À Rome, chronique d’une quarantaine

Alors que l’Italie tente d’endiguer l’épidémie de Coro­na­virus, récit du quoti­dien à Rome, entre la vie confinée et le spec­tacle connecté du dehors.

Devant la rapide propa­ga­tion du Coro­na­virus, la quaran­taine limitée aux seules provinces du nord s’est géné­ra­lisée à l’ensemble de l’Italie. À Rome, depuis le décret, une vie nouvelle s’invente jour après jour, semaine après semaine, où ce qui parais­sait absurde la veille devient la norme du lende­main. Chro­nique de cette quaran­taine à Rome, dans une ville déserte, rythmée par les détails d’une vie confinée, tandis que dehors la pandémie s’étend et remet chaque jour un peu plus en cause le monde dans lequel nous avons vécu jusqu’ici.

  1. Semaine 1 : du 4 au 13 mars
  2. Semaine 2 : du 14 au 20 mars
  3. Semaine 3 : du 21 au 27 mars
  4. Semaine 4 : du 28 au 4 avril
  5. Deuxième mois : du 5 avril au 4 mai
  6. Jour J : Déconfinement

Quarantaine – Première semaine

Voilà 10 jours que l’Italie tente, au niveau national, d’endiguer l’épidémie de Coro­na­virus. À Rome où je vis, c’est une période étrange dans laquelle on s’enfonce chaque jour un peu plus. Alors que la France s’apprête à vivre ses premières mesures de confi­ne­ment, retour sur ces 10 derniers jours entre mesures préven­tives et peurs pas toujours rationnelles.

Mercredi 4 mars : fermeture des écoles

Plusieurs villes des régions du nord sont confi­nées. Venise, Milan, Lombardie-Venezzia … coupées du monde, leurs habi­tants invités à rester chez eux. Les cinémas sont fermés, les restau­rants ouvrent de 6h à 18h avec une distance requise d’1 mètre minimum entre chaque convive. Évidem­ment, ça refroidit un peu l’atmosphère.

À Rome, les mesures sont moins dras­tiques. Le gouver­ne­ment Italien a fermé les écoles jusqu’au 15 mars pour éviter la propa­ga­tion du virus.

Par précau­tion, la popu­la­tion délaisse les musées. Je m’en suis rendu compte hier en passant devant le forum. Vide. Petite véri­fi­ca­tion à Saint Pierre de Rome. Déserte ! Bon Dieu ! Ça fait deux ans que j’attends la bonne fenêtre pour visiter le Vatican défendu habi­tuel­le­ment par deux heures de queue ou un ticket coupe-file de 50€ pour une visite guidée…

Jeudi 5 mars : les musées sont déserts

Visite du Vatican comme dans un rêve. Le parvis est vide. Je peux profiter des collec­tions du musée en toute tran­quillité. Chapelle sixtine à durée illi­mitée, sans bous­cu­lade ni brou­haha. Quelques touristes essen­tiel­le­ment asia­tiques portent le masque, surtout pour éviter les remarques imbé­ciles de certains Romains qui les prennent pour bouc-émis­saire.

Ma compagne philip­pine en sait quelque chose. Dans les trans­ports en commun, elle attire les regards malveillants et s’oblige à mettre du fond de teint pour paraître en parfaite santé.

La mienne m’inquiète un peu… J’ai un petit mal de tête insi­dieux et la gorge qui picote. Est-ce que ce serait pas… Je file à la phar­macie acheter un ther­mo­mètre pour prendre ma tempé­ra­ture. Non rien !

Dimanche 8 mars : confinement des provinces

Le prin­temps est déjà là, il fait un soleil magni­fique. La météo est idéale pour faire une balade à vélo. Je serais bien allé m’aventurer dans la campagne, mais on ne peut pas aller très loin : sauf excep­tion, on n’a plus le droit de passer les limites de sa province.

Fran­cesco, l’ex de Kat, vient manger à la maison. Jour­na­liste, il a l’air exalté de partager avec nous les dernières infor­ma­tions concer­nant l’épidémie. La prolon­ga­tion de la ferme­ture des écoles jusqu’au 3 avril, les diri­geants poli­tiques conta­minés par le virus, l’impact sur l’économie… Ce virus est le plus anti­ca­pi­ta­liste qu’on ait jamais vu, blague-t-il, avant de prophé­tiser : cette crise sani­taire va radi­ca­le­ment changer la face du monde.

Pour l’heure, on commente avec humour une parodie de tapis­serie moyen-âgeuse détournée à la sauce coro­na­virus. La chaleur humaine qui règne autour de la table où nous sommes au coude à coude doit lui faire du bien. Se serrer les coudes en cette période, est-ce bien raisonnable ?

Il nous quitte en nous exhor­tant à acheter du savon anti-bacté­rien, « celui qui tue les bacté­ries, hein ? Le reste ça ne sert à rien. » (c’est faux)

Ceci est le Coronavirus qui gouverne

Lundi 9 mars : fermeture des musées

J’ai bien fait d’aller au Vatican pendant qu’il était encore temps. Depuis samedi, tous les musées, cinémas et clubs sont fermés jusqu’au 3 avril au moins.

En fin de matinée, je me rends là où je vais parfois travailler, un vaste parking souter­rain trans­formé en espace de cowor­king. Capa­cité d’accueil à la louche, environ 100 personnes. Je suis seul. Un autre fran­çais me rejoint en début d’après-midi. On s’échange notre éton­ne­ment. Lui a dû faire la queue pour prendre son café dans son troquet habi­tuel. Tous les lieux confinés sont soumis à la loi du « mètre minimum » entre chaque personne.

L’ensemble du pays est désor­mais en quaran­taine. On dirait que la peur est montée d’un cran.

Mardi 10 mars : interdiction des rassemblements

Merde ! Mon cours hebdo­ma­daire d’Italien est annulé. Flavia avec qui j’échange des discus­sions en italien contre des conver­sa­tions en fran­çais a publié sur son mur Face­book : « Rester à la maison n’est pas de la para­noïa, c’est le sens des respon­sa­bi­lités. »

Depuis quelques jours, une photo circule sur les réseaux sociaux. Je n’avais pas compris sur le coup, main­te­nant je comprends.

Io resto a casa - Je reste à la maison

L’atelier qu’organise l’association des Fran­çais de Rome, Ponte Via, a été annulé lui aussi et dans la foulée tous les événe­ments du mois. Le centre culturel fran­çais où nous nous retrou­vons habi­tuel­le­ment a fermé ses portes.

Sur un groupe d’expat à Rome, un type qui demande quelles villes pour­raient être sympas pour aller se balader à la campagne en atten­dant que la situa­tion s’améliore et que les lieux publics rouvrent se prend une volée de bois vert : « Reste chez toi ».

Je crois que le mot d’ordre est clair.

Mercredi 11 mars : Rome est vide

Pour se remonter un peu le moral, on va prendre une glace à la gela­teria Romana dans le quar­tier de Testaccio. Il fait un temps magni­fique, la ville est calme, les rues d’habitude satu­rées de voitures sont vides. Je fantasme sur un trafic fluide pour amener Adamo à l’école. S’il y a quelque chose que je déteste à Rome, c’est bien de prendre la bagnole au quotidien.

Çà et là, on croise des gens qui se promènent à l’air libre avec des masques. Je les regarde avec un peu de mépris, j’avoue. Qu’est-ce qu’ils croient ? Qu’on va leur tousser dessus ?

À la gela­teria, nous sommes seuls. J’entreprends le serveur (ganté + masqué) pour lui demander combien de clients il a reçu aujourd’hui. « Pas telle­ment. » Je me doutais bien… J’aurais aimé un peu plus de préci­sion ! À travers la vitrine, je regarde désa­busé un conduc­teur portant le masque, seul, dans sa voiture. Je lève les yeux au ciel !

Il flotte dans l’air un drôle de parfum de fin du monde. Demain, j’irai faire des courses au marché avant qu’on soit défi­ni­ti­ve­ment cloî­trés chez soi.

Jeudi 12 mars : fermeture des commerces

Trop tard pour les courses au marché. Kat me dit qu’il est fermé depuis deux jours, comme tous les maga­sins. Seules les phar­ma­cies et les commerces de bouche restent désor­mais encore ouverts, sous réserve de ce fameux mètre de distance. On se rabat sur Lidl après avoir fait un rapide état des lieux poten­tiel­le­ment les moins fréquentés et on y va en mission commando à l’heure du déjeuner.

Dans les rues, les gens protègent leur bouche derrière des écharpes, des masques. À un passage à niveau, l’homme qui traverse porte un casque de désher­bage avec visière inté­grale.

