Une journée à l’ITB : dans les coulisses du blogging voyage

Le monde du tourisme se retrouve chaque année à Berlin à l’oc­ca­sion de l’ITB, l’international Travel Busi­ness salon. Reconnus pour leur influence, les blogs de voyage ont désor­mais voie au chapitre. Entre faux gourous et vrais mordus, qui sont les cher­cheurs d’or et les vendeurs de pelle ?

Le monde du tourisme se retrouve chaque année à Berlin à l’occasion de l’ITB, l’international Travel Busi­ness salon. Inté­grés aux stra­té­gies de commu­ni­ca­tion des desti­na­tions, les blogs de voyage ont désor­mais voie au chapitre. Entre faux gourous et vrais mordus, qui sont les cher­cheurs d’or et les vendeurs de pelle ?

En tant que berli­nois et blogueur de voyage, je ne pouvais pas bouder cette super oppor­tu­nité de « networker ». J’y rencon­tre­rais peut-être, qui sait, les futurs spon­sors de ma diago­nale du vide. Et puis toutes les stars du blog­ging voyage y seraient. Je ne pouvais pas rater ça… Bon ok, alors j’y vais. Histoire de voir un peu qui fait quoi, qui pense quoi, qui boit quoi…

24h dans les coulisses du blogging voyage

Sésame ouvre toi

Le formu­laire d’accréditation de l’ITB s’avère un brin inqui­si­teur. Avec ma poignée de malheu­reux fans Face­book, je sens que, comme pour rentrer en boîte à Paris, je vais me faire refouler. Le message arrive dans ma boîte aux lettres : surprise, je suis reçu ! Tadam ! Mon ego se gonfle comme un compte Insta­gram boosté au robot-liker.

Reste à caté­go­riser mon blog en remplis­sant les cases à choix multiples. Pour un salon, encarter les blogs, c’est se donner les moyens de les proposer à des annon­ceurs qui pour­raient être inté­ressés. Faire corres­pondre l’offre et la demande. C’est quoi ta niche ?

Euh… B… Blogueur de voyage ? J’ai bon ?

Eh non ! La marche à pied, le conti­nent austra­lien, les hôtels de luxe ou les tours du monde solo, c’est ça, des niches. Pour moi, par exemple, ce serait plutôt le slow travel, les tours du monde à vélo et les voyages hors des sentiers battus. Mais ça pour­rait être aussi les rencontres impromp­tues en voyage, la musique du monde ou les carna­vals. Mais non, je dois me coller UNE étiquette. Bon. Dans le formu­laire, je choisis « inspi­ra­tion et astuces de voyage ». Sans conviction.

C’est quoi ma niche ?

Diffi­cile de dire quel voya­geur « je suis ». Dans le voyage, tout m’attire. C’est même pour ça que je voyage. Je suis aussi intrigué par une free-party au fin fond de la Bretagne que par un défilé de mode Channel. Je n’ai pour­tant pas le réflexe selfie-life­style de la blogueuse mode. Si je prends des tonnes de photos, suis-je pour autant un blogueur photo ? Non, je ne donne pas de conseils sur mon blog. J’ai encore ps mal de progrès à faire…

J’adore manger et cuisiner, mais suis-je pour autant un foodista ? Mais non ! D’ailleurs, cette manie de photo­gra­phier systé­ma­ti­que­ment son assiette… Descendre dans les cata­combes de Paris est une des aven­tures les plus exci­tantes que j’ai pu vivre, mais suis-je un blogueur outdoor ? Pas plus. Quand je vois les photos de camps de base au pied de l’Anapurna, je me dis que l’aventure, ça n’a pas l’air d’être ça…

Suis-je donc un blog d’astuces de voyage ? Toujours pas. Je fuis comme la peste ceux qui m’expliquent comment mieux faire ma lessive en voyage, comment devenir un aven­tu­rier, comment plier mes affaires dans mon sac à dos, comment faire pipi en voyage… Je n’aime pas qu’on m’explique. Ça m’énerve. J’ai l’impression qu’on me prend pour une truffe.

