Sur le dos du volcan Stromboli

Érup­tions strom­bo­liennes, explo­sions et effu­sions de lave incan­des­cente… Sur l’île de Strom­boli, je touche au but de mon voyage en Sicile : esca­lader un volcan actif.

L’ascension du volcan Strom­boli réserve aux amateurs de phéno­mènes natu­rels quelques souve­nirs inou­bliables. Le spec­tacle perma­nent des érup­tions strom­bo­liennes, les explo­sions et les effu­sions de lave incandescente…Connue pour son acti­vité volca­nique intense, l’île de Strom­boli est la plus célèbre de toutes les îles éoliennes. Je touchais au but de mon voyage en Sicile.

Depuis mon hublot, je contemple les deux monti­cules rocheux qui émergent de l’eau et pointent vers le ciel, au large de la falaise : les doigts d’Éole. J’avais saisi leur forme depuis le sentier de randonnée sur l’île de Lipari.

Les îles éoliennes sont au coeur des mythes grecs depuis l’antiquité. Si l’Etna abrite les cyclopes, Homère situe Éole le maître des vents sur « une île qui flotte : une côte de bronze, infran­gible muraille, l’encercle tout entière ; une roche polie en pointe vers le ciel » : Strom­boli.

Stromboli hors saison

Des accents russes, alle­mands, moins souvent italiens me parviennent des banquettes avant de l’aéroglisseur. Nous sommes les derniers rescapés des hordes de touristes qui enva­hissent chaque été les îles éoliennes. Les rues grouillent de vie, les pensions sont prises d’assaut, tout est réservé des semaines à l’avance. Mais en ce début du mois de novembre, la saison arrive à son terme.

À chaque ponton, les hôte­liers attendent le visiteur :

« Vous cher­chez une chambre ?
– C’est combien ?
– 15€. L’appartement tout équipé, avec une cuisine.
– D’accord ! »

Je me paye même le luxe de ne pas négo­cier le prix. Tout est simple. J’ai bien fait de ne rien prévoir.

Sur l'île de Stromboli, l'ascension du volcan - Au pied du volcan

Stromboli, l’île-volcan

C’est Sigrid qui m’accueille à l’embarcadère. Je charge mes affaires sur la plate­forme de sa mini-voiture et nous remon­tons dans un silence élec­trique la via Roma bordée de murs blancs et débordée de bougain­vil­lées aux couleurs vives jusqu’à la casa Frank.

Des 3000 personnes qui habi­taient l’île au début du ving­tième siècle, il n’en reste que 150 une fois les vacan­ciers partis. Le mildiou a décimé les vignes qui consti­tuaient l’activité prin­ci­pale de l’île, avec la pêche. Désor­mais, les barques amènent les touristes pour une séance d’observation nocturne des érup­tions et des coulées de lave.

Sur l'île de Stromboli, l'ascension du volcan - Sous le regard du Stromboli

Avec ses empi­le­ments succes­sifs de coulures et de plaques, l’île de Strom­boli ressemble à un gros bougeoir allumé depuis des temps immé­mo­riaux. Le « phare de la Médi­ter­ranée » projette des lambeaux de lave qui font désor­mais toute l’attraction de l’île. À la nuit tombée, les bateaux prennent la mer pour observer de loin le volcan exhaler son souffle chaud, laves et scories retomber lour­de­ment le long du chemin de feu et dévaler en fumant jusqu’à la mer.

Je ne veux pas de cette balade hori­zon­tale. Je veux de la pente, monter sur le dos de la bête !

L’ascension du volcan Stromboli

L’ascension du volcan Strom­boli ne se fait que par groupes accom­pa­gnés et j’ai orga­nisé tout mon voyage dans le seul but de pouvoir prendre part à la dernière ascen­sion de la saison.

Dans le local de l’agence Magma trek, les parti­ci­pants enfilent chaus­settes et chaus­sures de randonnée dans une atmo­sphère recueillie. Pour tromper l’excitation, je musarde silen­cieu­se­ment entre les photos d’éruptions et de lave en fusion rame­nées des ascen­sions précédentes.

Sur les clichés, le spec­tacle a l’air anec­do­tique. Au seuil de réaliser l’un de mes rêves, je me prends à douter. Sera-t-il à la hauteur ? Les nuages ne trou­ble­ront-ils pas la vue ? Discer­nera-t-on les effu­sions de lave ? De près ?

Inté­rieu­re­ment, je bouillonne.

