En Iran, attentats, jihad et choux à la crème

Iran, onze septembre. Alors que le monde entier est scotché devant les images des atten­tats du world trade center, je pédale tran­quille­ment en « terri­toire ennemi ». Un sacré décalage !

La répu­blique isla­mique nourrit son lot de fantasmes. Est-on en sécu­rité lorsqu’on voyage en Iran ? Ou dans la gueule du loup, à la merci d’islamistes reven­chards ? J’y étais… un certain 11 septembre 2001 !

C’est un petit restau­rant sans façon où nous sommes installés. Fausses fleurs sur la table, murs carrelés, nappe en plas­tique, clim… Après une semaine coupée du monde dans les monts Elbourz, à presque 5000 mètres d’altitude, Rasht nous appa­raît comme le comble du luxe.

Dans un coin de la salle, un écran télé – Pour­quoi toujours pousser le son au maximum ? – déverse un flot de nouvelles assour­dis­santes. Habitué à baigner dans une langue qui m’est tota­le­ment hermé­tique, je regarde les images d’un œil distrait. Me faire mon petit film inté­rieur est devenu une seconde nature.

Fuyez, fuyez, le jihad va éclater !

Mais pas cette fois. Cette fois, c’est diffé­rent. Les images tournent en boucle, fasci­nantes, incom­pré­hen­sibles. Les avions en approche, la colli­sion inéluc­table, les colonnes de fumée, les tours dislo­quées… La violence des images nous laisse sans mot. Uppercut. KO.

Dans la salle, la vie suit son cours dans l’indifférence géné­rale. Nous ques­tion­nons le serveur qui apporte le plat d’esturgeon.

« Ameri­cani… Afghanistani… »

Il immite le siffle­ment des bombes et repart en s’excusant molle­ment. Son expli­ca­tion n’est pas plus convain­cante que son accent anglais.

Dix minutes plus tard, nous sommes installés devant l’écran d’un ordi­na­teur. Le monde est en état de choc. Depuis deux jours, les atten­tats du 11 septembre font la une des médias du monde entier. Des dizaines de messages inquiets inondent notre messagerie.

« Fuyez, fuyez, le jihad va éclater ! »

Islamic republic ! No short !

Notre arrivée en Iran nous avait mis tout de suite au parfum. Dans l’avion qui descend vers Téhéran règne une atmo­sphère de bal masqué. Les femmes, coquettes et apprê­tées, passent du style ouzbèque – fleuri, chatoyant, coloré – à la mode iranienne – foulard dans les cheveux, vête­ments amples, longs, ternes. Mon voisin russe remarque mon air amusé. D’un doigt répro­ba­teur, il désigne mes mollets bronzés et accom­pagne son geste d’un aboie­ment péremptoire :

« Islamic Repu­blic ! No short ! »

Des images de foules fana­ti­sées brûlant des drapeaux améri­cains en place publique me reviennent en mémoire. Accusé d’exhibitionnisme au pays de la pudeur, j’enfile vite un pantalon !

Crème, miel et pistaches

Ce sera la seule fois. Où sont-ils, ces isla­mistes into­lé­rants, haineux et sectaires ? Pas là où nous sommes passés. Depuis douze jours que nous sommes en Iran, les Iraniens nous prodiguent un accueil incom­pa­rable. Tasses de thé, tranches de melon, poignées d’amandes et de raisins secs… Sur le bord de la route qui traverse les Monts Elbourz de Téhéran à Chalous, les auto­mo­bi­listes s’arrêtent pour nous offrir des cadeaux comes­tibles. Si nous sommes venus à bout de ces pentes déser­tiques, c’est aussi un peu grâce à eux. On ne peut pas partir comme ça. Ne serait-ce que par politesse !

