Le train le plus long du monde n’est pas un train de voyageurs. Il achemine des marchandises un peu particulières du coeur du désert mauritanien jusqu’à l’Océan Atlantique. Mais pour les voyageurs que nous sommes, c’est le seul moyen de traverser le Sahara pour poursuivre notre route en direction du sud.
En Mauritanie, tous les produits de la mer abondent. Dans un pays recouvert à quatre-vingts pour cent de désert, où les pierres font défaut, les coquillages sont partout : sur la plage, sur la route, dans le goudron, le ciment, les parpaings… La silice constitue l’une des ressources principales du pays.
Avec le minerai de fer.
Les convois de minerai de fer
Extrait à Zouerat, au coeur du désert, le métal est acheminé sur huit-cents kilomètres jusqu’à Nouadhibou où il est transformé puis embarqué sur des cargos en partance pour les quatre coins du monde. C’est dans la benne à minerai d’un de ces trains les plus longs du monde que nous prenons la route du désert, moi, Lou et Alex qui descend vers le Sénégal à vélo, comme nous.
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La salle d’attente ayant été transformée en marché local, nous attendons comme la poignée de passagers au bord de la voie ferrée. Pas vraiment d’horaires, juste l’information obtenue par bouche-à-oreille selon laquelle il faut être là avant midi. Au terme d’une attente à durée indéterminée, trois locomotives suivies de plusieurs centaines de wagons rouillés finissent par arriver avec la ponctualité et l’empressement légendaire des pays africains. Chargement des marchandises et des hommes. À notre bonne surprise, nos têtes dépassent juste ce qu’il faut de la benne pour admirer le paysage.
Cheveux au vent à travers le désert
Le départ commence à se faire sérieusement désirer, lorsqu’un vacarme nous parvient de l’avant du train et se rapproche à grande vitesse, de plus en plus assourdissant. Nous nous regardons interdits, questionnant l’autre des yeux, lorsqu’un choc d’une violence inouïe ébranle le wagon et ses occupants. Le paysage commence à défiler. Pour remuer les milliers de tonne de métal de son convoi, le chauffeur n’a guère d’autre solution que de démarrer à pleine puissance.
Nous voilà donc partis, cheveux au vent, exaltés par ce sentiment de liberté que procure les voyages réalisés dans des conditions de confort réduites au strict mimimum. Mais l’enthousiasme laisse peu à peu place au doute au fur et à mesure que le train atteint sa vitesse de croisière. L’avant du train se perd dans un nuage de poussière et de sable que les wagons soulèvent et que le vent balaye. Même enturbannés dans nos chèches et protégés derrière nos lunettes, les grains s’immiscent par les oreilles, le nez, la bouche… Ça croustille sous la dent.
Une banquette pour quatorze
Quant aux rails mal ajustés, ils transforment notre benne-habitacle en shaker géant. Nos articulations et notre capacité à encaisser les coups sont mis à rude épreuve. Nous cherchons refuge dans un sommeil que nous ne trouvons que partiellement, mais dont un de nos compagnons d’infortune a tôt fait de tirer parti. À son réveil, Alex retrouve la moitié de ses affaires dans le sac du voisin !
Au terme de dix heures dans ces conditions précaires, nous atteignons Choum, mauvaise ville perdue au beau milieu de rien. Cent vingt kilomètres nous séparent encore d’Atar, notre objectif. Ils se feront en voiture, entassés à quatorze à l’arrière d’un 4×4 pour une nouvelle séance de tape-cul en règle, sur une piste défoncée à travers le désert.
Trois heures plus tard, nous arrivons pour le petit déjeuner chez Abdelahim. Le jeune Mauritanien rencontré durant le trajet nous a offert l’hospitalité avant même de connaître nos prénoms – ce qui vaudra à Lou celui de “Capitaine”-. Épuisés par le voyage, écrasés par la chaleur, nous voilà à Atar, aux portes du désert.
