Le slow travel prend le tourisme à contrepied. Il prône un autre rapport au temps, loin des to-do listes et des séjours menés tambour battant. À l’heure de l’instantanéité, qu’est-ce qui séduit dans cette manière de voyager autrement ? Adepte de ce type de voyage alternatif depuis vingt ans, voici quelques-uns des trucs qui, pour moi, font de cet art de la lenteur la meilleure des philosophies de voyage.
Cela fera bientôt vingt ans que je voyage, depuis mon premier échange universitaire au Maroc, en 1998 ! Vingt ans à expérimenter différentes manières de voyager. Vingt ans à ralentir aussi. Trouver le rythme qui me convenait, ce rythme lent du slow travel, m’a pris du temps.
Vingt ans pour ralentir
Lorsque je l’ai lancé, l’esprit de mon blog de voyage tenait en trois phrases :
L’herbe n’est pas plus verte ailleurs
Les rencontres sont le sel du voyage
Respect est un mot qui rassemble
Mes carnets de voyage se voulaient exotiques, authentiques et durables. Trois mots galvaudés, récupérés et vidés de leur substance par les équipes marketing des agences de voyage. Ils n’en ont pas perdu leur sens pour autant.
Aujourd’hui encore, je revendique des voyages qui laissent de la place au hasard et à l’inconnu, loin des itinéraires tout tracés. Une manière de dire : « regardez, tout est là, il suffit de se lancer pour que, comme par magie, tout vienne à vous. »
Pour cette raison, j’ai toujours préféré le format des récits de voyage qui donnent (je l’espère) envie de partir aux guides qui proposent des recettes toutes faites. Les plus beaux voyages sont ceux auxquels on ne s’attend pas, qui vous surprennent et vous portent comme on surfe une vague. Mon meilleur (et seul) conseil a longtemps été : N’oubliez pas de vous perdre en voyage.
Beaucoup de l’esprit du slow travel tient dans cette phrase.
L’art du slow travel
Dans son livre The idle traveler (en anglais), l’auteur Dan Kieran célèbre l’art du slow travel. Il propose de réévaluer comment et pourquoi nous voyageons, et de réfléchir sur notre conception du lieu – à commencer par chez soi. Chacun des sept chapitres correspond à un aspect du slow travel :
- Voyagez, ne faites pas qu’arriver
- Restez à la maison
- Soyez votre propre guide
- Embrassez les catastrophes
- Suivez votre instinct
- Soyez fous
- Devenez un héros
Il viendra probablement compléter cet article !
Qu’est-ce que le slow travel ?
Le slow travel est une manière de voyager différemment. Il met l’accent sur la manière, justement, plus que sur la destination elle-même. Voir moins, peut-être, mais voir mieux.
Il ralentit le rythme du voyageur pressé qui ne pense qu’à arriver. Pour lui, le trajet en voiture, en train, en avion n’est qu’une parenthèse entre deux étapes du voyage. Il est déjà dans l’attente de la suite du programme. Il relit ses notes, anticipe, il sait déjà ce qu’il a envie de voir et de faire. Ses journées de vacances sont à l’image de son agenda : overbookées.
Pour le slow traveler, au contraire, la destination n’est que le squelette du voyage. Le trajet, voilà la chair qui lui donnera corps. Qui sait ce qui peut arriver en chemin ?
Pourquoi voyager lentement ?
Vous avez déjà essayé de vous arrêter en voiture pour prendre une photo ou parler avec quelqu’un sur le bord de la route ? Probablement, vous avez vite abandonné l’idée… Le temps qu’elle fasse son chemin, vous étiez déjà loin. En voyageant à toute vitesse, on ne s’arrête pas. On privilégie la destination.
Le slow travel redonne au contraire une place au déplacement dans le voyage. À vélo ou à pied, votre rapport avec le terrain change. Vous n’empruntez pas les mêmes itinéraires, vous ne voyez pas les mêmes choses. Vous êtes totalement immergé dans votre environnement, vous sentez les odeurs de la nature, vous entendez le vent dans les feuilles, vous ressentez la pente, la terre sous vos pieds… Le rapport avec le terrain est physique, se déplacer n’est pas anodin.
« Le vrai voyage, c’est d’y aller. Une fois arrivé, le voyage est fini. Aujourd’hui les gens commencent par la fin.”
Hugo Verlomme
Voyager lentement, ça change quoi ?
Le slow travel change la manière dont on appréhende une destination. Il en offre une vision peut-être moins exhaustive mais plus en profondeur. Il ne s’agit pas de tout voir mais de voir mieux.
