Randonnée, quand ça fait mal…

La douleur a surgi dans le bas du dos, juste au dessus de la hanche, en me rele­vant. Clac. Las de fatigue, engourdi d’immobilisme, je vais me coucher. Ça passera. Ça ne passe pas.

Les dernières semaines ont été dures physi­que­ment. Après les efforts déployés le long de la grande traversée des Pyré­nées, mon corps récla­mait une pause. Installé bien au chaud, je savoure mon séjour dans la vallée d’Aspe, mettant jours et nuits à profit pour reprendre notes et photos sur le blog. Mauvaise idée…

C’est arrivé de manière anodine. Replié sur ma chaise, les genoux à la poitrine, casque sur les oreilles, plongé dans l’obscurité du gîte que tous les convives avaient déserté depuis long­temps déjà pour aller dormir, je triais depuis des heures les centaines de photos prises au cours de ma grande traversée des Pyré­nées. La côte basqueles crêtes d’Iparla, l’ascen­sion jusqu’à Iraty, les pics d’Orhy et d’Anie

Les yeux hypno­tisés par l’écran, je veillais, j’avançais en me disant qu’il me restait encore beau­coup de travail de retouche et de longues heures d’écriture. Tenir un blog, c’est du boulot.

La douleur a surgi dans le bas du dos, juste au dessus de la hanche, en me rele­vant. Clac. Las de fatigue, engourdi d’immobilisme, je vais me coucher. Ça passera.

Ça ne passe pas.

Randonnée, quand ça fait crac - Carnet de voyages en France

Je suis en diagonale

Mon dos se déforme au fil des jours jusqu’à prendre une posi­tion qui, dans mon cas, ne manque pas d’à‑propos. Dans la glace je me regarde avec stupé­fac­tion : je suis en diago­nale. « Posi­tion antal­gique », c’est ainsi qu’on l’appelle quand le corps se contor­sionne pour soulager la douleur. J’ai mal.

Salo­perie de lumbago ! Chaque geste du quoti­dien se trans­forme en défi : enfiler mes chaus­settes, me retourner dans le lit, m’asseoir dans le canapé, mettre la table. Tout prend un temps infini. J’optimise les allers et venues, marche sur des œufs, appuyé sur mes bâtons de marche relé­gués au rang de cannes. Le rire aux éclats et l’éternuement intem­pestif sont devenus mes ennemis jurés.

Je revois mon grand-père dans sa cuisine, au bord de l’évier, faisant sa vais­selle assis sur une chaise. Mon grand-père, aujourd’hui, c’est moi. En deux jours, j’ai pris cinquante ans. Dehors, je regarde par la fenêtre les nuages composer des tableaux mouvants sur les pentes ennei­gées. Au moins, sans regret pour la météo. Elle est détestable.

Surcharge pondérale

Avec ces vingt kilos sur le dos, ces arri­vées à marche forcée, ces sessions de montagne aussi gran­dioses qu’épuisantes, ces courses finales déva­lant la pente pour arriver avant la nuit, je me deman­dais jusqu’où je tiendrais.

Jusque là.

Annie qui gère – aux petits oignons – la maison Despour­rins où mon séjour se prolonge au gré de la douleur a l’expérience de la situation.

« Mathieu, c’est votre corps qui vous parle. »
- Je l’entends cinq sur cinq, Annie !»

Le voyage doit changer. Il me reste encore huit mois de route et je ne peux pas conti­nuer comme avant.

Alléger le sac ? J’ai déjà essayé… Je connais le poids de chaque chose embar­quée. 2,7 kilos de maté­riel de camping, 4 kilos de vête­ments d’hiver, 2,4 kilos de cuisine et de vivres, 2,2 kilos de sac à dos… Et surtout, 6,2 kilos d’appareil photo, ordi­na­teur, enre­gis­treur, disque dur, cables, char­geurs, trépied, batte­ries… Le maté­riel audio­vi­suel, voilà ce qui me plombe. Y renoncer, c’est aussi renoncer à une partie des moyens embar­qués pour raconter le voyage. Et renoncer au webdoc, je ne m’y résous pas.

Randonnée, quand ça fait crac - Carnet de voyages en France

Le voyage doit changer

Seule solu­tion envi­sa­geable : changer de moyen de loco­mo­tion. Je connais l’avantage du vélo qui porte les sacoches mais cantonne l’itinéraire aux seules routes carros­sablesL’âne ? L’alternative mérite réflexion. J’y avais déjà pensé en prépa­rant le voyage. Mais Stéphane, grand spécia­liste de la ques­tion (il accom­pagne le sien, Marius, dans un voyage au long cours qu’il raconte ici) me prévient à juste titre : un âne, c’est un être vivant, avec ses qualités, ses défauts, son carac­tère… Voyager avec un âne, c’est merveilleux, mais ça ne s’improvise pas. Et puis c’est aussi une respon­sa­bi­lité. On ne revend pas un âne comme on se débar­rasse d’une voiture.

