Le parc naturel régional du Morvan à pied

Décou­verte du parc naturel régional du Morvan à pied. De Saint-Germain des Champs à Mont­sauche-les-Settons, récit d’une semaine sur la Grande Traversée du Morvan.

La Grande Traversée du Morvan… Le nom avait quelque chose d’épique, un parfum d’aventure. Ça tombait bien, je n’avais rien prévu dans la Nièvre et je voulais laisser les hasards de la route guider mes pas. Je n’ai pas été déçu.

Jour 1 – Vallée du Serein

Glous­se­ment de l’eau qui joue dans les rochers, fraî­cheur de la forêt réveillée par l’averse, partout des mousses, des fougères, des arbres déra­cinés. La forêt m’abrite et crépite sous les gouttes de pluie.

Premier bivouac. Les hiboux hullulent, je me sens accueilli. Impres­sion d’être de retour à la maison. Je dors en compa­gnie des arai­gnées intré­pides qui se sont faufi­lées dans la tente.

Jour 2 – Saint-Germain-des-champs

La forêt et le bocage s’illuminent sous les trouées d’un ciel de granite. Je m’abrite en atten­dant la fin de l’averse. Arrivée à Saint Germain des champs. Le vent qui joue dans les tôles mal arri­mées dérange le silence de ce village fantôme. Tous les volets sont fermés. Personne à qui m’adresser pour demander de l’eau.

Ciel psyché­dé­lique gris-orange au couchant. Nuit agitée dans une cabane de rondins. Grand vent au bord du lac de Crescent.

Jour 3 – Lac de Crescent

Le lac est une retenue d’eau arti­fi­cielle. À l’abri derrière les piles du barrage, Maxime fait sa pause-déjeuner en plein air, malgré le crachin mauvais. Il parle avec respect du Morvan, terre pauvre, terre de refuge, terre hostile ; avec tendresse de la roche-mère, le granit du Morvan.

Climat hostile. Pas vrai­ment froid. Hostile. Ciel chargé et lumineux.

Paysage de bocage parsemé de petites tâches blanches – des vaches – quadrillé de haies parcou­rues de chemins. Les vallées laissent deviner les prochains sommets à gravir.

À Marigny‑l’église, Auré­lien, devant ma mine fati­guée, sort un carnet d’ordonnance. L’auberge-épicerie-bar-relai poste du Cres­cent est aussi… cabinet de poésie géné­rale ! Voilà ma prescription :

La prochaine fois que je vien­drai au monde,
Je trans­crirai chaque minute dés le début,
Je n’en consom­merai pas une seule sans réflé­chir d’abord
Et, le cas échéant, j’arrêterai le temps pour qu’il attende ma décision. 

Apprendre après chaque repas

(Penti Holappa)

Je me sens tout de suite mieux.

Le Morvan est un désert médical ; Château-Chinon, la première sous-préfec­ture de France privée de médecin généraliste.

Passage à sec sur le barrage de Crescent
Randonnée champêtre dans les rues de Marigny-l'église

Jour 4 – Marigny‑l’église

Au foyer communal, je partage mon enthou­siasme pour le cabinet de poésie géné­rale avec la gérante. Elle grimace. Combien de temps cela durera-t-il ? Le lieu porte la poisse. Couche­ries, trom­pe­ries, divorces… Depuis qu’elle vit ici, aucun couple n’y a survécu.

Dehors, vent violent, pluie serrée, ciel noir. Des fenêtres de bleu appa­raissent et dispa­raissent comme des hublots. Le temps est en colère. La moitié de la France est en alerte orange.

Je pense faire quelques images, ouvre le velux. Vent violent qui s’engouffre. Je referme en catastrophe.

Nuit parmi les ronfle­ments. Fina­le­ment, vaut-il mieux avoir froid seul dans une tente ou chaud à plusieurs au pays des grizzlis ?

À lire aussi : 9 itiné­raires de grande randonnée en France

Ciel de tempête sur les reliefs du Morvan

Jour 5 – Le petit Québec

La tornade de la veille a suivi une autre vallée. Les lits des rivières sont désor­mais en eau, les cascades cascadent, mais en dehors des toits envolés et des arbres arra­chés dans le village, pas de trace de l’apocalypse.

La roche-mère affleure par endroits en cous­sins rebondis. Les cham­pi­gnons s’organisent en confé­rence, prennent place au pied d’arbres-gradins. La chasse aux cèpes est ouverte.

Je fais route avec Richard, un jeune retraité québe­cois qui m’a surpris en pleine écoute de ruis­seau. Son pays doit lui manquer. Il m’en parle toute l’après-midi.

Sait-il qu’on surnomme le Morvan « le petit Québec » ? Je demande son avis de spécia­liste. Même si les allées d’arbres recti­lignes l’étonnent, il concède, devant les coins les plus beaux et les plus sauvages :

« Oui ! Là, par exemple, on pour­rait être au Québec. »

Douce pénombre à l’abri des grands sapins.

