Vézelay, mystique et ésotérique

Sur les chemins de Saint-Jacques de Compos­telle, Vézelay est un lieu parti­cu­lier. La colline éter­nelle aimante les visi­teurs. Pèle­rins, touristes, marcheurs… On y trouve tout et son contraire.

Sur les chemins de Saint-Jacques de Compos­telle, Vézelay est un lieu parti­cu­lier. La colline éter­nelle aimante les visi­teurs. Pèle­rins, touristes, marcheurs… On y trouve tout et son contraire.

Dans la vitrine de la librairie « L’or des étoiles », on trouve des statues du dieu chacal Anubis, Hubert Reeves et ses pous­sières d’étoilesle livre rouge de C. G. Jung, lire les symbôles de la nature

Vézelay est une ville para­doxale. Les péle­rins viennent rendre hommage à Sainte Marie-Made­leine et se recueillir dans lune des plus belles basi­liques de toute la chré­tienté. Les amateurs de géogra­phies secrè­tes­viennent déni­cher les symboles cachés.

Vézelay, grand livre de pierre et de lumière, hésite entre le reli­gieux et l’ésotérique. Le Mont St Michel bour­gui­gnon a du mal à s’assumer.

Vézelay, mystique et ésotérique - Dans le choeur de l'abbatiale

La mer de nuage

Ma raison d’être ici n’est ni mystique ni ésoté­rique. Je suis venu voir le lever du soleil, contem­pler la mer de nuage qui enve­loppe la campagne. Et tout est là, surpas­sant mes attentes. Un petit moment d’éternité, un moment qu’on n’oublie jamais.

Dans la basi­lique, les premiers rayons inondent le choeur où résonnent les prières des matines. On m’informe que la béné­dic­tion va être donnée aux péle­rins dans quelques minutes. « Ah très bien ». Je dispa­rais dans la crypte.

Face à l’alcôve proté­geant les reliques de Marie-Made­leine, un livre ouvert recueille les inten­tions de prières adres­sées à l’apôtre des apôtres :

– Faites qu’Aline ma fille se concentre en voiture.

– Je souhaite que tous sachent que les animaux ont la même valeur que les hommes – en alle­mand

– Merci de nous guider sur notre chemin, celui de la lumière et de l’amour

– Je souette que les bobos de mon frer géris vite ! Sile voue pler silvoue plé ! Merci ! – écri­ture d’enfant

– Apprends moi à aimer comme toi.

– Pour rien, avec bonheur.

Ces petits mots me touchent plus que toutes les béné­dic­tions.

Vézelay, mystique et ésotérique - Clocher de Saint-Père, au pied de la colline de Vézelay
Vézelay, mystique et ésotérique - Brûme sur la campagne de Vézelay

Chez Marie Madeleine

La frater­nité monas­tique de Jéru­salem tient la commu­nauté Sainte Marie-Made­leine où j’ai élu domi­cile. « Au cœur des villes, au cœur de Dieu », le mot d’ordre est aux anti­podes de ma démarche…

Je pensais y trouver de vieilles femmes austères en chemi­siers pâles et tricots cols en V, dans un univers hérissé de crucifix, de rosaires et de penden­tifs en perles de bois. C’était comme ça chez ma grand-mère. Les bondieu­se­ries tenaient lieu de posters sur les murs.

Mais la commu­nauté Sainte Marie-Made­leine accueille les pèle­rins de passage, que leur démarche soit ou non reli­gieuse. Simone, l’hospitalière, est venue pour baigner dans l’atmosphère de partage et d’échange qu’elle a trouvée lors de ses diffé­rents pèle­ri­nages sur les chemins de Saint-Jacques. Artiste-peintre, Anne Karin s’est retirée au sein de la commu­nauté pour peindre et pour prier.

Leur reli­gion paraît moins austère que celle des pèle­rins. Equipés comme des athlètes, leur cri de rallie­ment, « Ultreïa » – litté­ra­le­ment, « plus loin, plus haut » – a des accents de rédemp­tion par la souf­france. Très peu pour moi.

Dans l’antichambre des chemins de Saint-Jacques de Compostelle

Assis à l’ombre dans la fraî­cheur des pierres, je profite de la douceur de vivre qui règne ici. La rue est un spectacle.

Une foule de touristes déguisés en randon­neurs se lance à l’assaut de l’artère prin­ci­pale. Dress code : chaus­sures de randonnée montantes, vête­ments tech­niques respi­rants, appa­reil photo en bandou­lière. Vézelay est une capi­tale du trek.