En prenant le temps de se plonger dans le quotidien d’un endroit, on le découvre autrement, on ressent mieux ce qu’il s’y passe, on se laisse plus guider par ses perceptions et ses envies que par les panneaux qui indiquent les « points d’intérêt » choisis pour vous. Passez donc une matinée en terrasse à boire un café en bavardant avec les gens du coin ou à regarder simplement la vie suivre son cours. Vous en apprendrez beaucoup sur l’endroit où vous êtes et vous vous ferez peut-être quelques amis.
Avec le slow travel, le temps que l’on prend donne de l’épaisseur au moment vécu. C’est un voyage moins cérébral, plus immersif.
Faire son propre voyage
S’ouvrir à la lenteur, c’est se rendre disponible à l’imprévu et aux rencontres. Pour moi, tout le charme du slow travel est là. Se perdre, arrêter de prévoir et prendre ce qui vient sur la route. Je n’ai jamais été déçu par ce type de voyage qui donne le sentiment de faire SON propre voyage, de tisser un lien particulier, personnel, avec le pays ou la ville où l’on se trouve.
Vivre des expériences qui nous enrichissent, agrandissent un peu notre vision du monde, ouvrent des fenêtres sur des réalités auxquelles nous n’avions pas accès, pas même conscience, n’est-ce pas ce pour quoi nous voyageons ?
Vivre la vie d’un milliardaire en Mauritanie, rencontrer un chaman dans le Gers, partir à la pêche au homard en Irlande, faire du bateau-stop dans la Meuse, assister à une cérémonie des masques au Sénégal… Je n’aurais pas vécu ces moments-là si je m’étais contenté de suivre les panneaux indicateurs. Je les ai trouvés au bord de la route, au détour d’une conversation, sur le coin d’un bar.
Des idées pour voyager autrement
- Privilégiez le train à l’avion. Le vélo au train. La marche au vélo.
- En ville, prenez le bus plutôt que le métro.
- Ne planifiez pas trop votre voyage. Pour pouvoir dire oui aux surprises qu’il mettra sur votre route, soyez disponible.
- Laissez-vous dérouter par les rencontres. Acceptez les invitations.
- Ayez besoin des autres. Demandez votre chemin, faites du stop, faites remplir votre bouteille d’eau par quelqu’un.
- Fiez-vous à votre instinct. Si un endroit vous plait, passez plus de temps. S’il ne vous plaît pas, passez votre chemin.
- Prenez part aux événements locaux.
- Dormez chez l’habitant.
Slow travel : quels bénéfices ?
Au-delà du plaisir qu’il procure, le slow travel a des conséquences plus larges. On peut vraiment parler de tourisme durable.
Sur le porte-monnaie, l’impact est considérable. Les coûts principaux d’un voyage étant le logement et le transport, il est bien plus facile de dénicher des billets à moindre coût si rien ne presse. Les prix peuvent varier du simple au double d’un jour à l’autre. Côté logement, rien de plus économique que d’emmener sa tente. En ville, le couchsurfing permet de surfer gratuitement sur le canapé de vos hôtes et de faire des rencontres. Pour les cyclo-randonneurs, le réseau des warmshowers offre des nuitées gratuites chez l’habitant. Les curieux d’agritourisme peuvent échanger leur bras contre le gîte et le couvert en pratiquant le wwwwoofing.
Sur la destination, le slow-travel soulage la charge. Le tourisme de masse crée du ressentiment parmi les populations les plus exposées. Après Berlin, Barcelone, c’est récemment Lisbonne qui s’insurgeait contre les excès du tourisme et ses effets pervers sur la vie des habitants. Kao San road à Bangkok, Temple bar à Dublin, quartier rouge à Amsterdam… Partout, la disneylandisation du monde est à l’œuvre. En privilégiant la rencontre aux comportements consuméristes, en évitant la concentration touristique sur les mêmes lieux, en répartissant les voyageurs sur des territoires moins exposés, le slow travel propose une alternative.
Sur l’environnement enfin, les effets positifs du slow tourisme sont particulièrement sensibles. L’impact environnemental d’un voyage tient d’abord au mode de transport utilisé, avec l’avion comme principal responsable. Partir moins loin, utiliser les transports communs et idéalement, se passer de véhicule est la meilleure des solutions pour ne pas faire exploser son bilan carbone. Le duo gagnant pour ceux qui souhaitent quand même faire des kilomètres : associer le train au vélo.