La dernière ascension de la saison

Le sentier s’extirpe du village de Strom­boli en traver­sant des jardins dont la végé­ta­tion me semble déme­surée. Des plants de tabac (?), figuiers, absinthe odorants qui laissent peu à peu place à une brous­saille rase recou­vrant les rides au pied du cratère. Le point de vue sur le port se fait de plus en plus impres­sion­nant au fil de l’ascension.

Il faut une petite heure de marche pour que nos chaus­sures fassent crisser les premières pous­sières de lave, accu­mu­la­tion de cendres et de roches friables. Quelques « bombes volca­niques » attestent de l’activité récente du volcan. Nos casques ne sont pas vains.

Le sentier monte en zigza­guant et la pente se fait plus raide. Un replat annonce fina­le­ment le dernier pan avant la plate­forme d’observation.

Au bord du volcan

La nuit commence à tomber lorsque nous attei­gnons le sommet de la caldera. En contrebas, reflétés par un épais nuage de fumée, les rougeoie­ments du cratère s’expriment en gron­de­ments sourds et profonds qui résonnent jusque dans nos os. Je me sens microbe, perché sur le dos d’un monstre à la respi­ra­tion colérique.

Et puis c’est la première explo­sion, un feu d’artifice de lave, avec ses projec­tions tout en accé­lé­ra­tion et ses lambeaux de roche inertes qui retombent au ralenti, comme soumis à un temps et une gravité différents.

Quelle puis­sance, le Stromboli !

Un hiver sur l’île de Stromboli

Lorenzo, notre guide, a fait sa première ascen­sion lorsqu’il avait 6 ans. Il revient travailler ici chaque saison.

« Il faut le silence dans sa tête pour pouvoir supporter le calme d’un hiver à Stromboli. »

Lucas, qui l’accompagne, travaille dans la finance à Paris. Le calme et la soli­tude, c’est juste­ment ce qu’il est venu cher­cher ici mais il ne sait pas encore s’il va rester. Les restau­rants, les bars, l’activité touris­tique, tout s’arrête à partir de novembre, lais­sant l’île aux vulca­no­logues et aux autochtones.

Je repense à Sigrid, à son accent alle­mand, à son air un peu absent. Qu’est-ce qu’on vient cher­cher lorsqu’on arrive dans un endroit pareil. Une retraite ? Un refuge ? L’isolement ? La liberté ?

Le livre d’un voyage exotique en France

Peut-on faire un voyage exotique dans son propre pays ? Pour y répondre, j’ai traversé la France à pied à travers la diago­nale du vide.

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Commentaires

Je commence à sérieu­se­ment vieillir ; la condi­tion physique n’est plus là pour réaliser ce rêve que j’avais, moi aussi, d’aller à la rencontre des volcans. Merci Mat de me faire voyager par des yeux, ton cœur et ton enthousiasme !

Merci Dubi ! Ah quel dommage ! Pour­tant ce n’est pas très haut, moins de 1000 mètres. La montée est moins raide lors­qu’on attaque par l’autre face, paraît-il. Si jamais c’est vrai­ment compromis, alors je suis heureux de t’avoir au moins fait partager mon enthou­siasme. C’est vrai que les volcans me fascinent depuis tout jeune. Haroun Tazieff était mon héros. Voir ça de ses yeux, c’est un rêve éveillé ! J’es­père en voir d’autres…
Merci d’être passé par ici 🙂

Très beau récit Mat je reviens de strom­boli où j’ai fait l’as­cen­sion avec Guiseppe (le 9 avril 2019) ce jour l’aci­vitée volca­nique était annor­ma­le­ment forte avec des explo­sions toutes les 5 à 10 minutes. Un spec­tacle innou­bliable les larmes aux yeux en admi­rant les 3 cratères crachant grandes explo­sions qui pour certaines s’éle­vaient bien plus haut que nous depuis le sommet

Merci Ivan ! Ah quelle chance ! C’est un peu quitte ou double avec les volcans… Je n’ai pas compté les minutes mais cela m’a semblé telle­ment court !! Je partage votre émotion. Face à un spec­tacle aussi tita­nesque, moi c’était mes jambes qui trem­blaient d’ex­ci­ta­tion… J’es­père avoir l’oc­ca­sion de refaire cette ascen­sion du Strom­boli une autre fois, ou refaire celle de l’Etna que j’ai pour le coup complè­te­ment râtée à cause de la météo ! On ne gagne pas à tous les coups…

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