Chinguetti, rêve de désert en Mauritanie

En Mauri­tanie, l’oasis de Chin­getti est un symbole national. Celui de l’âge d’or du commerce trans­sa­ha­rien, des cara­vanes et des cités-biblio­thèques. Nous arri­vons dans le désert mythique.

Pour les Mauri­ta­niens, Chin­getti est un symbole national. Au pied de l’erg Ouarane, la cité marque la limite entre le pays noir, celui de la pierre, et le pays blanc, celui des dunes de sable. Liée à l’âge d’or des cara­vanes et au déve­lop­pe­ment des grandes voies commer­ciales trans­sa­ha­riennes, son histoire pres­ti­gieuse se confond avec celle du pays. Nous arri­vons dans le désert mythique.

À cent vingt kilo­mètres d’Atarl’oasis de Chin­getti est un des lieux saints de la reli­gion musul­mane. Nous en prenons la route dans une grosse Mercedes au moteur brin­gue­ba­lant. Il faudra faire arrêt en cours de route pour l’attacher à la carlingue avec des morceaux de tissu et éviter qu’il ne tombe.

Arrivés de nuit, l’hôtel nous annonce un prix “spécial ami” qui en dit long sur son sens de l’amitié… La provi­dence nous guide à travers la ville moderne jusque l’autre côté du lit asséché du fleuve. Là, à la lisière de la vieille ville, l’auberge du Maure Bleu, où après la tradi­tion­nelle tournée de thé, nous sommes invités à dormir « à la belle étoile ». L’expression est dérisoire.

Quand, après avoir installé les matelas sur le sable, la lumière s’éteint, c’est comme si quelqu’un avait allumé du même geste la voûte céleste. Des millions d’étoiles nous contemplent et une voie plus crémeuse que lactée se dilue dans le bleu nuit de l’espace, d’un bout à l’autre, plus lumi­neuse que jamais. En guise de moutons pour nous endormir, nous comp­te­rons ce soir-là les étoiles filantes

Chingetti, rêve de Mauritanie - Récit de voyage en Mauritanie

L’oasis de Chinguetti

L’oasis est encore distante de quelques kilo­mètres. Nous prenons le lende­main le chemin des dunes à travers l’erg Ouarane, l’une des plus vastes mer de sable de la planète. Se reposer à l’ombre de la palme­raie en atten­dant la fraî­cheur du soir, le programme n’est pas insur­mon­table. Simple­ment gérer l’excitation d’être parvenu jusqu’ici, au coeur du désert.

Nous décou­vrons le site même de l’oasis le lende­main matin. Devan­çant le soleil, je déam­bule pieds nus, à moitié endormi, en direc­tion des grandes dunes qui se dessinent à l’horizon. Le bruit sourd et étouffé de mes pas, le contact velours du tapis de sable fin, les couleurs pastels qui semblent naître avec la lumière, les crêtes aux lignes courbes qui viennent mourrir dans le creux d’une autre vague… Tout est pur, simple, apai­sant. Je m’éveille en douceur.

Les dunes de l’erg Ouarane

Alors que la lumière gagne en inten­sité, chaque seconde met à jour de nouveaux détails, cise­lant avec préci­sion le moindre relief, magni­fiant les couleurs, rehaus­sant les contrastes. Là où la surface du sol appa­rais­sait calme et plate, la voilà qui ondule, se ride, se strie, s’agite, s’aiguise. Les crêtes deviennent fron­tières, posent les limites entre l’ombre et la lumière.

Sur un versant, le sable est compact et frais sous la plante de pied, sur l’autre, la jambe s’enfonce jusqu’à mi-mollet dans un sol chaud qui se dérobe sous le poids. Depuis le sommet de la dune, oasis et palmiers, cases et hameaux animent un horizon qu’on croyait vierge.

Quant aux empreintes de mes pas, le vent se charge d’en effacer la trace. La place de l’homme n’est pas ici. Et pour­tant, de l’autre côté, l’oasis de Chin­getti dresse ses bouquets verts de palmiers dattiers et une forêt non moins nombreuse de balan­ciers qui sont autant de puits où jadis, les cara­vanes venaient s’abreuver.

Méharées et caravanes

C’est à l’ombre de ces palme­raies que s’est déve­loppée la culture mauri­ta­nienne, équi­libre entre agri­cul­teurs noirs du sud et chame­liers arabo-berbères. Les nomades berbères détiennent en effet la clé du Sahara, le droma­daire, qui leur assure la supré­matie sur l’ensemble de la région.

Chingetti, rêve de Mauritanie - Son altesse le dromadaire, le vaisseau du désert

A l’ombre d’un peuple prônant le voyage comme un mode de vie, le commerce entre le sud et le nord se déve­loppe, et fait la fortune des marchands intré­pides qui réus­sissent à gagner Tombouctou. De véri­tables expé­di­tions s’organisent autour de trois matières précieuses : l’or, le sel et les esclaves.

