Berlin-est Berlin-ouest : le match

Une bataille de bons plans pour dépar­tager laquelle de Berlin-est ou Berlin-ouest est la plus sexy, 25 ans après la chute du mur.

Berlin est contre Berlin ouest. Un match amical pour les 25 ans de la chute du mur de Berlin. Première mi-temps de ce derby où, pour une fois, tout le monde joue à domicile.

Bien sûr, la fron­tière est désor­mais invi­sible. Bien sûr, les popu­la­tions coha­bitent (quoique…). Mais 25 ans après la chute du mur, Berlin porte encore les traces de son histoire. À l’est et à l’ouest du mur, on ne vit pas de la même manière.

Où fait-il bon traîner ? Quels sont de part et d’autre les meilleurs endroits ? Voici un match amical pour dépar­tager ossis et wessis en deux mi-temps de quatre quart-temps chacune. Les deux équipes rentrent sur le terrain.


Berlin-est vs Berlin-ouest : où boire un thé ?

Tadshikische Teestube

Il faut pousser les portes secrètes de Berlin pour décou­vrir ce petit salon de thé en marge des terrasses popu­leuses de l’Oranienburger strasse. Les frères commu­nistes ont légué la maison de thé tadjik au cama­rades est-alle­mands. Décor de bois sculpté, tapis moel­leux… Je m’installe à même le sol sur des cous­sins soyeux et rembourrés. Le thé des cara­vanes, léger et fumé, avec sa théière de terre cuite, me propulse sur la route de la soie. Porce­laine pour le thé de Chine Kemun, fer blanc pour le thé noir de Russie, curieu­se­ment doux et tanique. Le sucre candy et le petit gâteau beurré lui donne une jolie note sucrée. Dans cette bulle hors du temps, je passe­rais bien quelques heures.

Berliner Kaffeerösterei

Séance de Kaffee-Kuchen très comme il faut chez les mémères de Char­lot­ten­burg. Moi qui ne sais pas choisir, je me perds dans la liste des cafés : neuf sortes d’expresso, des centaines de cafés venus de contrées exotiques… Gala­pagos ? Yemen ? Où vais-je partir ? Sur la carte des thés, d’autres desti­na­tions : Formose ? Java ? Et pour­quoi pas une pleine théière de gingembre citron ? Le Chaï Tiger spice me prend dans ses griffes. Il me rappelle – sans les valoir – les bois­sons brûlantes et déli­cieu­se­ment écoeu­rantes des petites échoppes le long des routes indiennes. Reste le meilleur : le choix du gâteau. Le tira­misu a l’air diabo­lique, mais je me laisse tenter par la mousse banane-chocolat blanc. J’avoue. Tout ça n’était qu’un prétexte pour m’empiffrer ! Enormes, crémeux, fondants… Un poil lourd.


Berlin-est vs Berlin-ouest : où faire de l’urbex ?

Eisfabrik/Teepee Land

c’est un des fleu­rons de l’exploration urbaine à Berlin. Les photos appé­tis­santes de ses machi­ne­ries taggées et de ses gravats nostal­giques gravitent un peu partout sur le web. Une cheminée-girafe trahit le bâti­ment caché derrière des immeubles senti­nelles. Je suis les barbelés, en quête d’un chemin interdit. Toutes les issues sont murées, défen­dues par des grilles, surveillées par un gardien. Pour la visite, j’arrive trop tard. Mais coin­cées entre les rives de la Spree et l’immeuble en ruine, je découvre les tentes de Teepee­land. C’est un village récup’ qui ne manque ni d’idées ni d’humour. Tout le monde y est le bien­venu, des tentes sont même propo­sées en couch­sur­fing. La vie de la commu­nauté s’organise autour de projets cultu­rels : concerts, projec­tions, spec­tacles… Les séances de stand-up sont même les plus courues de la ville. Je prends rendez-vous pour la soirée d’Hallowee…d, en atten­dant de prêter main forte aux jardins participatifs.

Beelitz

L’architecture art déco de cet ancien hôpital de Beelitz-Heil­statten est un graal pour les fans d’urbex. On ne visite pas tous les jours un sana­to­rium aban­donné en plein milieu de la nature, à 50 km du centre de Berlin. Pousser les grilles, soulever les panneaux en bois. L’entrée mérite quelques contor­sions. Derrière la silhouette orgueilleuse des bâti­ments, on découvre des pièces carre­lées d’un blanc clinique. La pein­ture écaillée dessine d’étranges cartes sur les murs. Des couloirs errent de salles en salles. Frigo béant, piano fantôme, lit tordu, les objets sont les derniers gardiens du lieu. Chaque pièce est une scène inerte et surréaliste.


Berlin-est vs Berlin-ouest : où boire un cocktail ?

