Yin et yang chez les paysans

À Bagnères de Bigorre où je laisse mon dos souf­fler un peu, je fais des rencontres agri­coles. Côté Yang, Marc l’éleveur pratique une agri­cul­ture inten­sive et se déses­père de joindre les deux bouts. Côté Yin, Sam le fromager a opté pour l’agriculture exten­sive et la vente directe.

À l’accueil Notre dame où j’ai élu domi­cile pour quelques jours, il règne une propreté et un ordre oppres­sants. C’est le royaume des petites fleurs en plas­tique. Dans la cuisine commune, hyper équipée, Marc s’agite au télé­phone. Son exploi­ta­tion agri­cole a besoin de lui et il n’est pas là. Il s’insurge à double titre contre l’Etat.

En tant que maire, la réforme Notre (Nouvel ordre Terri­to­rial) qui restruc­ture le mille feuille admi­nis­tratif lui semble incom­pré­hen­sible. Les quarante cinq minutes qu’il passera au volant pour aller assister aux réunions de l’intercommunalité ne sont pas pour le convaincre.

Il se lance dans une imita­tion du préfet. Gestes cali­brés, tour­nures forma­tées, style ampoulé… On imagine la manière dont on consi­dère ici les déci­sions prises par « ces tech­no­crates de Paris ».

En tant qu’agriculteur, avec son trou­peau de vaches et ses quarante hectares de céréales, c’est égale­ment la course contre la montre. « Dans les années 80, on vivait bien. Aujourd’hui on ne s’en sort plus. » Les normes l’oppressent. Quelques bêtes malades et c’est l’asphyxie. L’Etat prend bien en charge les vaccins mais qui va payer le vétérinaire ?

« On dirait qu’ils font ce qu’il faut pour que nous mettions la clé sous la porte. Moi je vais finir par partir au Canada »

Et il reprend son imita­tion de fonc­tion­naire à l’accent pointu en visite d’inspection…

Si vous ne trouvez plus rien, cherchez autre chose

Au marché, je croise Sam, qui produit de la viande et des fromages. Son « camem­bert » est une merveille, on l’a goûté la veille chez Gab. L’agriculture paysanne de montagne qu’il pratique semble lui donner le sourire. Je prends le chemin de sa ferme.

C’est le premier vrai jour de prin­temps. Les magno­lias sont en fleurs, les chemi­siers aussi. Monsieur tond la pelouse, madame tient le fil. Au bord de l’Adour, les pêcheurs à la mouche font voler leur ligne. Les chemins de crête ont laissé place à des routes carros­sables. Les trac­teurs circulent entre sommets enneigés à droite et plaines à perte de vue à gauche.

Boudhisme pour les moutons

Sam me rejoint en amont de sa ferme, le petit Emile en écharpe dans le dos. On fait un rapide tour du proprié­taire : trente cinq hectares de pâture pour nourrir ses bêtes, soixante têtes de brebis, quelques chèvres et une douzaine de vaches, dont il tire le lait et la viande. Les bâti­ments, il les a construits de ses propres mains, la froma­gerie est un container frigo­ri­fique, des panneaux solaires four­nissent une partie de l’énergie des yourtes d’habitation.

Thibault, l’ouvrier agri­cole qu’il peut embau­cher grâce à des aides de l’état, donne un coup de main jusqu’au mois prochain. Après… Ils seront tout seuls, lui et Marion sa femme. Il ne veut pas du woofing. Insti­tu­tion­na­liser un système qui devrait n’être que tran­si­toire, c’est aller contre l’idée même d’une agri­cul­ture rentable. Mais il reste ouvert à la trans­mis­sion du savoir-faire qu’il a acquis. Le mobile home où je passe mes nuits en est la preuve.

Sur la table de nuit, un petit livret résume l’esprit du lieu : « Boud­hisme pour les moutons ».

Nomade pas digital

C’est une forma­tion de berger qui l’amène dans la région, après une maîtrise de mathé­ma­tiques et deux ans de moni­torat de kayak. Passionné de montagne, Sam souhaite la faire décou­vrir de manière intel­li­gente à un public venu pour consommer du paysage. Il ne trouve pas la recette mais découvre une agri­cul­ture à taille humaine.

Il s’installe au pied des Pyré­nées comme paysan fromager trans­hu­mant. Chaque été, la famille au grand complet mène le trou­peau jusqu’à l’estive. Une grande respi­ra­tion dont il ne pour­rait se passer.

« Sauf cas de force majeur »

Le livre d’un voyage exotique en France

Peut-on faire un voyage exotique dans son propre pays ? Pour y répondre, j’ai traversé la France à pied à travers la diago­nale du vide.

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Commentaires

Le cadrage strict des premières photos, ça renforce l’am­biance plombante :/
Je suis plutôt d’ac­cord avec le wwoo­fing, si tu as besoin de wwoofer ou de stagiaires pour t’aider à la ferme, c’est qu’il y a un hic dans ton organisation..Enfin, c’est mon avis, après je trouve ça sympa pour l’ac­cueillant et l’ac­cueilli pour les échanges. Avec Samuel, on y pense mais juste­ment pour accueillir les wwoofer dans de bonnes condi­tions donc pas en plein rush de la saison 😉

Hahaha ! J’ai bien pensé à toi Anne durant ce petit séjour chez Sam 😉
C’est vrai que le système est sympa pour celui qui veut acquérir quelques compé­tences. Pour celui qui accueille, c’est égale­ment valo­ri­sant. Et puis ça fait du bien de se dire que d’autres partagent la même vision des choses…
Quant au cadrage serré, même avec le grand angle, je t’as­sure que c’était pas bien réjouis­sant… Un bon feu de cheminée au lieu de la lumière du néon, ça aurait réchauffé l’at­mo­sphère ! À méditer pour vos futurs wwwwwwwwwwoofers 😀

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