Allongé sur mon lit, je rumine en essayant de démêler les fils de ce casse-tête. Une chose est sûre : le voyage doit changer.

Le livre d’un voyage exotique en France

Peut-on faire un voyage exotique dans son propre pays ? Pour y répondre, j’ai traversé la France à pied à travers la diago­nale du vide.

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Commentaires

Pas génial en toutes circons­tances, mais t’as pensé à une carriole, de type Carrix ?
Ou l’envoi de ton matos numé­rique en poste restante à des étapes que tu plani­fies. En gros, tu fais x jours de marche avec le minimum de matos numé­riques, et quand tu retrouves le reste, tu prends plus de temps pour rattraper le temps perdu ET te reposer 🙂
Il n’y a pas de problèmes, que des solutions.
Cela dit, mon avis d’ex­pé­ri­menté en randonnée me fait calculer que tu tournes à 14kgs hors matos numé­riques, cela fait rela­ti­ve­ment lourd mais ça va t’être diffi­cile main­te­nant de tout revoir de fond en comble. Mais si tu as une liste précise de tes items, je veux bien jeter un oeil pour t’aider à optimiser 🙂
Du genre, si t’as une tente double toile, tu vires la toile inté­rieure par exemple 🙂
A toute !

Hello Manu ! Plus rapide que l’éclair 🙂
Merci pour la propo­si­tion. En repas­sant en mode prin­temps-été, et en aban­don­nant deux trois objets, j’étais déjà retombé à 12 kg, hors matos digital. Cela étant, je ne suis pas un de ces adeptes de la marche ultra light qui coupent les manches de leur brosse-à-dent pour gagner trois grammes. Je ne suis pas en expé, je suis en voyage au long cours. Et je reven­dique un petit peu de confort !
Tu as donc trouvé la solu­tion : elle finit par un x 😉

Génial, un voyage en AX (quoi­qu’une BX, c’est pas mal non plus) 😛
Blague à part, c’est un peu la misère les problèmes de dos. Le mien est assez pourri, mais me fait pour le moment rare­ment souf­frir. Mais quand ça arrive en voyage, c’est assez rageant.

C’est quand je reste assis que ça me fait mal. Je crois que la solu­tion, c’est de voyager sans cesse 😉 (mais à pied !)

Voilà ce que cela m’ins­pire… Atten­tion, ce n’est pas le mental qui parle, ni la raison, juste l’idée spon­tanée, celle qui parfois provoque un « petit déclic » 🙂
Voilà Mat, vous voulez telle­ment incarner votre voyage « la diago­nale du vide »… Pour la diago­nale, ça y est c’est fait (merci le lumbago !), il ne reste plus qu’à faire du vide… peut être celui que vous ne vouliez juste­ment pas faire… du coup, la Vie vous donne un petit coup de main 😉
Moi aussi je traine un lumbago depuis 1 mois 12 et pour­tant, ce n’est pas dû à un effort physique ! Mes charges sont émotion­nelles, psycho­lo­giques etc… Vous faites un voyage très symbo­lique, il ne peut qu’a­voir un effet « subtil » sur vous… peut être y a t‑il un domaine de votre vie qui réclame un « zoom arrière », un chan­ge­ment d’angle…
Je suis de tout coeur avec vous 🙂
N’ou­bliez pas de prendre bien soin de vous 😉

Merci Nathalie pour l’ana­lyse en langue des oiseaux et pour votre bienveillance 🙂
Je crois pas mal aux petits coups de pouce de la vie et à ce que le corps exprime.
Bon celui-là de coup de pouce, je dois avouer qu’il reste assez obscur…
Je vous souhaite égale­ment de vous alléger de vos poids super­flus pour mieux vous envoler ! Bon décollage 😉

Mat, il doit y avoir un rebou­teux non loin…il ya toujours un rebou­teux dans une vallée pyré­néenne ! Vous avez demandé, j’imagine.…ou un ostéo­pathe, bien sûr. Quoi qu’il en soit, courage ! Le corps, oui, a ses limites. Et en voyage, on le solli­cite beau­coup. Allez voir mon blog, dernière page, en Inde. Mon voyage de 17 mois s » est terminé bruta­le­ment, pour cause de liga­ments croisés quasi arra­chés. Prenez le temps de vous retaper avant de repartir, sinon ça risque d’être plus défi­nitif et ce serait dommage !
Mon blog (oui, ça prend un temps fou et quand il y a peu de réseau, parfois encore plus): ofildelasie.wordpress.com
Je vous souhaite de profiter de l’ex­pé­rience des pyré­néens, Aspe ou Ossau, ce sont des costauds aussi.
Chaleureusement,
Marie claude