À lire aussi : Trois étapes sur le chemin de Compostelle

A la commu­nauté sont réunis les spécia­listes les plus éminents du péle­ri­nage de Saint Jacques de Compos­telle. Comme dans chaque disci­pline, il y a plusieurs écoles. La voie de Vézelay ? Oui mais laquelle ? Il y en a cinq ! Celle des guides Lepère ou celle du guide Gérard du camino ? Suivre les balises rouges et blanches des GR ou les coquilles du tracé européen ?

Un plus malin claironne :

« Moi, mon smart­phone me suffit »

Il assortit ses propos d’une démons­tra­tion d’une demi-heure sur les avan­tages de la géolo­ca­li­sa­tion sur Google map…

« Un jour le bali­sage n’existera plus »

Silence dans l’assistance.

« Un jour, on n’aura plus qu’à dire où on veut aller et le télé­phone nous dira à gauche ou à droite ».

Les tenants du guide papier sont défi­ni­ti­ve­ment mis à l’index. Simone, l’hospitalière, retourne à ses mots mêlés :

« Ce sera pas trop marrant ! »

Le désert du Morvan

Et puis c’est à mon tour de prendre la route. Anne Karin me ramène à Avallon. Hervé m’a convié pour ses 50 ans autour d’un grand feu. Cathy en profite pour lester mon sac de provi­sions. Fran­çois insiste pour me mettre sur la route. J’ai de la chance !

Le véhi­cule s’arrête devant la barrière d’un sentier qui s’enfonce dans la forêt. J’ai des fourmis dans les jambes, des papillons dans l’estomac.

« Regarde bien parce que c’est la dernière maison que tu vois. Après c’est le désert. »

Je checke mon télé­phone pour une dernière connexion au monde. « Réseau indis­po­nible ».
La grande traversée du Morvan commence…

Vézelay, mystique et ésotérique - Sous les arcades de la nef

Le livre d’un voyage exotique en France

Peut-on faire un voyage exotique dans son propre pays ? Pour y répondre, j’ai traversé la France à pied à travers la diago­nale du vide.

Commentaires

Un petit moment que je n’étais pas venue te lire mais c’est toujours un plaisir de suivre ton voyage et tes aven­tures qui n’ont de vide que le nom du chemin parcouru 😉

Merci Maider, tu me fais bien plaisir 🙂 Je vien­drai te saluer au pays basque, et puis aussi enre­gis­trer le bruit des vagues et goûter les spécia­lités locales !

Je vais à Vézelay depuis toujours et j’aime ton regard, parfois diffé­rent du mien, parfois semblable. C’est intéressant.

Coucou Clarisse ! Ah oui, c’est inté­res­sant, ça. Je serais bien curieux de savoir dans quoi tu te retrouves et qu’est-ce qui résonne diffé­rem­ment en toi…
En tout cas, je comprends que tu y reviennes régu­liè­re­ment. Ce lever de soleil depuis la terrasse de l’ab­baye est un des plus beaux moments de mon voyage !

Ce qui est diffé­rent c’est que je me suis peu ou pas inté­ressée aux gens, pèle­rins et reli­gieux. Ça parait froid, exprimé si bruta­le­ment. Sans doute est-ce parce que je suis de là bas : je n’ai pas le regard d’un « étranger » , ce regard curieux et l’envie de commu­ni­quer que je peux éprouver quand je me balade ici ou là, je ne les ai pas à Vézelay.
Je me contente de ressentir et d’admirer.

Ah ok, je comprends… C’est vrai qu’être curieux chez soi, c’est un véri­table défi ! En reve­nant de mon tour du monde, je m’étais promis de garder la même curio­sité, la même envie d’ou­vrir les yeux sur mon envi­ron­ne­ment direct. Et je n’ai pas réussi. Je suis retombé dans les mêmes fausses certi­tudes et les mêmes idées préconçues.
Cela étant, en se conten­tant de ressentir et d’ad­mirer, à Vézelay, on a déjà de quoi faire !!

Merci Mat pour ce livre ouvert. Impa­tient de lire le carnet consacré au Morvan, au réseau indis­po­nible… Et merci pour ce site, où l’on passe de l’Iran à l’Ir­lande d’un coup de clic. J’adore ! (envie de tout lire…)

Hey Alex !
Content de te savoir passé par ici, mec 🙂
Le Morvan arrive, j’y mets la touche finale. Bon, côté dépay­se­ment, c’est pas l’Iran, mais côté nature, c’était une sacrée belle ballade…
La bise, à bientôt !

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