Niche, segment et tutti quanti

Tête haute, blogueurs ! Devenez gourou

Les conseils et la pseudo-sagesse accu­mulée des autres voya­geurs me laissent sur ma faim. Les néo-gourous revenus de leur 9 mois de voyage avec la mission d’éclairer le monde me hérissent le poil. Le gorafi, toujours mordant, avait fait deux super papiers sur le sujet :

À lire ailleurs : Un millio­naire décide de tout plaquer pour un tour du monde de 24h dans son jet privé

À lire ailleurs : Un jeune au métier ennuyeux décide lui aussi de tout plaquer pour entre­prendre un énième foutu tour du monde

Mais sur internet, je suis ce que je dis que je suis. C’est aussi simple que ça. Avec quelques moyens finan­ciers, des notions de commu­nity mana­ge­ment et une bonne dose de SEO, devenir un gourou, c’est facile possible : se créer une page Face­book, un compte Twitter, un profil Insta­gram garnis de milliers de fans achetés et vous voilà auto­ca­ta­pulté « influen­ceur ». Sur internet, la légi­ti­mité, ça s’achète et tout le monde n’y voit que du feu.

Vous êtes le meilleur blog de voyage ? Dites le ! Certains en rigolent. D’autres pas du tout.

“Amenez votre blog au niveau d’au dessus”

Sur la scène du e‑travel world, tout le monde se prépare pour la confé­rence « Comment amener son blog au niveau du dessus ». Mobile en main, le confé­ren­cier – un ponte du blog­ging voyage – photo­gra­phie l’assistance. Mobile en main, l’assistance photo­gra­phie les slides. Bien­venue dans le monde de la commu­ni­ca­tion digi­tale.

Comment amener son blog au niveau du dessus ? En suivant la forma­tion de l’intervenant, pardi ! Une demi-heure pour présenter les progrès qu’elle permet d’accomplir, les retours dity­ram­biques, les résul­tats obtenus – fulgu­rants, forcé­ment… Mais sur le contenu de la forma­tion elle même, les recettes, les astuces ? Pas un mot, queu­dalle, oualou, quéquette blues. Comme dans un article au titre racco­leur, le contenu déçoit.

A l’époque de la ruée vers l’or, il y avait ceux qui cher­chaient les pépites et il y avait ceux qui vendaient les pelles. Qui faisait fortune ? Les vendeurs de pelles. À l’époque du blog­ging de voyage, les cher­cheurs d’or voyagent. Les vendeurs de pelles expliquent comment vivre du voyage.

Vendez nous du rêve !

Le collectif de blogueurs iambas­sador a orga­nisé sa soirée dans un centre de recherche en agri­cul­ture verti­cale. Baignés par la lumière violette des néons, une bonne centaine de blogueurs voyage « networkent » en s’enfilant de déli­cieux petits sand­wichs végans et en buvant du « pirouette, vin de café » bio. Sur le mur, une cita­tion du futu­ro­logue et ingé­nieur en chef de Google, Ray Kurz­weil, annonce la prochaine révo­lu­tion verte.

Un beamer projette le mot d’ordre de la prochaine révo­lu­tion blog. Nom de code : #whatins­pi­resme. « Be inspi­ring », « tell us what inspires you », « inspire me », « that’s inspi­ring ». “Vendez nous du rêve”, c’est l’injonction adressée par le pape des blogueursKeith Jenkins, à ses ouailles qui bêlent d’excitation. Être inspi­rant, l’expression du moment. Manquons-nous tous de rêve à ce point pour aller les cher­cher ailleurs qu’en nous-même ?

Les plantes, en plein networking

Blogueur blues

Vendre du rêve… Moi je préfère vendre du réel. J’aime passion­né­ment voyager, écrire, faire des photos, enre­gis­trer des sons. Pas en listant les 5 trucs à voir à pétaouchnok, non – ces listes là sentent l’info frelatée, la faute d’orthographe et le rédac­teur en manque d’idées – mais en faisant décou­vrir des choses, des gens, des lieux qui m’étonnent et que j’ai envie de partager.