Merci Marie Claude ! Et merci pour l’adresse de votre blog. 17 mois en Inde !!! Ça vaut au moins dix GR10 aller-retour. J’ad­mire votre endu­rance. J’es­père que vous récu­pérez aussi côté ligamentaire.
De mon côté, j’ai multi­plié les pauses, repris le yoga matinal et surtout, j’ai trouvé une solu­tion pour ne plus avoir à porter mon sac. J’ai encore « quelques » envies de voyage que je compte bien assouvir !
Peut-être qu’un jour je partirai avec juste un bloc note, un stylo et quelques crayons… Ça me chan­ge­rait la vie !
À bientôt 🙂

Bonjour Mathieu,
Il m’est arrivé la même chose d’une manière tota­le­ment anodine (d’abord les hanches puis le dos) je vous conseille la méthode Mac kenzie (faire le sphinx) ensuite allez voir un ostéo pour des exer­cices prendre des anti inflam­ma­toires dans un premier temps mais conti­nuer à bouger et marcher un peu car l’en­nemi du lumbago c’est la posi­tion assise .
Au bout de 2 mois j’ai pu faire le tour de Belle ile en mer mais il me reste quelques séquelles qui j’es­père vont passer mais un lumbago c’est très doulou­reux et inva­li­dant. Bon rétablissement
Voici un site qui va vous aider http://www.lecoledudos.org/prevention-des-maux-de-dos.php Bon courage !

Merci André ! Je vais renaître de mes cendres, ne vous en faites pas.
D’au­tant que si la posi­tion assise est l’en­nemie du lumbago, il me reste quelques kilo­mètres qui devraient en venir à bout.
Merci égale­ment pour le lien. Le plus dur est derrière moi !
Bonne conva­les­cence, cher collègue 😉

Oups ! Bon courage pour les douleurs.
Pour l’âne, c’est une idée effec­ti­ve­ment, partager le fardeau… mais aussi le voyage, un bon vecteur de rencontres égale­ment. Par contre, plutôt que l’achat si l’on a pas une pâture (et des copains) à la maison pour­quoi ne pas essayer de s’en faire prêter ou louer un ? Cela peut-être une solu­tion « entre deux ».
Une jeune femme qui a randonné à cheval dans l’île du sud en Nouvelle-Zélande avait réussi à se faire confier deux chevaux. Après un essai d’une dizaine de jours autour de chez la proprié­taire pour voir l’en­tente et les problèmes rencon­trés, elle s’est lancée et tout s’est bien passé 😉
PS : les deux dernières photos sont sublimissimes !!!

Hello wowwwwy !
Merci pour les douleurs et pour les photos. Et pas idiot le coup de me faire prêter des ânes. Bon j’ai renoncé pour ce coup-ci. Après m’être renseigné, ça semblait un peu hasar­deux comme déci­sion. Stéphane de « Heureux qui comme Marius » m’a proposé de le rejoindre sur un petit bout de chemin pour voir comment ça se passe in real life. Ça me dit bien !
En atten­dant, je serai mon propre bétail pour tirer ma cariole. Je suis écono­mique en four­rage, j’ai bon carac­tère et le pied sûr, ça devrait bien se passer 😉

Je n’ai encore jamais du vrai­ment changer tota­le­ment un voyage à cause de soucis de santé (même si j’en ai « subi » quelques-uns à cause de ça) mais bon courage !

Merci Laurianne ! À vrai dire moi non plus, c’est une première. Le voyage reste pour le moment dans la même veine que ce que j’avais prévu, mais de même que j’ai allégé mon sac, je crois que je vais aussi alléger un peu ma charge de travail et la foule de gens à voir. À bientôt 🙂

Et main­te­nant, Mathieu comment allez vous ?
Cordialement
Annie Lespi­nasse de la Maison Despour­rins à Accous

Bonjour Annie 😀
Je vais bien, merci. Je me suis pas mal « reposé » et j’ai décidé de tirer mon sac plutôt que de le porter. Ça soulage mon dos.
Et puis de toute façon, compte tenu de la météo, j’ai décidé de conti­nuer le voyage en canoë-kayak 😉

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