Arrivé au super­marché, ouf, la queue se compose d’une dizaine de personnes seule­ment. Les gens se tiennent à 3 mètres les uns des autres, on ne va pas se marcher dessus. Alors que je vais cher­cher le cadi, à peine ai-je lâché la poignée que Kat me presse de m’enduire les mains de gel hydro­al­coo­lique. Ils commencent à me gonfler, tous !

À l’intérieur, les gens enfilent les gants en plastic du rayon légumes pour se protéger les mains. Quelques-uns font des réserves de farine, sucre, œufs, hari­cots blancs, sauce tomate, en grande quan­tité. C’est reparti pour le syndrome fin du monde.

Ailleurs, il paraît que des gens se sont pris des amendes pour être juste sortis s’acheter des clopes… En Sicile, 50 personnes se font verba­liser pour avoir assisté à un enter­re­ment.

Ça devient fran­che­ment n’importe quoi.

Coronavirus à Rome - chronique d'une quarantaine

Vendredi 13 mars : une courte respiration

J’ai vu la webcam de la place Saint-Pierre la veille. Tout était vide. Je brûle d’envie de voir à quoi ressemble Rome vide de ses habi­tants. Pour sortir sans se faire contrôler par la police, il reste les parcs… Enfin, les parcs si on y pratique un sport quel­conque. À Padoue, Lucie, du blog l’Occhio di Lucie, s’est faite déloger de son banc par la police qui lui a ordonné de rentrer chez elle. Plus au nord, dans les Alpes, Mila du blog un monde à vélo s’est faite engueuler parce qu’elle se tenait trop près de son copain en faisant la queue pour faire ses courses…

Opéra­tion « sport » donc. J’ai mis ma tenue de sportif survet-baskets et me lance à vélo sur la piste cyclable qui passe devant chez moi. Sur l’autre trot­toir, à l’arrêt de bus, les gens font la queue en ordre dispersé (mais en ordre quand même). Pour tromper la vigi­lance (présumée) de la police, je longe le Tibre, en retrait du rythme de la ville. Bon nombre de prome­neurs se sont déguisés en sportif eux aussi pour pouvoir prendre un peu l’air. Leur allure de flâneur les trahit.

Tout en péda­lant, je pense déjà à la fête qui nous attend au sortir de tout ça. En atten­dant, la rumeur de la ville s’est tue. De temps en temps, le vrom­bis­se­ment d’un vespa souligne le chant des oiseaux qu’on a jamais aussi bien entendu chanter. C’est beau une ville qui redonne de la place à la nature.

Dans Tras­te­vere, aux abords du centre histo­rique, les rues sont vides, les rideaux méta­liques tirés. Rome ressemble à un village de la diago­nale du vide. Aux fenêtres, des gens parlent au télé­phone. Encou­ragé par l’absence de voitures, je gravis le jani­cule et me dirige vers le parc de la villa Pamphili. Des voitures de police circulent au pas près des lieux touris­tiques. Il règne une ambiance de couvre-feu. En route, je croise deux septua­gé­naires, avec chaus­sures de rando, pantalon à zip, casquette, sac à dos. Des touristes ! Je me dis qu’ils sont ou dingues ou punks ou complè­te­ment coupés du monde.

Ouf ! Le parc de la Villa Pamphili est ouvert. Il existe donc bien encore des bulles de décom­pres­sion ! Des marcheurs, des coureurs, et même un père qui joue au foot avec son fils dans l’herbe, visi­ble­ment pas alpagué par la patrouille qui roule toujours au ralenti. Je pousse ma chance jusque la place Saint-Pierre. Je connais un petit chemin qui arrive par derrière, incognito.

C’est le pas de trop. Aux abords de la colon­nade qui déli­mite la place, deux poli­ciers en civil m’interpellent. J’étais en train de prendre une photo des pigeons, à défaut de prendre la place, défendue par des barrières et tenue par une voiture de cara­bi­nieri. Ils me font la leçon, je fais profil bas. Même si je n’ai approché personne à plus de 5 mètres, avec 200€ d’amende à la clé, c’est pas le moment de la ramener ! A casa !

Elle va être longue, cette quaran­taine. En atten­dant, pour se faire peur, ce soir, on regarde l’armée des 12 singes : en l’an 2035, la terre est devenue inha­bi­table à la suite d’un virus qui a décimé 99% de la popu­la­tion. Consi­dé­rons qu’on a de la chance ! Il nous reste encore les parcs pour prendre l’air et le Tibre comme ligne de vie !


Quarantaine – Deuxième semaine

Alors qu’en Italie, on se fait tant bien que mal au confi­ne­ment, on observe la situa­tion en France avec stupé­fac­tion. Mêmes ater­moie­ments fatals, augmentés d’injonctions contra­dic­toires. Avec une longueur d’avance, le décompte des morts italiens inquiète la famille et les amis. Ils feraient mieux de se préoc­cuper de leur propre sort…

Dimanche 15 mars – La France comme si de rien n’était

Ma chro­nique avait l’ambition d’être un témoi­gnage vivant de la montée en puis­sance de la peur sans pour autant donner de leçon ou tirer un quel­conque signal d’alarme. Les faits se suffisent à eux-mêmes, pensais-je.

Mais hier soir, alors que le gouver­ne­ment fran­çais annon­çait (enfin !) les premières mesures de confi­ne­ment, les terrasses étaient pleines parce qu’il fallait célé­brer la dernière soirée de liberté… Ce matin, je vois passer des photos qui donnent le ton : au marché d’Aligre, la même cohue habi­tuelle. Au parc des Buttes-Chau­mont, pique-nique, rassem­ble­ments, rien n’a changé. Et que dire du gouver­ne­ment qui orga­nise un grand rassem­ble­ment national – les élec­tions municipales ?

Je rajoute à mon article des infor­ma­tions sur les risques, les enjeux, le nombre des morts, le rythme de progres­sion de l’épidémie… Est-ce que c’est moi qui drama­tise ? Alors que toute l’Italie se claque­mure, la France me semble courir au devant de la catas­trophe l’air bravache et le sourire aux lèvres. Sur What­sapp, mes parents me disent fièrement :

« Même pas peur, nous sommes allés voter sans masque »

Je suis telle­ment aterré que je ne trouve rien à répondre.

Lundi 16 mars – Tristesse, peur, colère

On a Fran’ à déjeuner à la maison. Après 5 jours de confi­ne­ment total, le monde a changé. Il est bien loin le temps où il reve­nait de la zone rouge la blague au coin des lèvres. Aujourd’hui la zone rouge, c’est toute l’Italie.

J’ai une boule dans la gorge, une envie de chialer face au désastre qui s’annonce en France. Une amie qui vit près de la gare Mont­par­nasse m’écrit : « depuis ce matin, je ne vois que des gens passer avec des gros bagages. C’est l’exode ». Après le grand bain de foule conta­gieuse, les Pari­siens s’en vont dissé­miner le virus aux quatre coins de la France. Comme les Mila­nais l’ont fait avant eux.

Sur le groupe Snap­chat fami­lial, ma tante, infir­mière à la retraite, me dit :

« C’est humain. La peur fait fuir. »

Ce qui me révolte, ce n’est pas ceux qui fuient mais ceux qui rendent ça possible. Les scéna­rios les plus pessi­mistes parlent de 300 000 morts. Les précé­dents chinois puis italiens n’ont-ils donc servi à rien ?

À Rome, toute sortie devient une aven­ture. Au guichet auto­ma­tique de la banque, je compose à regret le code sur le clavier, récu­père ma carte du bout des doigts, fourre les billets dans mon porte­feuille et empoigne mon vélo jusqu’à la maison où je désin­fecte tout conscien­cieu­se­ment : mains, carte de crédit, poignées de vélo… Ça y est, moi aussi je suis conta­miné… Par la peur en tout cas !

Mardi 17 mars – Que faire du confinement ?

Depuis deux jours, Adamo est de retour à la maison. Je ne sais pas si je vais tenir très long­temps avec un gamin de 8 ans et demi qui chante à tue-tête la même chanson toute la journée… D’autant que Fran­cesco qui est revenu profiter de la terrasse et du jardin dit que le confi­ne­ment va proba­ble­ment durer au-delà du 3 avril.

Un mois et demi à l’isolement, c’est peut-être le moment de mettre le nez dans les bouquins et de faire une forma­tion à distance. Le problème : ne sachant pas trop ce qui fera sens dans le monde d’après, diffi­cile de choisir un cap et de mobi­liser son énergie.

La Stampa illustre les courbes qui conti­nuent de grimper :

« À Bergame, il y a plus de 13000 cas, 50, 60 morts par jour. Au cime­tière, il y a une sépul­ture chaque demi-heure, même de nuit cela ne suffit pas ».

