait le pouvoir de dire non et il ne s’en privait pas. 

Mes collègues, anciens fonc­tion­naires est-alle­mands, m’inculquaient avec rigueur les rudi­ments de la bureau­cratie, le respect de l’autorité, les vertus de la sécu­rité et les dangers de l’initiative person­nelle. Ils pouvaient se rassurer. Je n’avais pas l’ambition de changer le monde. Je me conten­te­rais de le découvrir.

Pourquoi faire le tour du monde ? Pour découvrir le monde

« Tout plaquer » pour changer de vie

Berlin m’avait mis en appétit. À cheval entre est et ouest, la ville pansait ses plaies au son des marteaux piqueurs, effec­tuait lente­ment sa mue vers l’économie de marché. Squats d’artistes, bars clan­des­tins et clubs éphé­mères ouvraient et fermaient au gré des chan­tiers de réno­va­tion des anciens no man’s land laissés vacants par le tracé du mur. Abreuvés de drum’n’bass et de white russian, nous dansions dans les décombres du XXème siècle en célé­brant l’avènement du XXIème.

C’est ce qui donnait sens à Berlin, qui me permet­tait de tenir en atten­dant un départ vers un ailleurs plus radical, loin de tout repères. Pour le story­tel­ling simpliste et raco­leur, j’allais « tout plaquer » pour faire le tour du monde. À vrai dire, je ne plaquais pas grand chose. Colla­bo­ra­teur démis­sion­naire, céli­ba­taire éternel, loca­taire oppor­tu­niste, rien ne me rete­nait. Je partais me désin­toxi­quer de ces dix-huit derniers mois en milieu hostile. 

Jusque-là, j’avais avalé des couleuvres et tenu ma langue sans faire de remous. Mon heure avait sonné. Je quit­tais le monde qui m’avait été donné pour en décou­vrir un autre, aussi loin­tain, aussi inconnu que possible. En empoi­gnant le guidon, dans ce petit matin frais, c’est mon destin que je prenais en main. Je l’espérais bien : ce voyage allait changer ma vie.

Pourquoi faire le tour du monde ? Pour changer de vie

Un tour du monde à vélo pour être libre

Les ambi­tions de Franck étaient moins radi­cales mais nous venions du même moule, nous avions suivi le même parcours, nous parta­gions la même envie. Pour Franck aussi, ce voyage repré­sen­tait le choix de rompre avec une histoire trop écrite à l’avance. Il voulait vivre une paren­thèse, un temps suspendu ouvert sur les rencontres et la possi­bi­lité d’itinéraires au petit bonheur la chance. 

Un premier projet de raid sportif avait tourné court faute de spon­sors. Mon idée de tour du monde lui permet­trait d’assouvir ses envies d’effort et d’engagement physique. Pour cette raison, le vélo fit tout de suite l’unanimité. Il conju­guait nos envies communes de liberté et la possi­bi­lité d’avancer en complète autonomie. 

Surtout, il nous permet­trait de vivre le voyage de plain-pied, au contact de la nature et des gens rencon­trés sur la route. Comme moyen de loco­mo­tion, c’était le meilleur compromis entre vitesse et immer­sion mais nous en avions discuté plusieurs fois : il devrait rester un moyen. 

Pourquoi faire le tour du monde ? La liberté du voyage à vélo

La musique pour fil rouge

La fin, le fil rouge de ce voyage serait la musique. Franck avait joué du trom­bone en orchestre, je faisais swin­guer mon violon entre deux siestes à la phil­har­monie. La musique serait le ciment de notre tandem, le langage qui nous ferait défaut et le sésame qui ouvri­rait, nous l’espérions, des portes insoupçonnées.

Nous avions préparé le voyage chacun selon notre carac­tère. Franck avait couru des mara­thons, potassé des livres sur la route de la soie et sélec­tionné avec soin le maté­riel qui rendrait le voyage possible ; j’avais englouti pot-au-feu, chou­croutes et bœufs bour­gui­gnon, étudié les musiques des pays traversés et réalisé le site internet qui nous tien­drait lieu de maison durant le voyage. 

Vivre une aventure 

Des heures de travail au carré avaient fait de ce projet une belle abstrac­tion : étapes clé, nombres de kilo­mètres, liste de maté­riel, visas néces­saires… Une aven­ture se prépare et nous étions prêts. Sur le papier. Maté­riel­le­ment. Mora­le­ment ? L’Inde allait nous démon­trer le contraire – mais est-on jamais vrai­ment prêt pour l’Inde ?

Dans la fraî­cheur de ce matin berli­nois, entre vertige, réso­lu­tion et exci­ta­tion, nous nous ache­mi­nions vers le premier chapitre de notre aven­ture le sourire aux lèvres. 

Ça ne dure­rait pas.

Pourquoi faire le tour du monde ? Pour prendre son envol

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Commentaires

Super, Mat ! Continue !
Je suis très curieux de lire le résultat de ce processus dont je ne me suis jamais donné la peine de le débuter.
Bises

Merci Valéry !
En cher­chant dans ma messa­gerie pour savoir à qui corres­pon­dait ton adresse email, je suis tombé sur un message que tu m’avais envoyé en 2018 et que je n’avais jamais lu ! J’y répon­drai par mail du coup 🙂 Pour le reste, la suite arrive (au compte goutte)

Ça met l’eau à la bouche ce début de récit. « Je n’avais pas l’ambition de changer le monde. Je me conten­terai de le décou­vrir » ! Belle ambi­tion aussi 🙂Toujours inté­res­sant de repenser à ce qu’on a vécu.
J’ai souri à la ques­tion « mais est-on vrai­ment prêt pour l’Inde ? » !!! En tout cas, je me souviens à quel point l’arrivée en Inde et le chan­ge­ment de monde vous avait fait fuir vers ailleurs. Vous aviez tous les ingré­dients du réel.

Salut Mathieu,
C’est vrai­ment une belle intro­duc­tion à ton voyage que je viens de lire… c’est fluide et agréable… ça te ressemble bien…
Merci pour ça… aussi
J’espère qu’on se verra prochainement
Bonne continuation
La bise
Laurent

Belle intro­duc­tion, tout y est pour qui a envie de voyager et de rêver même si parfois la réalité est diffi­cile à décrire !
Merci pour cette belle aven­ture de vie, continuez !

Super, ça donne envie de lire la suite ! J’ai hâte d’acheter le livre…
Bonne conti­nua­tion dans l’écriture.

Salut Mat.
Toujours un plaisir de lire tes messages qui nous embarquent dans l’aventure avec toi.
Moi j’espère réaliser mon rêve, faire le tour de l’Europe avec notre van pour 2024 ‑2025.
Hâte de te relire.
À bientôt.

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