Trois étapes sur le chemin de compostelle

Dans le nord du Gers, retour sur le GR65. Sur la voie du Puy-en-Velay, la plus fréquentée des chemins de Saint Jacques, je rede­viens pèlerin, pour le pire et pour le meilleur.

Dans le nord du Gers, mon chemin croise de nouveau le GR65. Parmi les diffé­rents chemin de Saint Jacques, c’est la voie du Puy, proba­ble­ment la plus fréquentée. Du pres­by­tère de Lectoure au carmel de Moissac, je rede­viens pèlerin, pour le pire et pour le meilleur.

Au pres­by­tère de Lectoure, en dehors de ceux qui veulent assister à l’office du matin, tout le monde a déjà quitté les lieux. Départ à huit heures, c’est la règle. Je n’ai pas encore fait mes lacets que Martine épous­sète déjà tout autour de moi. En langage des signes : « Du balai ! »

« Que Saint Jacques t’accompagne. »

me glisse Annie, l’autre hospi­ta­lière, avec un petit sourire entendu. Je suis de retour sur le chemin de Compos­telle.

Les sentiers battus du chemin de Compostelle

Avec ses airs de gros cabas, mon Carrix se fond dans le décor. C’est jour de marché à Lectoure. Fleurs de cour­gettes, pain d’épice, fraises, aligot, tomates, noix de jambon… Dans la rue prin­ci­pale, les étals sont des autels dressés aux dieux de la gastro­nomie. Tris­tesse. Je n’ai pas faim et le ciel est gris.

À l’extérieur, les champs fraî­che­ment retournés sèchent leurs grosses mottes plastic lisses, compactes comme du béton. Les routes sont flan­quées de chemins battus, l’herbe est rase à force d’être piétinée. Par endroit, la trace est ouverte au bull­dozer !

À la terrasse des restau­rants, on trouve des assiettes camino et des menus péle­rins. J’en croise des dizaines, par grappes de deux à six, rare­ment seuls. On se souhaite « Bon chemin ». Parfois, au hasard d’un coup de fatigue ou d’un regard complice, on s’arrête et la discus­sion s’engage. Mon Carrix intrigue, sans compter que je marche dans la « mauvaise » direction.

Je mets les bouchées doubles, pressé de quitter ces auto­routes de la marche.

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L’esprit du chemin

À Espa­lais, au gîte « Le Par chemin », des grands cris de soula­ge­ment saluent mon arrivée. On n’attendait plus que moi pour passer à table.

Sous la toiture ouverte aux quatre vents, une douzaine de couverts s’aligne sur un inter­mi­nable plateau de chêne d’un seul tenant. Pâtes, rata­touille, fromages locaux, tira­misu à la fraise, vin à volonté… Les hôtes sont ravis. Le concours de blagues à la fin du repas enfonce le clou. On se sent bien chez Vincent !

« Le pèle­ri­nage de Compos­telle, c’est un voyage diffé­rent, plus qu’une simple randonnée. »

s’emporte Marie qui en est à son deuxième jour de marche mais pas à sa première fois.

« Il y règne un esprit de tolé­rance. Ne jamais juger. Jamais. »

D’autres péle­rins témoignent de moments mystiques, d’explosions de joie, d’amour envahissant.

En ouvrant « Le Par chemin », Vincent souhai­tait quant à lui perpé­tuer l’esprit de partage et d’ouverture décou­vert au cours de ses propres péré­gri­na­tions sur le chemin de Saint Jacques de Compos­telle.

Le Par chemin, chez Vincent

Le virage a lieu en 2008. Le direc­teur des ressources humaines qu’il est alors a vu son rôle dans l’entreprise se trans­former au fil des années. De fédé­ra­teur d’équipes, il est devenu gestion­naire de licen­cie­ments. Le suicide de son père est l’étincelle qui met le feu aux poudres. Il prend la route de Compos­telle pour réflé­chir et redé­couvre au cours de ses voyages le sens du mot humain. L’idée du gîte germe peu à peu.

