Portrait contrasté d’une ville-monde où les contraires se côtoient et les opposés s’attirent. Miroir d’elle même, Istanbul réinvente chaque jour celle qui fut déjà Byzance et Constantinople.
Anatoliens, kurdes, bulgares, grecs, irakiens, turkmènes… Istanbul s’enrichit d’une mosaïque de peuples dont les vagues successives ne cessent de modifier les contours. Plus qu’une ville, Istanbul est un pays imaginaire.
En Istanbul-istan, les mondes ne s’opposent pas, ils coexistent. Tradition et modernité, conservatisme et avant-gardisme, les multiples identités brouillent les pistes.
Dans cette ville monde, je cherche en vain une unité tangible. Je la trouve à la terrasse des cafés, au hasard d’une tasse de thé et d’une partie de backgammon. Là réside l’âme de la ville. Un art de vivre que tous partagent et une générosité dont ces quelques portraits témoignent.
Balade en portraits à travers Istanbul
Dans les cafés du quartier de Tophane, le fumeur de Narguile est étudiant. Les épais nuages de fumée qu’il laisse échapper de sa chicha me fascinent. Il m’invite à sa table et me tend la pipe.
Au hasard de mes explorations, je tombe sur l’atelier d’un tisserand, au dernier étage d’un des innombrables caravansérails du grand bazar. S’y rassemblent encore ateliers, négociants et boutiques de confections. Le centre d’Istanbul foisonne d’artisans.
Sur les rives du Bosphore, rencontre avec deux apprentis-marins qui sortent tout juste de l’école de marine. Malgré leur jeune âge, leur aplomb m’épate et m’amuse beaucoup.
Place Taksim, des familles des victimes, séparatistes kurdes et armée turque confondus, manifestent ensemble. La question kurde est épineuse et divise la société turque. Sur le terrain, les morts se comptent par dizaines de milliers.
Sur une des navettes qui relient Beşiktaş côté ouest à Üsküdar côté est, le lecteur du bosphore consulte les dernières actualités économiques. Un ballet incessant relie la rive asiatique, plus résidentielle et le centre d’affaire situé sur le continent européen. Plusieurs centaines de milliers de personnes passent chaque jour d’un continent à l’autre.
Sur le quai de la station de tram Karaköy, un joueur de flûte fait la manche pour pouvoir acheter ses médicaments. Les pensions de retraite ne permettent pas toujours de joindre les deux bouts et la solidarité inter-familiale est souvent nécessaire.
Les danseurs aux verres ont l’alcool festif. Dans le quartier de Samatya, ancien fief de la communauté grecque, on vient faire la fête et manger du poisson grillé, boire et chanter jusqu’au bout de la nuit. Des russes notamment, en voyages d’affaires. La Russie est le premier fournisseur du pays.
Le long de l’avenue Kennedy, au bord de la mer de Marmara, Yazid a installé son stand de tir. Il est venu de Syrie. Je veux lui faire prendre la pose James Bond, mais avec sa tête de truand et ses guirlandes de ballon multicolores, je rate ma cible.
L’entrepreneur immobilier fait des rêves de fortune. Les nouveaux quartiers qui sortent de terre en périphérie s’organisent autour de mosquées flambantes neuves. Ils attirent des classes moyennes conservatrices désireuses de fuir le centre vétuste, bruyant et mal famé.
A deux pas de l’église orthodoxe, je demande mon chemin. Le garagiste m’offre un verre de thé et pose avec plaisir pour la photo. C’est lui qui choisit comme décor son mur de jantes rutilantes. Elles s’harmonisent très bien avec la montre et le téléphone.
Sur les pentes d’Arnavutköy, le boulanger fait voler sa pâte légère. Le quartier est réputé pour son cosmopolitisme : Grecs, juifs, ottomans et Albanais, dont le quartier tire son nom. Beaucoup d’étudiants également.
Dans le quartier commerçant de Sirkeci, je me réchauffe au stand du vendeur de marrons chauds. En fait, j’avais repéré son air modeste et bienveillant. Il m’offre un verre de thé. Les Turcs sont comme ça.
La nuit, je croise les fantômes d’Istanbul. Le recycleur, c’est la face visible des bidonvilles relégués à la périphérie de la ville. Autre petit boulot : vendeur des graines. En Turquie, on aime les pigeons. Ils ont même leur mosquée : Beyazit.
Place Taksim, les restaurants de kebab font recette, même si l’originale (salade-tomate-oignon) est née à… Berlin ! Plus authentiques, les vendeurs de trippes au feu de bois vendent dans la rue à la criée : « Kokoreç ! Kokoreç ! Kokoreç ! » – Kokoreç, donc, un des seuls mots que j’ai retenus de mon séjour stanbouliote.
A déglacer avec un bon jus de grenade pressée.
Le soleil d’Istanbul brille sur cette petite bouille qui m’accoste à deux pas du pont de Galata. D’où vient-elle ? A son aplomb sidérant, je la crois Rom. Son quartier, le plus vieux quartier rom d’Europe, sera rasé dans quelques mois.
En 2010, Istanbul est capitale européenne de la culture ; les projets immobiliers fleurissent partout ; on expulse à tour de bras.
La mégapole avance vers la mondialisation.
Commentaires
Salut Mat,
en fait, je me demandais si un + 3 = 1 + trois ou si 4 = quatre… mais la case est trop courte pour philosopher…
Super cette petite visite guidée en Turquie
Merci de nous faire partager ça…
Je prendrai le temps de « visiter » les autres voyages au fil des jours…
Bises
Laurent
Salut Laurent ! Bienvenue sur le site et bravo pour avoir su résoudre le challenge de l’addition en chiffres (et non en lettres).
Content que cette petite visite accompagnée t’aie plu ! Est-ce que tu es déjà allé à Istanbul ?
Je prépare un billet plus axé sur les lieux à découvrir. Cette ville est ultra photogénique ! N’hésite pas à t’abonner pour être informé des prochaines mises à jour.
A bientôt 🙂