Ça risque de durer, effectivement…

Je reçois le sms qui me prévient des nouvelles mesures en vigueur en France. Un bandeau sur le site annonce : « Le gouver­ne­ment agit pour vous ». Pour­tant, sur Europe 1, le secré­taire d’Etat aux trans­ports a déclaré la veille qu’il « pour­rait, dans la version la plus maxi­ma­liste (des) plans de conti­nuité […] faire des restric­tions de trans­port si le coro­na­virus conti­nuait de s’étendre. »

Toutes ces précau­tions oratoires me consternent. Ces gens vont avoir des morts sur la conscience.

Mercredi 18 mars – La nature reprend du poil de la bête

Pendant que l’espèce humaine se met entre paren­thèse, la terre semble se faire une cure de jeunesse. À Venise, l’eau du grand canal est trans­pa­rente. En Chine, c’est l’air qui retrouve sa pureté. Dans le Missouri, les sangliers se baladent en famille dans le centre-ville de Wentz­ville. En Sardaigne, les dauphins viennent s’aventurer jusqu’au bord des pontons. À Rome, les canards se baignent dans les fontaines. Et dans mon jardin, Kat et Adamo chantent : « Baby beluga in the deep blue sea, swim so wild and swim so free ».

On a vite fait d’oublier qu’avant le coro­na­virus, le sujet de préoc­cu­pa­tion prin­cipal, c’était le réchauf­fe­ment climatique.

Sur les réseaux sociaux fleu­rissent les messages des chantres d’un autre monde : « Et les fran­çais restèrent chez eux, et ils se mirent à lire et à réflé­chir, et ils n’oublièrent plus de prendre des nouvelles de leur proche. Ils comprirent enfin… blabla… L’instant présent… bla… vivre… du temps… et la terre les trouva digne. » Si dans ce monde là, je dois porter des sandales, enfiler une toge et parler d’une voix miel­leuse, c’est non !

Dans le numéro de Socialter « et si tout s’effondrait » daté de janvier 2019, un article de Gaël Giraud m’interpelle : « Est-ce qu’il n’est pas temps, face à ce qu’on voit, d’envi­sager l’économie autre­ment, en inté­grant la nature au bilan ? […] Tant que nous conti­nue­rons de régir les rela­tions entre les entre­prises par la concur­rence, il y aura une prime au vice […] L’économie néo-clas­sique est très large­ment incom­pa­tible avec la prise en compte des ressources naturelles. »

Mon cerveau connecte avec ce chef pari­sien, très préoc­cupé par l’effondrement, qui avouait avoir chez lui un sac à dos toujours prêt pour fuir Paris dans l’heure et mettre sa famille à l’abri. Je me demande s’il est parti… Autre­ment dit, peut-on déjà parler d’effondrement ?

Jeudi 19 mars – Rome seul

À 11h46, un message sur mon téléphone :

« Salut ! Sofie me demande si ça t’intéresse de venir renforcer l’équipe de livreur de Mari­gold – un super resto qui fait tout bien et bon – Star­ting ASAP ! »

Un boulot qui me permet de sortir de chez moi faire du vélo dans Rome alors que tout le monde se morfond entre ses quatre murs ? Comment refuser ? J’attaque le soir même.

Dans les rues de Rome vide, le temps s’écoulent toujours avec lenteur. 8 voitures sur 10 roulent au pas, gyro­phares éteints. Avec mon costume de chirur­gien-livreur, j’ai l’impression de jouer dans un film catastrophe.

À chaque client, les mesures d’hygiène sont dras­tiques. Masque, gants (jetés après chaque livraison), gel hydro alcoo­lique, distance de sécu­rité, on ne veut livrer rien d’autre que de bons petits plats. On dépose les sacs, le client les récu­père et laisse l’argent dans le sachet en papier kraft prévu à cet effet. Pas de contact direct. Jamais.

Chez les gens qui vivent seuls, on le voit dans leurs yeux, dans l’intonation de leur voix, le bonheur tient autant à la pers­pec­tive d’un repas déli­cieux qu’à celle de parler à quelqu’un. On apporte un peu de chaleur humaine. Dix jours seule­ment que les mesures ont été mises en place. Je me demande dans quel état on va retrouver les gens au bout d’un mois…

Vendredi 20 mars – Le silence des balcons

Ce que je n’avais pas vu de nuit, ou peut-être n’étaient-ils pas encore là… Tous ces drapeaux italiens suspendus aux balcons ! Chaque jour, À 18h, les Italiens inves­tissent les terrasses pour chanter, danser ou jouer de la musique. De ce grand élan national qui traverse tout le pays, j’entends l’écho sur les murs tandis que je file en direc­tion du centre histo­rique, mes sacoches char­gées de victuailles. Ici, pas de bruit. Les rues sont telle­ment vides qu’on entend grésiller les réver­bères. On me regarde passer dans le silence des balcons.

Quelques sirènes résonnent le long du Tevere où je me paye le luxe d’emprunter la route désertée par les conduc­teurs. Sur le pont qui mène à Testaccio, une jour­na­liste s’accroche à son micro. La lumière blâfarde de l’éclairage dessine son visage de madonne de la télé. Elle a une tête d’enterrement. On le serait à moins.

Rien qu’aujourd’hui, l’Italie ajoute 627 morts à son bilan funeste. On dénombre plus de 47 000 cas. Le sud du pays, jusque là épargné, compte lui aussi de nouvelles conta­mi­na­tions. Selon la Répu­blique de Bari :

« La majo­rité des conta­minés au coro­na­virus sont les parents des 23 000 personnes qui ont fui le nord. Parmi ces dernières, 15 % partaient en ayant déjà de la fièvre. »

Quant au pic de l’épidémie, on n’en voit toujours pas la trace.

Les 10 prochains jours en France vont être un crève-cœur. J’espère (sans trop y croire) me tromper.
Restez chez vous !!!


Quarantaine – Troisième semaine

La routine du confi­ne­ment s’installe. Courses au super­marché, petits tracas de la promis­cuité, sur fond des dernières évolu­tions de l’épidémie… La vie continue à tâtons sans trop savoir où l’on va tandis que médias et réseaux sociaux gardent le contact avec le monde du dehors.

Dimanche 22 mars – Lueur d’espoir

Giuseppe Conte, le président du conseil italien, a annoncé de nouvelles mesures. Encore ! Toute acti­vité qui n’est pas stric­te­ment néces­saire et indis­pen­sable pour assurer la produc­tion des biens et services essen­tiels sera fermée. Pour moi, ce n’est pas très clair… Entre les mesures natio­nales et les mesures régio­nales, je commence à être un peu perdu. Dans le nord, la limite pour les sorties récréa­tives est fixée à 200 mètres autour de chez soi. Pas de trace de ça dans le Lazio.

Pour être sûr de ne pas se tromper, mieux vaut partir du prin­cipe que tout est interdit… Ou qu’on s’accommodera avec la loi. Serais-je en train d’intégrer la logique italienne ? Heureu­se­ment, j’ai la chance d’habiter au bord du Tevere. Avec Adamo, on accom­pagne mon voisin Fabio, pêcheur passionné. En cette période de confi­ne­ment, quel luxe de disposer d’un horizon dégagé !

C’est la première fois que le nombre de morts recule en Italie. La nouvelle fait appa­raître comme une lueur d’espoir. On attend fébri­le­ment les résul­tats du lende­main pour savoir s’il s’agit d’une tendance ou d’un simple acci­dent de parcours…

Pendant ce temps-là, côté France, Cnews titre : « une semaine après le scrutin, des asses­seurs et prési­dents de bureaux de vote posi­tifs au Covid-19 ». Sans blague…

Lundi 23 mars – Envie de rien

Lever tardif, on petit-déjeuner au tira­misu de la veille – comme tout le monde, on cuisine, ça occupe et ça récon­forte. Ça sent la journée louze. Je me suis fait un programme super constructif mais je n’ai pas trop le cœur à faire quoi que ce soit. Adamo est chez Fran­cesco. Avec Kat, on hésite entre les courses et l’acro-yoga. On décide fina­le­ment de trans­former la cuisine en studio de répét’.

Je passe le reste de mon temps sur les réseaux sociaux à regarder défiler l’actualité. La lecture du journal me manque cruel­le­ment. Faute de mieux, je vais à la pêche aux infor­ma­tions ; pour le reste, je prends ce qui passe, c’est-à-dire une triple dose de coro­na­virus.

En France, la colère monte contre le gouver­ne­ment alors que les hôpi­taux commencent à pani­quer face au manque de moyens, à commencer par les masques. « On ne va pas au combat à poil » dit le Dr Marty.