D’ailleurs Amin, l’architecte qui nous a dégoté l’ordinateur sur lequel nous consul­tons les nouvelles du monde, nous invite à déjeuner chez lui. Au menu, salade de tomates sur fond d’inégalités sociales, brochettes sauce corrup­tion, le poids de la reli­gion arrive avec les pâtis­se­ries. Nous repar­tons en fin d’après-midi lestés d’un atlas routier en cadeau d’adieu. De quoi aborder la suite de notre voyage en Iran avec séré­nité. Et tordre le cou aux raccourcis trop systé­ma­tiques entre Islam et terrorisme.

Qu’on se le dise, les Iraniens sont des choux à la crème (et au miel) et l’Iran vaut son pesant de pistache.

Commentaires

Hello Mathieu ! J’ai telle­ment lu/entendu de bonne choses sur l’ac­cueil des Iraniens que c’est ce l’un des aspects qui m’at­tire le plus dans ce pays. On verra dès demain… trop hâte ! En tout cas chapeau pour cet article qui contribue à balayer certains clichés qu’on nous rabâche sur cette région du monde.

Charles, je t’envie ! Tu vas te régaler à coup sûr et j’ai hâte de lire tes impres­sions. Les miennes datent de 10 ans déjà, mais je suis confiant. Et n’ou­blie pas de traîner dans les pâtis­se­ries ! J’ai un souvenir impé­ris­sable des gour­man­dises iraniennes. Un regret de mon côté : ne pas avoir enre­gistré de musique. Tu me ramènes un son de là-bas ? Bon voyage 🙂

Hello Mat !
Super ton carnet. Ah l’Iran ! C’est une révé­la­tion à chaque fois. J’es­père y retourner pas trop tard. Moi je n’ai pas fait de couch­sur­fing ou tous ces trucs 2.0. Et je n’avais pas vu de nez refaits non plus, on était seule­ment à l’époque du rouge à lèvre et du vernis à ongle quand j’y ai été…
Par contre, je me souviens des pâtis­se­ries… Quel festin !!!
Au plaisir de te lire 🙂

Bonjour Mat,
Je suis contente que vous ayez aimé votre séjour en Iran, mais comme vous avez dit, tout a bcp changé et la prochaine fois vous allez décou­vrir une société plus ouverte, les habi­tants aussi accueillants, une gastro­nomie plus déli­cieuse, plus d’in­fra­struc­tures et de meilleurs possi­bi­lités de voyage hors des sentiers battus.
Au final, j’ai­me­rais vous inviter à choisir la Perse magique une deuxième fois comme votre desti­na­tion de voyage.

Bonjour Atefeh ! Oh j’ado­re­rais retourner en Iran, bien sûr. Je continue à en parler autour de moi comme le pays où nous avons été le mieux accueilli, même plus de 10 ans après 😉 Et puis c’est un pays si grand et je n’en ai vu qu’un tout petit bout… Il y aura une deuxième fois, j’en suis sûr 🙂

Super, j’en suis hyper contente. N’hé­sitez pas à me contacter si vous avez besoin du conseil ou des infor­ma­tions à ce propos. En plus, j’es­saye de faire connaître l’Iran sur ma page d’ins­ta­gram ( tourisme.francophonie ).
A bientôt enshalla en Iran 😉

Bonjour.
Avec mon mari nous avons fait du vélo en Iran en 2018. Hispahan Chiraz par les monts Zagros et quelques détours dans de petits villages. On a adoré ! Les Iraniens sont des gens merveilleux, accueillants, gentils, attentionnés…que du bonheur. Nous comp­tons y retourner plus longue­ment en 2021.

Bonjour Marie ! Je suis content que nous parta­gions le même avis et un peu la même expé­rience même si nos chemins nous ont conduits à des endroits diffé­rents. Je me deman­dais… Avez-vous trouvé des gens parlant un peu anglais ou une quel­conque langue étran­gère sur votre route ? J’y étais en 2001 et les choses ont peut-être évolué (je parle des campagnes, en ville, pas de problème pour communiquer)

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