En bon DRH, il pose trois valeurs qui défi­ni­ront l’esprit de son futur lieu d’accueil : inclu­sion, confiance, bien­veillance. Répar­ties un peu partout, des pensées posi­tives soufflent sur le visiteur :

« le sourire est le même dans toutes les langues » – dans les toilettes

« Aujourd’hui j’ai envie d’être plus… » – dans la salle de bain

« Soif de vie » – dans le salon en plein air

3 étapes sur le chemin de Compostelle
3 étapes sur le chemin de Compostelle

Un vent de liberté

On peut rester un jour, deux jours, plus si l’on veut. On peut faire la plonge, éplu­cher les légumes ou donner un coup de main au potager en perma­cul­ture. On peut tout aussi bien profiter des fauteuils du jardin, gratouiller les instru­ments de la salle de musique ou s’avachir dans les canapés accueillants de la biblio­thèque. Chacun est libre. Libre égale­ment, la contre­partie financière.

Et cerise sur le gâteau : c’est le seul gîte du voyage où l’on écoute Prince !

J’en repars récon­cilié avec l’esprit du chemin. Avec en prime, le nom de quelqu’un à qui trans­mettre le bonjour lors de ma prochaine étape : Domi­nique à Moissac.

Le chemin de lumière

Domi­nique a lui aussi long­temps marché avant de poser ses valises. C’est à Moissac que le chemin l’a arrêté, à l’ancien carmel désor­mais laïc où comme bien d’autres péle­rins je passe ma première nuit. Je ne sais pas vrai­ment pour­quoi je dois le rencon­trer, lui. Mais un lien fort le relie à la petite chapelle où tous les soirs, il raconte la même histoire, son histoire. Je tiens un portrait !

« Il m’est arrivé de vivre une expé­rience de lumière qui m’a complè­te­ment cham­boulé. Ne la compre­nant pas avec ma tête, ne pouvant la partager parce qu’elle était indi­cible, je me suis mis à marcher pour voir si mes pieds étaient plus intelligents. »

3 étapes sur le chemin de Compostelle

Un chemin de quinze ans

Quinze années de marche lui sont néces­saires pour digérer ce qui lui est arrivé, comprendre ce qu’il a vu, valider son expé­rience dans les livres anciens. Alors, il lui faut le dire, le partager, le clamer partout où il le peut.

« J’ai été inter­pelé par la lumière et je ne peux que la suivre et la dire. »

Il se met en quête d’un lieu où témoi­gner de son histoire extra­or­di­naire aussi souvent qu’il le peut. La chapelle de l’ancien carmel de Moissac où il séjourne en tant qu’hospitalier sera ce lieu.

« Je suis persuadé que la lumière cherche l’homme autant si ce n’est plus que l’homme ne cherche la lumière. Et que la jonc­tion cherche à se faire et est en train de se faire et que là est l’avenir. »

Suivre son chemin

Je déam­bule dans Moissac sous une tempête immo­bile. Des milliers de grains de pollen flottent dans l’air, le temps s’est suspendu. Je rumine les phrases de Domi­nique. Elles font lente­ment leur chemin. Elles me donnent confiance.

Rencon­trer Domi­nique, c’était rencon­trer un homme heureux de dire sa vérité, de partager son émotion et sa joie. C’est un peu le cas de tous les gens que je rencontre depuis le début de ce voyage.

Le « chemin ». Ils parlent tous du « chemin ». Pas du « chemin de Saint Jacques de Compos­telle », non. C’est « Le Chemin », l’expression consacrée.

Moi aussi je suis le chemin. Mon chemin. Le bon chemin, c’est le chemin que l’on suit.

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Le livre d’un voyage exotique en France

Peut-on faire un voyage exotique dans son propre pays ? Pour y répondre, j’ai traversé la France à pied à travers la diago­nale du vide.

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Commentaires

« Je n’ai pas faim »… mais que t’arrive-t-il ?!
Toujours un plaisir de te lire, continue ton chemin, ça a l’air de te réussir 😉

Haha 🙂 oui tu as raison c’est jamais bon signe ! J’avais un petit coup de mou.
Merci merci ! Le voyage continue et oui, c’est toujours le kif (à part le dos qui tiraille, mais je suis en train de mettre en place le plan C). Bises Maïder

Merci Martine ! Tu parles comme Mitter­rand avec tes forces de l’esprit 😉
Mais oui, tu as raison, ça m’a fait du bien, ces rencontres.
Le chemi­ne­ment pour­suit son cours… La bise.

mais qu’est-ce que j’at­tends pour partir aussi sur ce Chemin qui semble m’ap­peler moi aussi ! merci pour ces belles images et ses belles phrases

Merci pour les gentils mots Marion 🙂
Mais oui ! Qu’at­tends-tu ? Le premier pas est le plus diffi­cile, tout le reste coule de source. Go Marion ! Écoute toi. Tu ne le regret­teras pas…

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