En Italie, le nombre de morts a baissé pour le deuxième jour consé­cutif : 601. La courbe de conta­gion se tasse elle aussi. Ce serait bien­venu… Plutôt que par les chiffres, Flavia partage sur son profil Face­book l’évolution du moral des troupes selon le climat sonore de son immeuble :

Premier jour : tout le monde à la maison ? Oui et non. Il y a des rires d’enfants dans la cour.
Deuxième jour : silence dans la rue, odeur de cuisine, enfants qui jouent dans la cour.
Troi­sième jour : silence, ambu­lances. Chœurs à horaires précis, casse­roles, stéréo à fond.
Quatrième jour : silence, applau­dis­se­ments, stéréo à fond, cris.
Cinquième jour : silence. Applau­dis­se­ments peu convaincus, cuillères sur des casse­roles.
Week-end : silence et rési­gna­tion. Pas même les “Goooooooooohhh” qui reten­tissent pendant les matchs. Depuis des jours, tout est envahi par un silence repo­sant.
Lundi : est-ce diffé­rent aujourd’hui ? Les premières insultes aux maris, aux femmes, aux enfants, aux belles-mères… Est-ce ce vent venu de Grèce qui excite tout le monde ?

Mardi 24 mars – Deux mois de plus ?

Il fait froid dehors. On en profite pour aller faire les courses à l’heure du déjeuner en espé­rant que les gens sont restés bien au chaud. Bingo ! Il n’y a pas foule. Par contre, cette fois-ci, on ne passe pas à deux. À l’intérieur du magasin, un seul ache­teur par foyer. En atten­dant Kat dans la voiture, j’écoute la radio en me rongeant un ongle, réalise soudain que je ne me suis pas lavé les mains après avoir empoigné le caddie, passe le reste de mon attente à recra­cher ma salive par la portière.

À Wuhan, on apprend la réou­ver­ture progres­sive, après deux mois de confi­ne­ment. Deux mois… On en a donc au moins pour jusqu’à la fin mai… C’est à la fois angois­sant et rassu­rant d’avoir un horizon. Rien de pire que de ne pas pouvoir se projeter. L’impression étrange de flotter dans une bulle. Deux mois en Chine, avec des tests, des masques et un état sévè­re­ment répressif… Qu’est-ce que ça va donner chez nous où tout semble manquer ?

En France, un nouveau décret annonce la possi­bi­lité d’étendre les mesures par bloc de 30 jours jusqu’au 31 juillet. Est-ce une manière de faire passer en douce la pers­pec­tive d’une nouvelle date butoire ?

En Italie, la hausse de la conta­gion continue de baisser. Ça sonne comme une blague comparé aux 743 morts du jour ! Juste une manière posi­tive de regarder la catas­trophe.

Mercredi 25 mars – Si loin si proche

Vraie journée confinée. Je vois passer une chro­nique sur France Culture qui dit qu’on n’a jamais été aussi proches de ceux qui sont loin. L’inverse est aussi vrai. Je travaille le casque sur les oreilles dans le salon tandis que Kat écoute les nouvelles des USA dans la cuisine. Je déroule le fil d’actu sur twitter pendant qu’elle rassure sa famille sur Messenger. Je réponds à mes mails alors qu’elle réagit aux publi­ca­tions Face­book. On se croise pour se demander comment ça va et mon fil What­sapp affiche 50 messages non lus… Le monde exté­rieur nous acca­pare. Impres­sion d’être ici sans vrai­ment y être.

Depuis hier, je rumine la pers­pec­tive de ces deux mois confinés. Deux mois de paren­thèse pendant lesquels je vais me sentir moins coupable de lire, de réflé­chir, de savourer le temps qui passe. Kat elle a décidé de se mettre à la chanson. Ne serait cette forma­tion que j’anime dans deux jours, je me remet­trais bien au podcast, à la vidéo, à l’écriture. Qu’est-ce que je pour­rais bien faire pour aérer le cerveau de mes lecteurs ? Leur parler de voyages au long cours ? Le trafic des blogs voyage a perdu 50% depuis le début de la crise. J’ai l’impression que les gens n’ont pas trop la tête aux projets… Je m’en vais rêver sur les sites de vélo de randonnée…

Aujourd’hui, l’Italie déplore 683 morts. Pour rester positif, il faut consi­dérer que pour la quatrième fois de suite, le nombre de cas augmente moins vite que les jours précédents.

Sur insta­gram, une info­gra­phie présente les statis­tiques de manière « ludique », en mode compé­ti­tion. La remon­tada des USA est spectaculaire !

Jeudi 26 mars – En attendant le krach

Journée pluvieuse, un peu lugubre. Pour remonter le moral des troupes, je lance l’opéra­tion gâteau. Retour au super­marché pour acheter des œufs, il y avait pénurie la dernière fois… Midi pile sous la pluie, j’évite avec délec­ta­tion la queue devant le magasin. Cette fois, tout le monde a des gants. Des écrans de protec­tions en plastic ont fait leur appa­ri­tion devant les caisses. Des cadies sont garés en double file dans les rayons, remplis par les employés. Je suppose qu’ils assurent les livrai­sons à domi­cile. Ici aussi, il ne reste plus que quelques boîtes d’œufs. Ma voisine se saisit de 4 boîtes de 6. La pénurie alimente la peur de manquer qui alimente la pénurie.

En France, j’ai l’impression que ça y est, les gens prennent conscience de la gravité de la situa­tion. On cherche les respon­sables de ce désastre, les têtes à couper. Des plaintes ont été dépo­sées il y a quelques jours contre le premier ministre et la ministre de la santé pour « mensonge d’État » parce qu’ils savaient et qu’ils n’ont rien fait.

Ici ce qui me préoc­cupe, ce n’est plus le nombre de morts (712 aujourd’hui et une courbe qui repart à la hausse), mais comment on va payer le loyer d’ici trois mois. Faute de travailleurs pour faire tourner l’économie, faute de salaires versés, faute d’échanges inter­na­tio­naux, de combien de temps dispose-t-on avant que le système écono­mique s’effondre ? Le krach semble s’approcher de jour en jour.

J’essaye de me concen­trer sur le work­shop que je donne à distance demain. Le sujet : intro­duc­tion à l’inbound marke­ting. Est-ce que ce sera utile dans « le monde d’après », l’inbound marketing ?

Vendredi 27 mars – L’Église et l’État

Ce matin, mon cabinet d’expert-comptable orga­nise un webinar pour expli­quer les mesures gouver­ne­men­tales mises en place en faveur des free­lance. Vue la batterie de mesures, des reports de charges aux subven­tions, c’est le retour de l’État provi­dence.

Partout on parle de rapa­trie­ment des centres de produc­tion en Europe, natio­na­li­sa­tion des secteurs clés, inves­tis­se­ments dans les service publics (hôpi­taux en tête)… Frédéric Lordon et les écono­mistes atterrés ont les honneurs de l’émission On n’arrête pas l’éco sur France culture. Hubert Védrine fustige dans le Figaro « la mondia­li­sa­tion heureuse » et propose de tout écolo­giser : agri­cul­ture, agro-indus­tries, trans­ports, construc­tion, énergie, mode de calculs macroé­co­no­miques (type PIB).

« Le monde d’après » sera-t-il donc gouverné par la défense du bien commun face aux inté­rêts parti­cu­liers du monde d’avant portés à leur paroxysme ? On se pince pour y croire.

Je reste fébrile dans l’attente des faillites en cascade. Durant mon work­shop, la prési­dente de l’association des expat fran­çais de Rome présente la période actuelle comme une période propice à la mise en place d’actions pour rebondir plus fort une fois la crise passée. En espé­rant que le sol de se dérobe pas sous nos pieds…

Vers 18h, le pape Fran­çois prononce la tradi­tion­nelle béné­dic­tion “urbi et orbi” devant une place Saint Pierre vide avant d’aller prier le Christ Mira­cu­leux, celui-là même qui a sauvé Rome de la grande peste de 1522.

L’image est forte, le moment « histo­rique » selon les commen­ta­teurs. J’ai l’impression qu’on n’a pas fini de vivre des moments historiques…


Quarantaine – quatrième semaine

Avec le confi­ne­ment, nos vies ont rétréci. Au dehors, les réac­tions poli­tiques mettent à jour le cynisme et l’instrumentalisation de la crise. Les réponses et les méthodes mises en place par les États semblent battre en brèche les rêves et les espoirs de chan­ge­ment nourris par le jour d’après.

Dimanche 29 mars – Le printemps pour de bon

Lever à une heure carré­ment indé­cente avec le chan­ge­ment d’heure, mais il flotte dans l’air une vraie odeur de prin­temps. Nous y sommes parti­cu­liè­re­ment sensibles ces jours où la météo dicte un peu l’humeur du moment.

