À Bénarès, pèlerinage musical au bord du gange

Bénarès est une respi­ra­tion dans notre voyage en Inde. Loin de la foule de l’Uttar Pradesh, nous sommes venus assister au festival de musique donné en l’honneur du Dieu-singe Hanuman. Nous savou­rons avec délec­ta­tion le rythme apaisé de la ville sacrée baignée par le Gange.

Après une ving­taine d’heure de train à travers la campagne indienne, nous arri­vons à Bénarès un peu groggy et la fraî­cheur du matin nous fait du bien. La mousson arrive, il fait chaque jour un peu plus chaud et le soleil dessine des ombres dans la pous­sière soulevée par un traffic déjà dense.

Des enfants nous prennent par la main et nous nous lais­sons faire, trop fati­gués pour lutter. Ils nous emmènent à travers un dédale de petites rues où il faut éviter les bouses sacrées et où deux vaches peuvent à peine se croiser. Un couple fran­çais amou­reux de l’Inde nous a recom­mandé la Vishnu rest house, idéa­le­ment située sur le Pandey Ghat, juste au bord du Gange.

Il suffit de s’asseoir sur les marches pour regarder la ville vivre. À Bénarès, nous avons enfin le senti­ment de décou­vrir une Inde à dimen­sion humaine.

Sur les ghats

Bénarès est une ville sacrée parce que le Gange est une déesse. Les textes anciens racontent que la rivière céleste, paci­fiée par la cheve­lure de Shiva, descendit sur la terre pour puri­fier les cendres et libèrer les âmes.

Sur ses rives se déroulent les scènes du quoti­dien, bercées par le cours tran­quille du fleuve. Au petit matin, les blan­chis­seurs battent sur la pierre le linge gorgé d’eau. Le raffut qui se réper­cute sur les façades pénètre dans les dortoirs par les fenêtres sans carreaux et nous tire du lit.

C’est l’heure des ablu­tions. Des fidèles, hommes, femmes et enfants s’immergent corps et âme, tête comprise. Un musi­cien joue à la flûte un air envoû­tant. Des enfants s’essayent au cricket. Un sadhu vient mendier quelques roupies auprès des touristes assis sur les marches. Plus loin, des vieux jouent aux cartes ; une femme fait des offrandes dans l’eau ; quelques barques reviennent de l’autre rive char­gées de marchandises.

Sur d’autres ghâts, des cadavres sont inci­nérés puis leurs cendres disper­sées dans le fleuve. Pour les plus pauvres qui ne peuvent payer le bois reste le créma­toire élec­trique. Dans ces gestes de tous les jours, vivants et morts, sacré et profane s’entremêlent, et tout semble accepté avec un déta­che­ment, une simpli­cité et un naturel qui fascinent.

Musique sacrée au temple d’hanuman

Nous sommes à Bénarès pour assister au festival de musique clas­sique qui se tient chaque année au temple d’Hanuman, le dieu-singe.

Réunis dans l’enceinte du temple, barbus octo­gé­naires et jeunesse mous­ta­chue se côtoient, accroupis sur le sol et pieds nus pour assister aux dialogues de musi­ciens virtuoses venus de tous le pays. A la veena, sorte de guitare au long manche dont la sono­rité rappelle la cithare, Pandit – maître – Mohan Bhatt impro­vise seul depuis plus de vingt minutes. La mélodie qu’il tire de son instru­ment éclaire les visages de sourires de plaisir. Aidés par les vapeurs de haschich, certains se sont endormis. Profonde vibra­tion de paix et de sérénité.

Aux tablas, reines des percus­sions indiennes, Pandit Talwalkar donne aux envo­lées mélo­diques de son ami guita­riste un semblant de struc­ture ryth­mique. Les deux maîtres impro­visent et pour­tant, ils semblent jouer la même parti­tion. Télé­pa­thie ? Pour les disciples de Shiva, créa­teur de l’art musical indien, la musique est un moyen de concen­tra­tion inté­rieure et de percep­tion du surna­turel. En Inde, ne surtout pas sous estimer les forces de l’esprit

Bénarès, pélerinage musical au bord du gange

Garder son calme

Soudain, tonnerre d’applaudissement. Un singe vient de traverser noncha­lam­ment la scène ! Il en faudrait plus pour trou­bler la séré­nité des deux musi­ciens qui conti­nuent, imper­tur­bables, leur dialogue mental. Cela viendra plus tard, sous la forme d’une coupure de courant, comme il en arrive ici plusieurs fois par jour.

Telle est la ressource des Indiens : en toutes circons­tances, savoir garder son calme. Je mettrai en appli­ca­tion cette philo­so­phie dès la sortie du concert. Ma paire de chaus­sures neuves, mon unique paire laissée à l’entrée du temple a disparu et je devrai rentrer pieds nus… Pour cette fois, je fais preuve de déta­che­ment. La prochaine fois, je ferai preuve de vigi­lance. Moi qui croyais le sacré invio­lable en Inde, j’ai sur-estimé leur foi et sous-estimé leur pauvreté. On ne m’y prendra plus.

Le voyage en Inde se poursuit ici : 

Le livre d’un voyage exotique en France

Peut-on faire un voyage exotique dans son propre pays ? Pour y répondre, j’ai traversé la France à pied à travers la diago­nale du vide.

Sur la même thématique

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Partages
Partagez
Enregistrer
Tweetez