Quart d’heure cochon à Berlin

Où manger (du cochon) à Berlin ? Grillé, bouilli, rôti, trois lieux, trois anec­dotes plutôt cochonnes pour une incur­sion cultu­relle au pays de la saucisse.

Où manger du cochon à Berlin ? Grillé, bouilli, rôti, voici trois lieux et trois anec­dotes plutôt cochonnes pour une incur­sion cultu­relle au pays de la saucisse. Parce qu’en Alle­magne, on ne plai­sante pas avec la cochonaille !

Ce qu’on a dans notre assiette en dit long sur nos façons de vivre. Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es. La France se découvre à travers ses fromages. En Alle­magne, le marqueur culturel, c’est la saucisse.

Au KaDeWe, géopolitique de la saucisse

C’est un des hauts lieux du shop­ping berli­nois, et le symbole durant la guerre froide de l’écrasante victoire maté­rielle de l’ouest sur l’est. KaDeWe : Kauf­haus Des Westen. Le grand magasin de l’ouest. C’est assez explicite !

On trouve de tout dans ce temple de la consom­ma­tion. Mais le point culmi­nant du bâti­ment, c’est l’étage gourmet, en fran­çais dans le texte. Thé blanc, éclairs de chez Lenôtre, caviar beluga, gouda au pesto rouge, café masaï, gelée de Saint-Jacques, chan­te­relles fraîches… Musar­dant entre les stands, le cheveux est blanc, le pas tran­quille, le porte­feuille bien garni.

Parmi ces produits stars venus des quatre coins de la planète, un intrus… Du cochon ! C’est la foire au cochon. 50 mètres de saucisse, de lard et de jambon fumé s’étalent en rang serrés dans les présen­toirs ruti­lants du rayon charcuterie :

Brat­wurst – saucisse à braiser -, Bock­wurst – à cuire à l’eau -, Riesen­bo­ck­wurst – saucisse géante -, Cock­tail­wiener – pour l’apéritif -, Schin­ken­kra­kauer – aux morceaux de boeuf -, Weiss­wurst de Münich – saucisse de veau, pour accom­pa­gner la chope de bière mati­nale -, Frank­furter – 100% cochon -…

Et la star berli­noise, la Curry­wurst, noyée sous une épaisse couche de ketchup et/ou du curry. Chaque année, il s’en engloutit 70 millions.

Chaque année aussi, 60 millions de porcs finissent en chair à saucisse. Ecoeurés par cette boucherie, 10% d’Allemands sont végé­ta­riens.

Au Tiergarten, sandwich à la choucroute

Fan Park Berlin, à deux pas de la Bran­den­burger Tor. A l’occasion de la coupe du monde de foot­ball, le Tier­garten est réqui­si­tionné pour accueillir les suppor­ters de la Mann­schaft. Depuis son titre de cham­pionne du monde en 2006, la folie du foot acca­pare tous les espaces publics. Les tireuses à bière déversent chaque jour des hecto­litres de blonde mous­seuse. Je le remar­querai plus tard sur mes photos : la moitié des gens dans la rue ont une bouteille à la main. Il y a même un mot pour ça : Wegbier, la bière pour la route…

Je commande une saucisse : une Rost­brat­wurst. Mon sand­wich ressemble à un hot dog XXL.

– Le serveur : Mit Sauerkraut ?

Un sand­wich à la chou­croute ? Je tente l’expérience.

Son acolyte, respon­sable chou­croute, poitrine opulente, tignasse blonde déco­lorée, entonne en se dandinant :

Ich esse gern Sauer­kraut // J’aime bien la chou­croute
Und tanze gern Polka // et danser la Polka

L’Allemagne…

Chez Tucholsky, un Frühstück qui tourne à la boucherie

A Berlin, le Frühstück (petit déjeuner) du week-end, servi jusqu’à 16h, parfois plus tard, est une des mes insti­tu­tions préfé­rées. Après un samedi soir noyé dans la bière, la pers­pec­tive de démarrer la journée tard et lente­ment par quelque chose de sain vous rachète une conscience pour le dimanche. Je fantasme déjà sur l’une de ces assiettes débor­dantes de fruits vita­minés, de légumes grillés, de petits pains déli­cieux et de char­cu­terie joufflue.

Et puis je passe devant chez Tucholsky. Cuisine alle­mande tradi­tion­nelle. Spécia­lités berli­noises. Jarret de porc… En musique, il y a la 5ème de Beethoven. En cuisine, il y a le jarret de porc à la berli­noise. Appétit d’oiseau s’abstenir. J’ai une faim de ptéro­dac­tyle et je souris déjà à l’idée d’une berliner Eisbein bien calée au fond de mon estomac.

Inté­rieur bois sombre, lumière filtrée par les grandes fenêtres aux vitraux dépolis. Portraits, coupures de presse et cari­ca­tures sur les murs… Et dans la salle. A ma gauche, un homme soli­loque. Depuis plus d’un quart d’heure, il pérore, le verbe haut, affir­matif, argu­menté. Ense­velie sous les mots, sa femme finit par déborder. “Tu parles, tu parles, c’est fou ce que tu peux parler !” Plof. Ça tombe comme une louche de purée dans l’assiette.

La mienne arrive. Le jarret fait deux fois la taille de mon estomac. Joie inté­rieure. Les pommes de terre persillées sont un peu sucrées, du cumin parfume le choux confit, un fumet de lard relève la purée de pois. Du cochon, du choux, des patates, mais en grande livrée !

Des chants d’avant-guerre, voies douces, airs gais, laissent à penser que les Alle­mands sont un peuple doux et pastoral. Et puis j’entends les cris de la foule devant un but de Möller et je suis pris d’un doute.

Commentaires

Oh ! La semaine dernière j´étais préci­sé­ment là bas, au Tier­garten, à coté de la Bran­den­burger Tor, en occa­sion des matchs de foot.
Et je suis aussi allée au joli bier­garten près de mon apar­te­ment berli­nois, au Prenz­lauer Berg. J´ai partagé la joie des allemands.
Main­te­nant, je suis en Argen­tine en atten­dant le dimanche, hi hi hi.

Ola Elisa ! On s’est raté de peu dis donc ! Alors toi aussi tu as pris ton bain de foule ? J’ima­gine l’am­biance survoltée qui régnait sur l’avenue du 17 juin… Moi je n’ai pas poussé plus loin que les stands de saucisses. Si tu étais en Alle­magne pour voir gagner les Alle­mands, alors logi­que­ment tu devrais être en Argen­tine pour voir gagner… les Argen­tins 😉 Ca va être chaud ! Bon match 😀

Ah quelle truffe ! J’avais pas vu que tu m’in­di­quais l’er­reur qui s’était glissée sour­noi­se­ment telle le choux rouge dans le kebab. C’est corrigé !

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