Je fais du range­ment sur la terrasse, la voisine taille ses plantes, on joue dans le jardin avec Adamo. Après 18h, comme tous les jours, je relève les comp­teurs : pas loin de 800 morts aujourd’hui, et 5000 cas infectés supplé­men­taires. C’est la moyenne quoti­dienne.

J’ai fait des crêpes pour le repas du soir. C’est un peu la fête. Dehors il fait doux. Une odeur de terre nous parvient du jardin. Le silence est idéal. L’odeur des cyprès en moins, on se croi­rait dans le Vaucluse un jour d’été. À la télé, Benie gagne la saison 6 de Master chef junior. Une belle journée !

Lundi 30 mars – Récupérations politiques

Sans grande surprise, le gouver­ne­ment italien a recon­duit le confi­ne­ment jusqu’à Pâques. 812 personnes sont mortes aujourd’hui. On commence à s’habituer à ces chiffres et à ces courbes dénuées de tout affect.

De l’affect, pour­tant, il y en a. En Alle­magne, Thomas Schaefer, le ministre des finances de la Région de Hesse, s’est suicidé. De plus en plus angoissé devant la crise du coro­na­virus qu’il quali­fiait de « tâche du siècle », il travaillait nuit et jour sur les réponses – finan­cières notam­ment – à apporter aux popu­la­tions. Visi­ble­ment, il n’avait pas trouvé…

En France, la crise génère les premières récu­pé­ra­tions poli­tiques. Le syndi­ca­liste Chris­tophe Prud­homme s’indigne face à l’impréparation des hôpi­taux et la néces­sité de gérer l’urgence : « Le gouver­ne­ment coure après la crise, a toujours un train de retard, […] Je répète que gouverner c’est prévoir ! […] À l’issue de la crise, il faudra que les respon­sables passent à la caisse ! »

Sa colère serait légi­time si, trois semaines plus tôt, il n’avait pas reproché au gouver­ne­ment d’en faire trop : « Certains urgen­tistes pensent que la surréac­tion des poli­tiques risque d’être plus grave que la maladie […] On sait que ce virus, avec les retours que l’on a de Chine, il est peu mortel ! »

En faire trop ? Aux USA, ils ont trouvé la solu­tion pour se déba­rasser du virus : un télé-évan­gé­liste le terrasse en direct et proclame la guérison des Etats-Unis. Ce serait bien inspiré car l’épidémie se propage à toute vitesse outre-Atlantique.

Sur le site tuvascraquer.fr, je calcule ma date de péremp­tion au confi­ne­ment. Verdict : vendredi 8 mai. « Passée l’euphorie des premiers apéro-visio, des applau­dis­se­ments sur le balcon et des cham­boule-tout de PQ, tu vas bientôt basculer dans la quatrième dimension. »

J’ai déjà l’impression d’y être un peu…

Mardi 31 mars – Le monde d’après

C’est parti pour une semaine de webinar. Je profite de la période pour appro­fondir mes connais­sances en matière de webmar­ke­ting… Taux de trans­for­ma­tion, lead nurtu­ring, tunnel de conver­sion… Senti­ments mêlés alors que la période met sur pause nos vies de consom­ma­teurs et que beau­coup semblent s’en réjouir (ceux dont l’emploi n’est pas menacé ?)

Le monde d’après sera-t-il le même que celui d’avant ? Comment cette phase va-t-elle nous changer ? La période est propice pour s’interroger sur le sens de ce qu’on fait… Est-ce toute une société qui s’ébranle ou seule­ment ceux qui sont à l’abri du besoin, qui ont le loisir de se confiner dans le jardin de leur maison et de réflé­chir en atten­dant passer l’orage ?

Pour parer à l’angoisse de l’incertitude face à ce qui nous attend, au manque de repères tempo­rels et au besoin d’organiser le programme des jours à venir, le yoga et la médi­ta­tion n’ont jamais été autant à la mode. Pour moi qui suis free­lance depuis des années, c’est la routine de la vie d’entrepreneur. Et s’il y a bien une chose que j’ai appris de mes voyages désor­ga­nisés, c’est de prendre les choses comme elles viennent et de ne pas trop prévoir.

Autre manière de gérer la crise : voir au-delà. Dans les colonnes de l’écho de Belgique, Larry Flink, le patron de Blackrock se déclare confiant dans la capa­cité de l’économie à rebondir après la crise actuelle, « même si le monde sera diffé­rent. Pour les inves­tis­seurs qui voient plus loin que l’horizon, il y a de formi­dables oppor­tu­nités sur les marchés aujourd’hui. » Les cadors de l’ancien monde n’ont rien perdu de leur prag­ma­tisme.

Sur le front de l’épidémie, on tient toujours la moyenne des 800 morts et des 4000 cas supplé­men­taires. En Chine, les épidé­mio­lo­gistes alertent déjà sur les risques d’une seconde vague d’épidémie qui semble inévitable.

Mercredi 1er avril – On nous surveille

Forcé­ment, pour le 1er avril, on atten­dait les blagues pour se dérider un peu. Mais l’article de Libé­ra­tion qui rapporte les révoltes et les premiers pillages de super­mar­chés dans le sud de l’Italie ne donne pas trop envie de rire. La tribune parle de son côté d’un début d’organisation de sortie de confi­ne­ment. Date annoncée : entre le 5 et le 16 mai, selon les régions. Il faut que l’économie reparte (et donner à la popu­la­tion des raisons d’espérer pour éviter d’autres pillages ?). Évidem­ment la ques­tion qui se pose : dispose-t-on des tests pour lever le confinement ?

Pas sûr. En revanche, la tech­no­logie offre déjà les outils pour surveiller les dépla­ce­ments des malades (et des autres). Huit opéra­teurs enver­ront leurs données de géolo­ca­li­sa­tion à la commis­sion euro­péenne. Cyber­sur­veillance et back­tra­cking au service de la sécu­rité sani­taire… Pour combien de temps ? Avec quelle garantie de retour à la normale ?

La menace sur les libertés indi­vi­duelles plane et les tenants de l’ordre ont les coudées franches. En Hongrie, Orban a obtenu des pouvoirs quasi illi­mités pour gérer la crise. Aux Philip­pines, le Président Duarte a accordé aux forces de l’ordre l’autorisation de tirer sur les personnes non confi­nées. Pour 70% des Philip­pins qui vivent au jour le jour, ne plus sortir, c’est ne plus gagner les moyens de sa subsis­tance. Mourir d’une balle ou mourir de faim, que choisir ?

En France, plus de 359000 procès verbaux ont été distri­bués pour non-respect des règles de confi­ne­ment. Avec parfois des abus de pouvoir et des déci­sions arbi­traires. Et une consé­quence regret­table pour la police : 10 000 d’entre eux sont à l’arrêt pour suspi­cion de coronavirus.

Jeudi 2 avril – Le dehors m’envahit

J’avais un à‑priori plutôt positif sur le mot confiné… Quelque chose à la croisée du confort, du confin, du coufin… Je voyais un recoin où se blottir, tapissé de cous­sins, à l’abri du tumulte. À la marge du monde, je le suis si je veux. Il me suffit de ne pas allumer mon écran. Mais avec l’espace qui rétrécit, c’est ma vie qui rétrécit. Le dehors m’envahit, je le vois bien. Mes articles deviennent des revues de presse.

Physi­que­ment aussi, l’extérieur s’immisce. Ce qui nous fait dresser l’oreille depuis quelques nuits vient de traverser le salon d’un trait du fauteuil au canapé : une souris. Opéra­tion à mener d’urgence : faire ami-ami avec les chats du quartier.

Sur l’écran, les webcon­fé­rences sont deve­nues un rituel quoti­dien et je suis toujours tiraillé entre le besoin d’anti­ciper l’après et l’envie de profiter de ce présent confiné pour mener à bien des projets mis de côté. À commencer par tous les portraits de la diago­nale du vide que je n’ai toujours pas finis de monter. Par les temps qui courent, ça ferait de belles rencontres, c’est sûr.

Toujours cette petite phrase lanci­nante qui me rattrape : « Que faisiez-vous au temps chaud ? Nuit et jour à tout venant, je chantais. »

Vendredi 3 avril – Solitude et promesses

C’est aujourd’hui que les premières mesures de confi­ne­ment annon­cées par la gouver­ne­ment devaient prendre fin. Désor­mais, le nouvel horizon est fixé au 16 mai, date où le pic de l’épidémie devrait être atteint en Italie.

On devait aller voir le concert des Snarky Puppie au palais de la musique. À la place, c’est Kat qui joue de la musique dans la maison. Depuis quelques jours, elle a tota­le­ment disparue de la circu­la­tion, isolée dans la chambre, casque sur les oreilles, à composer des mélo­dies en duo avec des amis connectés ailleurs. Soli­tude.