Pour­tant mes projets de voyages réclament aussi de convaincre des marques, trouver des spon­sors, montrer toute l’influence qui m’auréole telle une aura mystique. Alors je me plie aux règles de l’ogre Google qui réclame des mots-clé récur­rents, des caté­go­ries marke­tées, qui m’enjoint le like et le tweet. Je me démène sur les réseaux sociaux pour devenir cham­pion olym­pique du lever de fan.

Mais j’ai beau faire des efforts, je n’ai ni le temps, ni l’envie. J’y vais à recu­lons. Je me rends bien compte à quel point tout ce petit jeu est chro­no­phage, nombri­liste, hypo­crite… et par dessus le marché, addictif. On s’ac­cou­tume à ce petit shot de dopa­mine quotidien. 

À lire ailleurs : Notre addic­tion aux likes a un nom

Mais entre un billet sur « Comment réveiller l’aventurier qui est en vous » et quelques pages d’un bon roman de Le Clézio, à votre avis, je choisis quoi ?

À force de ne pas vouloir jouer le jeu, je resterai proba­ble­ment un cher­cheur d’or. En tout cas, je ne serai jamais un vendeur de pelle.

Le livre d’un voyage exotique en France

Peut-on faire un voyage exotique dans son propre pays ? Pour y répondre, j’ai traversé la France à pied à travers la diago­nale du vide.

Commentaires

Ah, arrête Mathieu, les 5 trucs à voir à pétaouchnok, avoue que c’est quand même de la balle. C’est jusque que tu es un peu fâché, car tu n’as pas eu le temps de les voir, le bitume et le vélo t’appelaient 😉
Blague à part, c’est vrai qu’on se décou­rage un peu parfois, tu se temps passer à promou­voir son truc au lieu d’af­fûter ça plume, améliorer son art. Mais au bout de compte, ne penses-tu pas qu’avec le temps, ceux qui n’écrivent pas que pour Mr Google et son pote SEO finissent par se démar­quer un peu ? Parce que « les 5 trucs », même si ça fait du clic Google, c’est un peu saturé comme niche pour le coup !
Reste que je ne connais toujours pas ta tech­nique pour la lessive en voyage. La mienne est catas­tro­phique et j’en cherche une autre 😉

Hello Laurent ! Haha, c’est sympa de venir me faire marrer.
Sincè­re­ment, je suis assez dubi­tatif. Pour exister sur la toile, il faut être visible. Soit par Google en faisant du SEO avec des titres stan­dar­disés, super­la­tifs et pas toujours très honnêtes, soit sur les réseaux sociaux à donner du like, du retweet, du com. D’un côté comme de l’autre, je me sens un peu piégé.
C’est vrai que tu es un bon exemple de réus­site sans trop de sacri­fices côté racco­lage. Par contre, je vois que tu es très impliqué dans la blogo­sphère et un lecteur assidu de pas mal de blogs. Ce n’est pas mon cas.
Mais je crois que je vais aban­donner tous ces trucs de chiffres et de visi­bi­lité. Ce serait tomber dans le piège des vendeurs de rêve. Moi je ne vends rien. La fin ne justifie pas les moyens. Bref…
Quant à la lessive, ben c’est pas compliqué : tu prends de l’eau, tes fringues du savon, et tu frottes ! Même en voyage, ça marche. Incroyable, non ? 😉

Oui, c’est vrai que je passe beau­coup de temps à lire et relayer d’autres blogs. C’est en effet ce qui m’a permis de percer un peu et de me faire connaître. Quand on a fait le choix de ne pas faire la cour à Google à tour de bras, il faut se faire connaître d’autres personnes déjà influentes pour que la sauce prenne.
Doré­na­vant, je ne lis plus que ce qui pique ma curio­sité, mais au début oui, j’ai lu beau­coup, beau­coup, beau­coup, et commenté. Et effec­ti­ve­ment, ça prend un temps fou !

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