Dans son roman Tout le monde est occupé, Christian Bobin écrit :
« le bout du monde et le fond du jardin contiennent la même quantité de merveilles »
Christian Bobin
À vous de faire votre propre expérience. Pour ma part, vingt ans de voyage autour du monde et une traversée de la France à pied m’ont convaincu. Je vous emmène ?
Commentaires
Merci pour ce bel article qui correspond tout à fait à notre état d’esprit ! Nous voyageons lentement, mais sûrement ! Parfois, on ne va pas dans les lieux instagrammables, consommables mais tout de même magnifiques. Non pas parce qu’ils nous déplaisent mais parce que le tourisme de masse nous écœure complètement. On a réalisé, tout comme toi, que les gens en vacances étaient parfois stressés, prêts à exploser, agacés, car ils partaient sur un objectif « tout voir, tout faire et vite ». Tout autant que les locaux, envahis et oppressés par cette invasion. Le slow travel apporte sa dose de calme et de sérénité qui permet d’aller plus loin, et de profiter de chaque moment !
Hello les entrepreneurs 😉
Oui moi aussi je suis un peu écoeuré… Lors de ma traversée de la France, je suis passé dans des endroits comme le parc naturel des monts du Cantal où je ne croisais personne – per-sonne – et puis soudain, parce qu’un label avait été apposé et que les guides parlaient de l’endroit (le Puy Mary, labellisé Grand site de France), je me retrouvais avec des hordes de visiteurs tous emboîtés les uns dans les autres… Absurde !
Et… quand vous parlez de lieu instagrammable… Vous parlez de lieux qu’on retrouve partout sur Instagram, c’est ça ? Parce que moi j’ai croisé un paquet de lieux magnifiques qui n’étaient pas sur Instagram et qui n’en étaient pas moins instagrammable 😉
Bonne route les cyclistes !
Bonjour,
C’est un mode de voyage qu’on a adopté aux dernières vacances. Partir près de chez nous, en vélo. Certes, de retour au travail, on n’a pas fait briller les yeux des collègues au jeu de celui qui part le plus loin, mais pour nous l’expérience était pourtant tout aussi belle ! On s’est laissé guider au gré de nos envies, de la météo, parfois ;).
Le seul point frustrant… est d’avoir une date limite pour reprendre le travail, alors qu’on aurait bien continué, été plus loin, histoire de se dépasser, d’en apprendre un peu plus. 😉 Je ne sais pas si on a trouvé le mode de voyage dans lequel on se sent le mieux, mais on s’en approche.
On le découvrira lors d’un prochain voyage au long cours je l’espère !
Merci pour ce bel article qui retranscrit parfaitement mon ressenti.
Salut Géraldine ! Ça fait plaisir de voir qu’on partage le même état d’esprit 🙂 Avoir trouvé son mode de voyage, c’est déjà une victoire, je trouve ! C’est vrai que le temps limité est toujours source de frustration et c’est souvent ce qui nous pousse à courir. J’espère aussi que vous saurez créer l’occasion pour un voyage un peu plus dans la durée. Rien de tel pour vraiment se sentir à l’aise et prendre le temps de se laisser porter. Bon voyage alors 😉
Je découvre ton blog par cet article et c’est rigolo de mettre un mot sur une façon de voyager. 🙂 je le fais tout à fait inconsciemment. Durant ce voyage au long cours que j’ai entrepris il y a maintenant 7 mois. Un mix entre slow travel et impératif de voyage de temps en temps. Et les rencontres avec les touristes ont aussi parfois du bon. J’ai vecu quelques moments de voyage intéressant notamment à Madagascar. Je les raconte aussi un peu car ça permet parfois de donner aussi du sens à ce que l’on vit. Si jamais tu souhaites y faire un tour… je ne fais jamais de « pub » pour ça ahah c’est plus un blog familiale dirais je. Mais ca te rappellera peut être certaine chose. Je vais parcourir ton blog. J’ai le temps ! Slow travel… je suis actuellement dans un bus direction embilitiya au Sri Lanka.
À bientôt
Claire
Merci pour cet article inspirant qui me conforte dans ma manière de voyager doucement mais sûrement ! Souvent j’explique aux gens qu’on croise pourquoi on ne loue pas de scooter pour visiter, que l’important ce n’est pas d’en voir un max à tout prix… parfois mes explications font écho, parfois je me prends un vent terrible. Peu importe. J’aurais beaucoup de mal à revenir à un rythme plus rapide pour voyager…