Fran doit se sentir seul, lui aussi. Il vient dîner presque tous les jours, ramène du vin, des produits frais, du pain… Adamo s’est mis en tête de construire sa cabane dans les arbres. Pour le moment, sa forte­resse occupe le coin du canapé, défendue par une couver­ture-rideau tendue entre les étagères murales. Lui aussi a besoin de son petit coin de repli.

C’est le deuxième jour que je snobe les statis­tiques. Je les connais à force : 800 morts et 5000 nouveaux cas de conta­mi­na­tion. Sans surprise, la France suit trait pour trait la courbe de l’Italie avec 10 jours de retard.

Chiffres cumulés de nombre de morts du Covid-19

Le premier ministre a déclaré hier qu’il « ne lais­sera personne dire qu’il y a eu du retard sur la prise de déci­sion s’agissant du confi­ne­ment ». Est-ce une manière de désa­vouer les propos d’Agnès Buzyn, sa ministre de la santé qui décla­rait au Monde à propos des élec­tions muni­ci­pales qu’« on aurait dû tout arrêter, c’était une masca­rade […] je pleu­rais parce que je savais que la vague du tsunami était devant nous. » ?

Ils « avaient conscience du péril et dispo­saient des moyens d’action, qu’ils ont toute­fois choisi de ne pas exercer », accuse un collectif de plusieurs centaines de méde­cins qui porte plainte au pénal.

De son côté, le Président Macron, tremolos dans la voie, rend hommage aux soignants à Mulhouse, souli­gnant « les biens précieux que sont les hôpi­taux et la santé gratuite quand le destin frappe ». Et dans la foulée, de passer discrè­te­ment commande à la caisse des dépôts et consi­gna­tion d’un plan pour l’hôpital public pous­sant plus avant les logiques de priva­ti­sa­tion, dans la droite lignée des poli­tiques qui ont mené la France à la situa­tion actuelle…

Pour les promesses et les grands discours, le monde d’après est un horizon bien utile. Mais qu’il s’agisse d’agir et revoilà le monde d’avant qui nous revient comme un boomerang.


Quarantaine – deuxième mois

J’ai eu du mal à envoyer ma dernière news­letter. Pas trop sûr de savoir si c’était vrai­ment ça que j’avais envie de raconter. Le témoi­gnage d’un enfer­me­ment, plus de photos dans mes articles, le commen­taire de l’actualité… A‑t-on envie de lire ça, a‑t-on envie d’écrire ça sur un blog de voyage ? Ça m’a fait du bien au moral de laisser le monde sur le pas de ma porte.

Le temps suspendu

Une amie m’a écrit qu’elle essayait de « saisir l’occasion du temps arrêté, consciente qu’une fois celui-ci reparti, [elle] se ferait de nouveau embar­quer ». J’ai visua­lisé le courant du fleuve et je me suis senti bien à rester sur la rive.

Confort de ne pas avoir à courir au rythme imposé du courant. Possi­bi­lité de me recen­trer sur mes propres projets. Mais aussi, senti­ment de me mouvoir au ralenti, comme dans un rêve où le temps est une matière pois­seuse et gluante qui empêche d’accélérer.

Je pensais rentrer dans ma coquille l’espace d’une semaine. Un mois a passé, limité au péri­mètre de ma maison. Denis, un copain de mon père, m’écrit que « ici, c’est toujours pareil mais bizar­re­ment on s’habitue. Le moins évident est de constater que les jour­nées se répètent à l’identique. » Effec­ti­ve­ment ! Sans projet, pas d’horizon, ni spatial, ni temporel. Je me rends compte à quel point le fait d’avancer dans l’espace donne aussi la sensa­tion d’avancer dans la vie… Nos paysages exté­rieurs façonnent nos paysages intérieurs.

Se recentrer sur ses projets

Mon projet à moi, celui qui me permet de tenir debout durant cette période, c’est mon livre. La desti­na­tion France n’a jamais été aussi à la mode depuis la ferme­ture des fron­tières. La campagne n’a jamais été autant prisée depuis le confi­ne­ment entre quatre murs. Les alter­na­tives n’ont jamais autant suscité l’intérêt depuis qu’on parle du jour d’après. La diago­nale du vide est devenue la projec­tion d’un futur possible et même souhai­table. Sa promo­tion en ligne occupe tout mon temps.

Je mesure la chance que j’ai. À mes côtés, ma compagne vit une période diffi­cile. Tous ses projets de tour­nage tombent à l’eau, à court comme à long terme. Dans ce monde où tout est remis en ques­tion, dans quelle direc­tion avancer ? Allongée toute la journée sur le lit, casque sur les oreilles, elle écoute des podcasts de déve­lop­pe­ment personnel.

Depuis la fenêtre de mon écran, je vois le monde changer. Les blogs voyage se trans­forment en blog culi­naire parce que c’est ce qui marche. La news­letter de The disco­verer me propose des livres de cuisine, des recettes indiennes, comment recréer le tajine maro­cain dans ma propre cuisine… Le dépay­se­ment est dans l’assiette !


Quarantaine – Déconfinement

Alors que sur le blog, le trafic remon­tait, dehors aussi, le trafic s’intensifiait. C’est le bruit de la ville qui m’a fait prendre conscience qu’on se rappro­chait de la date de fin annoncée. La fin de quoi exactement ?

Diffi­cile de mettre des mots tant le flou est artis­tique. Est-ce que les gens réin­ves­tis­saient peu à peu l’espace ? Le week-end précé­dent, des éclats de voix venus des jardins voisins indi­quaient que la vie sociale repre­nait çà et là. Est-ce qu’on allait retrouver le monde que nous connais­sions dans le même état que celui que nous avions quitté ? N’allait-on pas regretter ce temps au ralenti ?

Le premier signe que la vie avait changé durant ces deux mois : impos­sible de remettre la main sur les porte­feuilles… En allant cher­cher Babu, le trafic était plus dense. Le premier signe qu’il y a des choses qui ne changent pas : la conduite des Romains, toujours aussi impré­vi­sibles. Bonheur, on trouve une boulan­gerie ouverte. Le pain du matin, ça me manquait.

À la radio, le chro­ni­queur radio détaille le boom d’activité qu’ont enre­gistré les réseaux sociaux, Netflix et autres Gafa. Les géants du digital tirent leur épingle du jeu et c’est grâce à leurs mouchards omni­pré­sents que je vends autant de livres en ligne. Malaise. Les librai­ries, elles, rouvrent sous condi­tion. Mais qui a envie d’aller à la librairie aujourd’hui ?

Lundi 4 mai – Tout le monde dehors !

On se rend au parc des aque­ducs pour faire honneur à ce premier jour de liberté retrouvée. Enfin, c’est ce qu’on a compris. Fabio notre voisin nous a dit que « lundi, 4 millions d’Italiens retour­naient au travail. » On a pris ça pour une réou­ver­ture des portes.

Il doit pour­tant y avoir des condi­tions strictes. Sur la route, on croise une bonne dizaine de contrôles de police. Contrôle de quoi ? On se rend compte qu’à force d’avoir entendu des infor­ma­tions chan­geant de lieu en lieu et de semaine en semaine, on ne sait pas du tout quelles sont les dernières condi­tions à respecter. Est-ce qu’on est en règle ? Rien n’est moins sûr. On met nos masques… À l’envers !

Au parc, on n’est loin d’être les seuls. C’est la fin d’une très belle journée de prin­temps enso­leillée et beau­coup de monde est venu se dégourdir les jambes, cueillir quelques fleurs sauvages ou retrouver ses amis – surtout les jeunes. Les amou­reux fleu­rissent dans les champs, enlacés dans l’herbe ou à cali­four­chon sur les tuyaux. Tout le monde est venu célé­brer le prin­temps retrouvé. Un peu de légè­reté, ça fait du bien !

Jeudi 6 mai – une balade dans le centre-ville de Rome

À cause de l’ambiance poli­cière pesante qui fait plâner le doute sans trop savoir ce qu’on pour­rait se repro­cher, on n’est pas ressorti depuis lundi. Mais aujourd’hui, on s’autorise une excur­sion jusque dans le centre de Rome à vélo. La piste cyclable qui nous y mène est devenue un grand terrain de sport. Tout le monde fait du sport. Les bouteilles de gel hydro­al­coo­lique ont trouvé place dans les porte-bidons.