Jour 6 – Dun-les-Places

Le sol dispa­raît sous un tapis de mousse. Tout ce qui tombe au sol semble irré­mé­dia­ble­ment envahi, avalé, digéré, recou­vert. Humi­dité et froid péné­trant. Pour la première fois du voyage, mon chèche me protège du froid, non de la chaleur. Ma bous­sole en perd le nord. Chaos magné­tique.

À Mont­sauche-les-Settons, le monde se retrouve autour d’un repas à l’Esquipot : des pari­siens en rési­dence secon­daire, un couple grenoblo-marseillais installé dans la région, des autoch­tones néer­lan­dais (les gallo-bataves, un concept local), des anglais…

Depuis que le dernier troquet a fermé, c’est le seul endroit où trouver un peu de chaleur humaine. Chaque vendredi, le café asso­ciatif orga­nise repas et spec­tacle.

La ques­tion du jour (et même des derniers jours) : où sont les Morvandiaux ?

Jour 7 – Montsauche-les-Settons

Petit déjeuner avec Fran­çoise et Carlos, membres piliers de l’Esquipot. On rentre un peu dans la « cuisine » de l’asso, son mode de fonc­tion­ne­ment… Tout repose sur les coti­sa­tions et les béné­fices générés à chaque événement.

Et la mairie ? Subven­tions ? Prêt du local ? Logis­tique ? Rien du tout. Pour eux, il n’y a aucune volonté poli­tique de faire bouger le terri­toire. Ces terres en sommeil sont les chasses gardées élec­to­rales de maires de carrière. Carlos garde un goût amer des dernières élec­tions muni­ci­pales. Il voulait réveiller les consciences ; il a perdu.

Son combat d’écologiste convaincu continue au quoti­dien. Le fléau des sapi­nières sur l’environnement, la raré­fac­tion de la faune et de la flore, la dispa­ri­tion des forêts de feuillus, la surex­ploi­ta­tion fores­tière et l’appauvrissement de la terre… Les sujets ne manquent pas.

Je regarde d’un autre œil les jolies forêts de coni­fères plan­tées en rangs bien alignés, l’odeur acide des ascie­ries et les stocks d’arbres dépecés qui montent jusqu’au ciel.

Nuit au bord du lac, non loin d’infrastructures touris­tiques désertées.

Cachés dans la végé­ta­tion, les sommets du Haut Morvan – le plus secret, le plus sauvage – m’attendent. Les animaux aussi…

Le livre d’un voyage exotique en France

Peut-on faire un voyage exotique dans son propre pays ? Pour y répondre, j’ai traversé la France à pied à travers la diago­nale du vide.

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Commentaires

Jolies photos ! Je n’ai pas eu l’oc­ca­sion de m’aven­turer dans le Morvan mais cela à l’air calme, repo­sant mais un peu triste aussi à te lire…

Merci Julie !
Mmmmm… Disons que c’est trop sauvage pour être complè­te­ment calme et repo­sant 😉 Peut-être en été ? Parce que les tempêtes et les incur­sions d’ani­maux ne m’ont pas trop reposé, je dois dire 😉 Vivi­fiant, je dirais.
Triste ? Je ne m’étais pas rendu compte… Moi je vois des gens qui se battent et qui font avec dans un contexte pas facile. Quant au vide, je commence à ne plus le voir. Il fait parti du voyage.
Moi je te recom­mande d’y mettre les pieds, comme ça tu te feras une idée !

merci MAT ?
de part tes superbes photos et tes commen­taires j’ai eu l’im­pres­sion de voyager avec toi,très sympa.
bonne conti­nua­tion et j’es­père une autre traversée

Cool ! C’est bien l’ob­jectif de mon blog 🙂
D’autres traver­sées à venir, oui ! Celle de la Brenne (un des terri­toirs les moins peuplés d’Eu­rope) dans les jours qui viennent et celle des Pyré­nées en février !
Merci de ton passage par ici Ben !

Merci Emma­nuel 🙂 Je me suis régalé !
Je suis parti d’Avallon, dans l’Yonne, juste après les jardins suspendus. C’est là que commence la grande traversée du Morvan, il me semble…
Ensuite, j’ai un peu mélangé les itiné­raires, entre GR, GR de pays et sentier des pélerins…

Bonjour, joli récit et belles images. J’ai de petites ques­tions pratiques, comment as tu fait pour le ravi­taille­ment ? Peut on trouver de temps en temps voire à chaque étape, une petite boulan­gerie ou épicerie ? A quelle période es tu parti ? Merci beaucoup !

Salut Romain !
Merci pour le récit et les images 🙂 Pour les aspects pratiques, j’ai trouvé des commerces au départ à Avalon, puis à Marigny-l’église. À Dun-les-Places, j’ai dormi et festoyé à l’au­berge enso­leillée (je vais rajouter les infos pratiques). Tu ne trou­veras pas de commerce à chaque étape, sauf à faire de (très) longues étapes mais ce n’est pas dans ma philosophie.
En règle géné­rale, j’avais toujours sur moi de quoi tenir 5 jours environ en auto­nomie. Soupes chinoises, pâte d’amande, thé, fruits secs…
Pour la période, je suis parti début septembre. J’es­père que tout cela t’ai­dera à préparer ta rando. Bonne route !

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