Le goudron avance
Le train le plus long du monde est toujours en service depuis ce voyage effectué en Mauritanie en 2002. À cette époque de convois, le seul itinéraire envisageable vers le sud était celui de la plage, cinq cents kilomètres d’aventure entre océan et dunes de sable qui ravissaient les amateurs de sport mécanique. Mais le temps passe et le goudron avance. Le pays compte désormais en tout et pour tout trois routes goudronnées et la nationale 2 relie Nouadhibou, la capitale économique du pays à la capitale économique, Nouakchott.
Prix du train : gratuit
Horaires : flexibles. Arrivez le matin pour ne pas râter le départ (et soyez prêts à attendre).
Utiles pour le voyage : des lunettes, un chech, de l’eau.
Une fois à Choum : Prendre un taxi collectif jusqu’à Atar pour une poignée d’euros. Vous voilà arrivés aux portes du désert !
Commentaires
Tres beau reportage..j aurais aime plus de photo
Comment avez vous recupere vos affaires dans le sac du voisin ?
Merci Alain 🙂 Pour plus de photos, je vous conseille de vous abonner. Les prochains articles devraient vous plaire 😉
Comment avons-nous récupéré les affaires ? En fait, nous étions dans un benne à minerai, nous, nos vélos et une famille mauritanienne, le père et ses deux enfants. Quand Alex s’est aperçu qu’il lui manquait des affaires dans son sac, le nombre des suspects était limité… Il a attendu que la famille s’assoupisse pour soulever le haut du bagage du garçon d’où dépassaient quelques affaires.
Alex reprend ses affaires, la famille se réveille, conciliabule, explications. Le garçon se prend la baffe du siècle (peut-être même du millénaire, une baffe de cinéma), le père se répand en excuses aussi bruyantes qu’incompréhensibles tout en traitant son fils de tous les noms (on a juste compris « achouma », « la honte », l’insulte suprême paraît-il) assortissants les paroles de coups de poings de désespoir. Une scène de film !
Dis, quelles scènes ! Nous sommes dans notre monde occidental comme avec des œillères, beaucoup d’entre nous ignorants de ces quotidiens que nous nommons aventures.
Contente d’avoir lu la fin de l’histoire des affaires disparues dans les commentaires 🙂
Haha, oui, un sacré épisode !
Ah l’aventure… Je crois que chacun place le curseur de ce qu’est une aventure selon ses propres critères, non ? En tout cas, pour moi, oui, ce voyage en Mauritanie était une sacrée belle aventure.
Effectivement, Alain a bien fait de poser la question. Des fois je passe des trucs sous silence tout simplement parce que je ne sais pas comment les insérer dans le texte.
Merci d’être passée par ici Lauriane 🙂
Lors de mon voyage en Mauritanie, j’ai eu l’occasion de visiter le marché local et aussi de monter à bord du train le plus long du monde. Je n’oublierai jamais ce jour.
Merci pour la visite et pour les petits mots, Jude !
Ah ça, la Mauritanie, c’est un voyage qu’on n’oublie pas…
J’y ai été deux fois et je n’ai pas tout vu, loin s’en faut ! J’aimerais bien voir Ouadane, Guelb el richat, le cratère, et puis Oualata, trop loin pour mes petits moyens financiers. Comment as-tu circulé ? Rando chamelière ? 4x4 ?
Quel marché local as-tu vu ? Celui de Atar ?
À très vite !
Un très intéressant reportage, qui en dit long sur l’honnêteté de ceux que l’on traite souvent de voleurs, et sur l’exigence de l’éducation !
Merci Annie ! Et oui malheureusement, l’image de l’arabe voleur est tenace en France. Je crois que le garçon s’est pris une leçon qu’il n’est pas prêt d’oublier… Il faut que je rajoute ça dans mon texte ! Merci d’être passée par ici 🙂