Arrivé dans le centre, les rues sont vides, les piétons clair­semés. Sur l’île Tibe­rina, personne pour prendre la photo sur le pont. Un guita­riste a repris sa place mais pour qui joue-t-il ? Pour annoncer que la vie a repris ? Va-t-il falloir s’habituer à une Rome sans touristes ? Même si j’avais misé sur eux pour mes plans futurs, je trouve la ville telle­ment plus agréable sans…

Je retrouve les affiches défraî­chies de l’expo Rafaello qui avait ouvert cinq jours seule­ment avant le début du confi­ne­ment, début mars. Un marqueur du temps écoulé, mais aussi un signe que la vie écono­mique s’est arrêtée nette puisque rien n’est venu les remplacer. Pendant ce temps, le shop­ping battait son plein sur internet.

Rome sans les Romains ?

C’est jeudi mais on a la sensa­tion agréable d’être dimanche. Fina­le­ment, est-ce que tout ça n’a pas été une sorte de long dimanche, avec ses ennuis, ses temps morts, un certain bonheur de ne rien pouvoir faire et de se laisser aller au temps suspendu ? C’est vrai­ment une ques­tion en l’air, person­nel­le­ment j’ai travaillé sur le blog sans relâche…

Piazza del Popolo, une dame crie à son fils qui prend les devants : « atten­tion aux voitures ! » Quelles voitures ? La place est vide, les passants se comptent sur les doigts de la main. Fontaine de Trévi, vide. Piazza Navona, vide. Piazza d’Espania, vide aussi. Est-ce que c’est Rome sans les touristes ou Rome sans les Romains ?

À la librairie Sten­dhal où j’étais sensé présenter mon livre lundi prochain, je passe prendre des nouvelles. La libraire est dehors, masque sur le nez. Comment va-t-elle ? Elle essaye de sauver sa librairie. Fermée depuis deux mois, son chiffre d’affaire est en chute libre tandis que les crédits qu’elle a contractés pour reprendre la librairie il y a trois ans courent toujours. La situa­tion actuelle n’augure rien de bon. Les passants sont rares, les mesures de sécu­rité auto­risent des clients au compte-goutte. La réalité écono­mique risque de venir rapi­de­ment gâcher la fête des retrou­vailles et de la liberté.

Coronavirus et changement climatique

Les prémisses des crises à venir ?

Pour l’heure, il fait une tempé­ra­ture idéale. En France, le mois d’avril a été le plus chaud jamais enre­gistré, avec 3°C au dessus des normales saison­nières. Je repense à ce dessin publié sur Twitter… Et si tout ce que nous venons de vivre n’était que les prémisses de ce qui nous attend avec le réchauf­fe­ment clima­tique ? Et si ces deux mois créaient l’électrochoc pour amorcer un chan­ge­ment de modèle ?

Quand je lis que la Commis­sion euro­péenne confie une étude sur la finance durable à BlackRock, l’un des plus gros inves­tis­seurs dans les compa­gnies pétro­lières ; quand j’apprends que Bruno Le Maire, cham­pion auto­dé­claré du capi­ta­lisme respon­sable, attribue 20 milliards aux entre­prises stra­té­giques sans aucune condi­tion de trans­for­ma­tion ou d’évolution de leur modèle, et surtout sans aucune contre­par­ties envi­ron­ne­men­tales, je me dis qu’il en faudra plus que ça pour changer le monde.

Le livre d’un voyage exotique en France

Peut-on faire un voyage exotique dans son propre pays ? Pour y répondre, j’ai traversé la France à pied à travers la diago­nale du vide.

Commentaires

Salut Mat,
Lors de tes péré­gri­na­tions à travers la planète, le ralen­tis­se­ment faisait partie de tes quêtes.
Aujourd’hui le Covid 19 nous l » impose certes d’une façon doulou­reuse mais ne pour­rait-il pas aussi devenir le vecteur de propa­ga­tion d’une certaine forme de simpli­cité au quoti­dien dans nos rapports à soi, aux autres, à la nature…
…bref provo­quer une épura­tion capi­ta­lis­tique.… pour plus de vraie vie ! Protège- toi bien et protège les autres !
Pat68

Bonjour Patrick ! Effec­ti­ve­ment, je crois que certains d’entre nous sont en train de redé­cou­vrir la lenteur, le plaisir de prendre le temps (de cuisiner par exemple), de profiter de ses proches… Et de ses amis dont on est privé. L’épu­ra­tion capi­ta­lis­tique, qu’on le veuille ou non, va avoir lieu. Je suis bien placé pour en parler… Pas de revenu prévus pour les mois qui viennent exceptés les quelques livres vendus sur le site… Mais voir la nature se réap­pro­prier les lieux, l’eau rede­venir trans­pa­rente (comme à Venise), l’air se puri­fier (comme en Chine), peut-être que comme tu le dis, cela va faire réflé­chir quelques uns à notre impact sur la planète ? Je l’es­père. À mon avis, il y a ceux qui tire­ront quelques conclu­sions de cette période, sensi­bi­lisés dans leur chair par la perte d’un proche. Proba­ble­ment, ils cher­che­ront à donner du sens à tout ça. De l’autre côté, il y aura ceux qui cher­che­ront à rattraper le temps perdu et repar­ti­ront de plus belle dans la course au temps. De la durée de la crise dépendra à mon avis la propor­tion des uns et des autres.
Bon courage à toi aussi pour cette quaran­taine. On reste à couvert !

Coucou Mathieu. Merci pour ce récit poétique et parfois acide qui reflète bien l’état de fébri­lité et la perplexité que nous traver­sons. Ne prend pas trop de risques. A la revoyure. Nathalie T.

Coucou Nat ! T’in­quiète, je ne prends pas de risque du tout, d’ailleurs mon contrat de livreur est déjà terminé…
Pour la fébri­lité, c’est bien qu’elle monte enfin parce qu’il faut arrêter la propa­ga­tion. Pour la perplexité, je viens de lire cet article qui n’est pas à mettre au crédit de ceux qui décident (https://blogs.mediapart.fr/lenous/blog/200320/fin-de-partie-pour-le-covid-le-pr-raoult-et-la-chloroquine). Par contre, il donne de l’es­poir et on en a besoin en ce moment de grande incertitude !
Des bises, à la revoyure avec grand plaisir !

Bonsoir,
Je ne suis pas là pour te faire la morale, chacun vis cette situa­tion inédite diffé­rem­ment, mais tu dis au début de ton post sur la 2ème semaine « Je suis telle­ment aterré que je ne trouve rien à répondre. »
Mais tu es contra­dic­toire avec ce que tu as fais la 1ère semaine. Toi aussi tu prenais ça « à la rigo­lade » au début, tu t’es balladé, tu as été visiter les musées, tu as été manger une glace en terrasse…Je pense que la plupart des personnes qui habitent dans des grandes villes n’ont pas compris (en espé­rant que cela s’amé­liore) car ils ont l’ha­bi­tude de fuir leur appar­te­ment dès qu’ils le peuvent pour aller vaquer à diverses occu­pa­tions en ville.…Il faudrait juste que les chiffres qui augmentent chaque jour leurs fassent un élec­tro­choc, mais j’ai peur qu’il soit un peu trop tardif 🙁 Et le beau temps n’a pas arrangé le scénario, le prin­temps est arrivé et les gens veulent sortir prendre le soleil, ce que je comprends pleinement.
En même temps, le gouver­ne­ment lui aussi a été contra­dic­toire, avec les annonces du président pour les écoles fermées mais le main­tien des élections…pas logique du tout. En situa­tion de crise, il faut prendre des mesures, mais le Fran­çais n’aime pas qu’on lui impose quelquechose…alors que là, c’est sa vie qui en dépend. Mais il prends ça comme lors d’une augmen­ta­tion du prix du carbu­rant en disant : « c« est toujours les mêmes qui payent ! ». Malheu­reu­se­ment, certains vont payer…de leur vie 🙁
Je pense que la consigne a beau­coup plus été prise au sérieux dans les campagnes. Moi qui habite sur la diago­nale du vide, dans le 71 (au passage, j’ai acheté et lu ton livre et je l’ai vrai­ment apprécié 🙂 ) je peux te promettre que depuis lundi, la petite route qui passe devant chez moi (une ferme isolée, proche d’un village de 500 âmes) ne voit que le facteur et les quelques agri­cul­teurs du coin qui vont s’oc­cuper de leur bétail.
Il est vrai qu’en temps normal, ça n’est pas une auto­route, mais il y a du passage quand même.…mais là, rien.….calme plat.…
Nous sommes déjà « confinés » en temps normal, nous avons l’ha­bi­tude de rester chez nous pour bricoler, jardiner, s’oc­cuper de notre terrain, et du coup la mesure de confi­ne­ment passe « mieux » pour nous. On regrette juste le passage au café du village le dimanche matin, pour boire un verre avec les amis, le passage à la boulan­gerie pour discuter un moment de la pluie et du beau temps avec les personnes que l’on croise.…mais on se dit qu’il vaut mieux s’isoler un moment pour endi­guer cette pandémie plutôt que l’am­pli­fier en se réunissant.…je préfère revoir mes amis et ma famille dans 1 mois (ou plus??) que ne plus les croiser du tout s’ils chopent cette salo­perie de virus.
Le plus dur, person­nel­le­ment, c’est d’ar­river à faire faire les devoirs aux enfants le matin et leur trouver une occu­pa­tion l’après-midi…et ce n’est que le début !
C’est mon avis, chacun a le sien, qui a le bon ? Je ne sais pas, mais j’avais envie de le partager avec toi.
Bon courage à toi, merci pour ce récit, en espé­rant que les fran­çais appliquent le plus vite possible et le mieux possible les consignes pour ne pas vivre ce qui se passe en Italie…
Tchao