Buck & Breck

C’est l’un des bars à cock­tail les plus côtés de Mitte. Un mur décrépit, pas d’enseigne, une simple sonnette et un post-it grif­fonné au stylo Bic. On vous ouvre et la magie commence (je ne poste pas de photo pour préserver l’effet de surprise). Les Améri­cains ont intro­duit la folie des cock­tails à Berlin-ouest, à l’époque du mur. Les Alle­mands en ont fait une reli­gion. Un grand bar trône au centre de la pièce. Il occupe tout l’espace. Derrière, le barman est plus concentré qu’un moine Shaolin. Poudres, zestes, larmes, rivière, alcool, glaçons, cuillère, chaque geste est réalisé avec une préci­sion d’horloger. Le sort du monde semble entre ses mains. Peut-être, après tout ? En trois tour­nées, nous sauvons dans la soirée les femmes exci­sées d’Afrique, les Indiens d’Amazonie et les tribus en voie d’extinction du Kamchatka.

Le Victoria

Au Victoria, barman, c’est un métier et un uniforme. Lunettes noires à large bord, chemises blanches impec­cables, cravates dans la bouton­nière… Le chef d’escadrille, képi de l’US air force sur la tête, s’assoit à côté de moi pour prendre ma commande. Trois ques­tions plus tard, le Dark and Stormy arrive sur le bar. Rhum, épicé, à siroter. Le premier cock­tail me déba­rasse de mon moral en berne. Le deuxième me met de bonne humeur. Ranglum, une créa­tion de la maison. Rhum jamaï­cain, Falernum, citron vert. C’est fort. C’est bon. Mon voisin commande une bière. Ça me fait rire. Le serveur fait des petits mouve­ments de tête nerveux face à une jolie blonde qui met une heure à passer commande. Ça me fait rire. À ma droite, un client en veston pied-de-poule joue les connais­seurs : « il y a trop de citron, non ? ». Tout me fait rire. Les barmans s’affairent, les portes claquent, bruits sec de métal, les glaçons gloussent dans les verres. Je me sens bien cool.


Berlin-est vs Berlin-ouest : où dormir ?

Ostel, DDR design-Ostel 

Coincé entre un super­marché discount et un gros­siste en meuble, le DDR Ostel joue à fond la carte de l’ostalgie. Nostalgie vintage et exotisme suranné. En rentrant dans ma chambre, les 2 meubles chinés, le tableau mauvais goût et la tapis­serie orange ne me disent rien qui vaille. Tenta­tive d’intoxication… Le télé­phone et la radio, stars de la déco, tentent de m’amadouer. « C’est chic, le passé, c’est exotique ». Mmm… J’ai l’impression d’habiter en HLM. Portes en carton, pièces exiguës, couloirs vides. Pas même de pièce commune. Pour expé­ri­menter cette fameuse chaleur humaine que reven­diquent les ossis, il faut aller au restau­rant, ouvert par l’hôtel dans la même veine : Heimat, la patrie. Dois-je prendre l’absence d’isolation pour un signe de convi­via­lité ? J’entends la vie des autres comme si j’avais laissé la porte ouverte. Le bébé d’à côté. La télé du dessus. Les retours de soirée… Je fais mon rapport à la stasi !

25h hotel Bikini Berlin

Le 25h hotel Bikini Berlin triche un peu en réunis­sant l’esprit de Berlin est et de Berlin ouest dans un hôtel design. A tous les étages, même soucis du détail. Struc­ture en béton brut, cloi­sons en palettes de bois enva­hies par le lierre, objets vintages impro­bables… L’esprit récup de Berlin est. Canapés moel­leux, lampes design, tablettes et imac à dispo­si­tion… Le confort de Berlin ouest. Mais surtout, SURTOUT, cette paroi vitrée qui laisse rentrer la lumière jusque dans les moindres recoins de ma chambre et offre une vue fantas­tique sur tout le Tier­garten. Un hamac me sourit et m’invite à la contem­pla­tion. Le 25h hotel Bikini trans­forme mes rêves en réalité.

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Commentaires

bjr je suis allé faire mon service mili­taire pendant 2 ans au quar­tier napo­léon a Berlin une ville magni­fique ‚j’ai connu plei­ne­ment le mur en patrouillant dans le secteur fran­çais ensuite je suis revenu pour 1 mois en 1992

Bonjour Didier ! Ah je serais bien curieux de savoir quelle ambiance planait sur la ville à l’époque où tu y étais (c’était quand ?). Pour ce que j’en ai vu, lu et entendu, un vent de liberté a soufflé sur Berlin-ouest durant toute la période du mur. Mais c’est la version punko-baba­cool. Ça m’in­té­res­se­rait de savoir si en tant que mili­taire, tu as ressenti ça… Ou autre chose ?

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