Prendre le train en Inde : un défi

En Inde, le quoti­dien est un défi perma­nent. De l’achat des billets au trans­port des bagages, prendre le train se trans­forme en épopée rocambolesque.

En Inde, le quoti­dien est un défi perma­nent. De l’achat des billets au trans­port des bagages, prendre le train se trans­forme sans crier gare en opéra­tion commando.

À New Dehli, nous enten­dons parler d’un festival de musique sacrée orga­nisé quelques jours plus tard à Bénarès. Tous les meilleurs musi­ciens du pays réunis au même endroit, l’occasion est trop belle pour ne pas la saisir. Une seule solu­tion pour arriver à temps : prendre le train. Un choix qui semble aller de soi. C’était sans compter sur l’Inde et ses péripéties…

Un billet Agra-Bénarès, s’il vous plaît !

À la gare, la « file d’attente » devant les guichets nous laisse perplexe. C’est un magma compact et vivant de corps qui se poussent et jouent des coudes pour se frayer un chemin jusqu’à l’hygiaphone. On n’est pas encore prêt pour ce grand bain de foule et confions la mission à une agence de voyage.

Processus en trois temps, impa­tients s’abstenir…

  1. Se rendre à l’agence pour remplir les incon­tour­nables formu­laires de réservation.
  2. Se rendre à l’agence pour obtenir la confir­ma­tion de la réservation.
  3. Se rendre à l’agence pour retirer les billets.

On fait tourner les moteurs des rick­shaws et l’économie locale. Les Indiens sont malins. Malins ou mal organisés ?

À la gare

Les billets sont en poche. Le plus dur est fait ? Pas sûr…
L’agence nous a indiqué la gare d’Agra City mais le préposé aux bagages refuse caté­go­ri­que­ment d’embarquer nos vélos. Nos billets sont valables au départ de la station Agra Raja Ki Mandi. Il m’offre un verre de thé et dispa­raît. Mieux vaut plier que craquer. Nous prenons donc la route pour le quar­tier de Raja Ki Mandi. Vingt minutes plus tard, nous sommes sur place.

Le nouveau préposé aux bagages arrive avec de mauvaises nouvelles : les vélos ne sont pas admis dans le compar­ti­ment. Nous devons les faire enre­gis­trer. ll se peut qu’ils partent ce soir avec nous, ou demain, peut-être, sinon dans deux, trois, quatre, cinq jours, mois, années…

À lire aussi : Voyage en train : deux mois avec le pass Interrail

Supplément bagages

Nous jaugeons d’un rapide coup d’œil le volume des paquets en attente disposés dans une pièce atte­nante au bureau des bagages. La pous­sière s’accumule sur les bâches. Y faire rentrer nos vélos, c’est faire une croix sur la suite du voyage. Nouvelles palabres avec les indiens du service bagage. En vain.

Instance déci­sion­nelle suprême pour nous sortir de ce faux pas, le chef de gare. Compré­hensif, il nous explique dans un anglais très correct qu’il ne peut pas plus que ses subor­donnés nous assurer du sort de nos fidèles montures. Son conseil : tenter le tout pour le tout en les prenant avec nous dans le wagon. Marché conclu !

Des trains et des hommes

Depuis le quai, nous voyons arriver notre premier train indien. Il nous laisse envi­sager le pire. Il est chargé jusqu’à la gueule de passa­gers. Les gens sont litté­ra­le­ment les uns sur les autres, dans les cabines de six places s’entassent des dizaines de personnes, les couloirs sont une forêt de bras, de jambes, il semble sortir des têtes de partout !

Sous nos yeux incré­dules, ceux qui ont eu la mauvaise idée de descendre ici jaillissent des portes comme les pépins d’un citron pressé et servent de tapis amor­tis­seur aux bagages qu’on leur jette des fenêtres.
S’extirper de cette masse tient de la perfor­mance, y rentrer du déses­poir. Ça presse, ça pousse, ça se contor­sionne ; le marche­pied à lui seul supporte dix vers de terre humains cher­chant tant bien que mal à creuser leur trou.

Certains ont aban­donné et courent après le wagon, accro­chés aux poignées. En une minute, l’ouragan est passé. Les moins pugnaces restent à quai et nous les regar­dons d’un oeil abruti. Mais comment va-t-on faire pour faire rentrer nos vélos dans cette marée humaine ?

Le plan d’attaque

Une demi-heure plus tard, notre plan d’attaque est au point. Nous nous sommes postés devant l’endroit où le wagon S9, celui dans lequel nous attendent nos places, devrait théo­ri­que­ment s’arrêter. Tout les sacs sont ordonnés, prêts à être enfournés. Je monterai en premier avec mes sacs accro­chés. Franck me passera mon vélo du quai, puis le sien, pour enfin monter à son tour avec ses affaires. Nous n’avons qu’une minute pour effec­tuer la manœuvre, alors il faudra faire très vite.

Anxiété en atten­dant le train. Il finit par arriver, freine douce­ment et s’arrête… pas du tout là où nous l’avions prévu !!! Nous char­geons en catas­trophe nos cinq sacoches sur nos épaules, traî­nons les vélos que le câble de frein avant empêche de rouler et remon­tons le quai vers l’arrière du train en essayant de courir. S2… S3… S4… C’est foutu, on n’y arri­vera jamais ! Nom de Dieu, c’est la dernière fois qu’on prend le train !!! … S5… S6… S7… Cette fois c’est foutu, c’est sûr ! … S8… S9… On est devant la porte. Je me jette à l’intérieur, enfourne le premier vélo que me tend Franck, le deuxième, Franck monte enfin à son tour ! Victoiiiiiire !!! A nous Bénarès !

Le voyage en Inde se poursuit ici : 

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Commentaires

Namaste, j’ai adoré votre article il m’a rappelle le souvenir très récent d’un aller Delhi- Benares très récent ou nous avons pris un ticket à la gare… Et nous sommes retrouves coincés comme du bétail durant 24 heures.… Au lieu de 18. Le mr du guichet nous avait vendu un ticket sans réser­va­tion… Un calvaire. Mais on apprend vite de ses erreurs en Inde. Sandra

Merci pour ton article. Grâce à lui, je sais désor­mais les étapes à suivre avant de monter à bord d’un train en Inde. Il faudra être vrai­ment patient et calme.

Merci Mathieu pour tes articles toujours aussi bien documentés .
Rien ne vaut le vécu !
Si tu mets le cap à l’ Ouest tu sais que tu peux faire étape chez nous.
Bon vent !

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