D’oasis en oasis, des itiné­raires se forment, reliant les points d’eau où les cara­vanes font relâche. Les cara­van­sé­rails peuvent accueillir jusqu’à plusieurs milliers de chameaux. Marchands arabes et perses y côtoient voya­geurs et philo­sophes musul­mans. Ainsi s’échangent une multi­tude d’informations desti­nées à des marchands éclairés – de la course des planètes aux tona­lité des cordes d’un instru­ment de musique.

De carre­fours commer­ciaux, les villes deviennent centres d’éruditions, accu­mu­lant le savoir dans des livres. De véri­tables cités biblio­thèque appa­raissent, et pendant près de trois siècles, le commerce et la connais­sance s’enrichissent mutuel­le­ment, à dos de chameau, entre des barres de sel et des sacs de tabac.

Chinguetti, la sorbonne du désert

Les biblio­thèques de Chin­getti témoignent encore de cette période faste, où la ville comp­tait parmi les cités les plus influentes de l’Islam. Derrière une porte au verrou de bois, les livres plusieurs fois cente­naires reposent modes­te­ment empilés sur des tables et des étagères poussiéreuses.

Didi, notre guide, se saisit de quelques ouvrages qu’il ouvre et feuillète sans plus de céré­mo­nial que s’il cher­chait un numéro dans l’annuaire. Sur le papier en parfait état de conser­va­tion s’étalent dans une calli­gra­phie appli­quée des écrits minus­cules agencés dans tous les sens, rappe­lant les motifs trian­gu­laires sahraouis, les lignes brisées des zéliges taillés dans le stuc et les déco­ra­tions au henné ornant les mains des femmes berbères.

Pour conti­nuer ce voyage dans le temps, nous montons l’escalier menant au toit de l’édifice pour embrasser du regard l’ensemble de la ville ancienne. Les ruines des bâti­ments en pierre char­gées d’histoire dispa­raissent peu à peu sous le sable. De l’autre côté de l’oued, la ville nouvelle de béton et de parpaings se déve­loppe. Impres­sion curieuse qu’une page se tourne…

Le tour du monde des musiques à vélo

Faites le tour du monde à vélo et décou­vrez le musiques d’Asie, l’Amérique latine et l’Afrique. 18 mois de voyage, 23 pays et 23000 kilomètres !

Musictrotter, le podcast d'un tour du monde des musiques à vélo

Sur la même thématique

Commentaires

J’ai eu la chance de partir en voyage en Mauri­tanie. Chin­guetti, c’est la promesse d’une magni­fique aven­ture. J’ai vrai­ment aimé mon séjour dans ce pays. C’était une expé­rience inou­bliable. A+

Ce moment dans la biblio­thèque <3 Je crois que ça m’au­rait coupé le souffle ! Tous ces moments dans le désert ont l’air à laisser pantois de toute façon ! Quand je vois comme je suis conquise par les airs que tu as mis en audio et par ce que j’ai vu et entendu à Istanbul, je crois qu’il est temps de m’orienter vers des desti­na­tions plus orien­tales et sableuses…

Coucou Lauriane !
Ce n’est pas moi qui te dirais le contraire… Le désert, c’est fabu­leux. Les dunes, les oasis, le silence, l’ho­rizon à perte de vue…
Et la Mauri­tanie a bien besoin des subsides du tourisme !
Dans la biblio­thèque, on n’était pas trop préparé et on avait du mal à prendre notre jeune guide au sérieux. Et puis je me suis un peu plus penché sur l’his­toire du pays, et j’ai pris une bonne claque (à rebours !). Chez nous, ces trésors seraient enfermés à double tour. Là-bas, ils sont rangés sur une étagère bancale, et protégés par un verrou en bois ! Un autre monde… À découvrir 😉

J’aime toujours autant tes textes et tes photos, bravo, continue comme ça de nous faire voyager. Tu utilises du maté­riel argentique ?

Bonjour Béatrice ! Merci d’être passé par ici 🙂 Échange de bons procédés, je retrouve sur le lien dans votre signa­ture plein de détails et de bons souve­nirs de Mauri­tanie. Où allez vous cette fois ? Terjit ? Tidjikja ? J’étais allé à Tichit, une autre de ces cités-librairie, lors d’un autre voyage… Une desti­na­tion magique au bout du monde… Bon voyage !

Je voudrais faire « la totale » de mes envies… Chose que je n ai pu faire cette annee.
Un grand tour Adrar et Tagant.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

3 Partages
Partagez3
Enregistrer
Tweetez