Merci Guillaume pour ton long commen­taire ! C’et vrai, je plaide coupable, je n’ai pas été le plus obéis­sant des confinés… Il y a un temps d’in­cu­ba­tion pour prendre plei­ne­ment conscience de la gravité de la situa­tion. Mais une fois que l’on sait le danger et les consé­quences drama­tiques, on ne peut pas regarder ce qui arrive ailleurs sans réagir (et c’est la raison pour laquelle j’ai raconté la deuxième semaine : pour alerter). Aussi, avec l’in­for­ma­tion qui circule, on ne peut pas imaginer que les mêmes erreurs soient repro­duites à l’iden­tique ailleurs. Ce n’est pas comme si on ne savait pas. Et pour­tant si. C’est le prin­cipe de l’ex­pé­rience d’être person­nelle et incommunicable.
Merci pour ton témoi­gnage sur ce qui se passe dans les campagnes. J’es­père que cela vaut pour l’en­semble de la France. Pour les enfants, je n’ai pas trop trouvé de recette miracle non plus… L’ate­lier cuisine, ça marche vrai­ment pas mal ! Dés qu’il y a de la pâte, c’est la fête ! Et pour les amis, les apéros sur Skype ouvrent le champ des possibles.
Bon courage pour cette période incer­taine, en espé­rant que les tests et les trai­te­ments à la chlo­ro­quine apportent des solu­tions effi­caces à ces pers­pec­tives pas réjouissantes…

Hey Sally-Anne ! Quaran­tined in para­dise, how does it feel ? 😉
If you orga­nize it one of these days, I would be delighted to have an online mind­ful­ness session… I think it is defi­ni­tely the time for it !
Hope to see you soon !

Bonjour Mat,
A fil de mes recherches sur la toile concer­nant un thème bien précis avec 2 mots clés : Rome et Coro­na­virus, je tombe sur « Les voyages de Mat », et comme je suis une amou­reuse des rencontres multiples à savoir, rencontres de cultures, de paysages, de personnes, de bons plats (j’ai eu la chance d’en vivre au gré de mes diffé­rents voyages).… bref tout ce qui peut me faire vivre la diffé­rence et la richesse des émotions que cela procure en moi, je me suis inté­ressée à ce que tu nous offres dans tes partages. Je t’en remercie, car dans ces moments de confi­ne­ment, je voyage un peu à travers tes écrits et je t’en remercie.
Ceci étant dit, ma première recherche était sur une autre ques­tion. A la fin du mois de Mai, j’ai prévu un voyage « surprise » pour ma fille de 17 ans à Rome. D’ori­gine italienne par mon père, j’ai très envie de retourner en Italie et à Rome en parti­cu­lier, où je ne suis jamais allée, pour aller ressentir cette ville qui m’at­tire. Mon inten­tion était et est toujours de visiter un ou deux musées (bon jusque là rien d’ori­ginal) mais l’es­sen­tiel n’est pas là pour moi. Ce que je recherche c’est un peu ce qu’a vécu Eliza­beth Gilbert dans son livre « Mange, prie, aime » si bien incarnée par Julia Roberts lors­qu’elle vit 4 mois à Rome pour la partie Mange … quoique pour Rome on pour­rait vivre les 3 sans difficulté 🙂
Bref, je m’égare… j’ai envie de vivre avec ma fille, entre mère et fille, une décou­verte de Rome hors du chemin touris­tique, mais plutôt sur les chemins de traverse, rencon­trer les Romains dans leur quoti­dien, manger, déguster, appré­cier au rythme de la lenteur, à notre propre rythme, tout en s’ap­pro­priant, les odeurs, les couleurs, les marchés, les romains parler, les petits quar­tiers moins voire pas touris­tiques.. bref, tu sens sûre­ment l’am­biance du court séjour que je souhaite vivre. En effet, pour diverses raisons, nous ne partons que 5 jours au départ de Barce­lone pour profiter une journée là-bas avant notre vol (nous habi­tons Narbonne). J’ai choisi une compa­gnie low-cost espa­gnole (donc pas d’as­su­rance annu­la­tion possible), et là tu me vois venir, puisque un petit hic vient cham­bouler mon projet, le Covid-19 bien-sûr. La compa­gnie propose un report de voyage en payant la diffé­rence de billet évidemment ;
Je ne sais pas trop quoi faire, car pour l’ins­tant, je n’ai pas reporté encore mon voyage pour plusieurs raisons, j’at­tends de voir l’évo­lu­tion de la situa­tion sani­taire et je ne sais pas trop quand reporter car l’été trop de monde, trop cher et de toute façon on ne sait même pas si d’ici là tout sera fini. D’autres contin­gences entrent en jeu, puisque ma fille passe son bac cette année, et qu’on ne sait pas ce qui nous attend, puis part faire ses études à Toulouse, bref un peu compliqué en ce moment de se projeter. J’avais pensé peut-être pendant les vacances de Tous­saint, mais sera-t-elle dispo­nible avec ses études supé­rieures ? Bref, de multiples ques­tions, doutes me freinent dans mon choix. J’ai­me­rais avoir ton avis, parce qu’en y réflé­chis­sant, si fin mai le départ est possible, dans le cas où cela sera possible dans les condi­tions opti­males évidem­ment (seule­ment si la situa­tion le permet), Rome risque d’être comme jamais, beau­coup moins envahi de touristes, beau­coup auront annulés ou encore peur de partir au-delà des fron­tières. De nombreuses ques­tions qui restent en suspend et j’ap­pré­cie­rais avoir ton avis, toi qui est à Rome en ce moment. Parfois, avoir un regard exté­rieur, peut-être plus objectif est souhai­table. Dois-je prendre le risque de main­tenir ce voyage, ou le reporter, bon j’ai encore un peu le temps pour me décider mais comme tu t’en doutes les prix des vols grimpent vite, alors il faut que je me décide.
Je suis désolée, mon message prévu assez court au départ, est fina­le­ment plus long. Je te remercie de m’ap­porter ton regard et ton avis, si tu le veux bien.
Et, enfin pour clôturer sur cette situa­tion inédite mais telle­ment instruc­tive sur nous et notre société, je souhaite comme de nombreuses personnes qu’elle nous amène enfin à écrire une nouvelle page diffé­rem­ment et telle­ment plus créa­tive pour tous en prenant en compte tous les aspects essen­tiels ! Inutile de les énumérer, ils sont telle­ment évidents ! Le jour d’après, effectivement.
Bonne route inté­rieure et au gré des voyages et rencontres.
Alexandra

Bonjour Alexandra ! Merci pour ce long message. C’est drôle parce que je réflé­chis à lancer mon acti­vité de guide à Rome et le séjour que tu décris corres­pond exac­te­ment à ce que j’ai envie de proposer 🙂 Je vais commencer par attendre que les touristes reviennent, ce qui ne va pas se faire du jour au lende­main… Je ne peux vrai­ment pas te dire en terme de date ce qui nous attend, bien malin celui qui pour­rait. Les chiffres qu’on nous annoncent sont reportés de quin­zaine en quin­zaine et sans prendre en consi­dé­ra­tion la situa­tion en France, en Espagne. Ici ils envi­sagent de réou­vrir progres­si­ve­ment suivant les régions, mais je suppose égale­ment selon les acti­vités prio­ri­taires. Donc quelque chose me dit qu’il vaut mieux prendre ton temps plutôt que de voir ton voyage reporté et ta réser­va­tion majorée. Le bon côté des chose, c’est que ça me laisse forma­liser quelques itiné­raires que je pourrai te proposer bientôt 😉 Je te tiens au courant ! Bonne quaran­taine d’ici là.

Bonjour Mat, Fan de rando et de voyage, ces conseils sont top pour préparer notre futur voyage en Italie. Depuis le covid 19, nous ne savons pas encore quand nous pouvons réserver les dates pour notre prochaine desti­na­tion italienne. Merci pour ton travail, je trouve votre blog vrai­ment génial et plein d’infos utiles sur cette destination.
Merci pour le partage.
La Rando

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