A Marrakech, éviter les pièges et prendre son temps

Cinq jours à Marra­kech sans programme. Je voulais juste flâner au soleil et prendre mon temps. Et par chance, entre 2 arnaques, je suis tombé sur Mohamed…

Cinq jours pour visiter Marra­kech sans programme. Impasse sur les jardins Majo­relle, la ménara, les souks à babouches, les tombeaux saâdiens, la palme­raie millé­naire. Je n’ai rien vu. Oualou. Je voulais juste du soleil, de la lumière et prendre mon temps. C’était sans compter sur les Marocains…

Je connais bien le Maroc. Je connais mal Marra­kech. J’y suis toujours passé en coup de vent et la ville ocre, desti­na­tion touris­tique par excel­lence, n’a jamais su me garder entre ses remparts. Marra­kech arnakech.

Marrakech arnakech

C’est comme ça. A chaque voyage, j’ai besoin de 24 heures avant de revêtir mon scaphandre de voya­geur. Sûre­ment la joie d’arriver dans un envi­ron­ne­ment nouveau où tout est à décou­vrir. 24 heures pour ne pas dire oui à tout le monde, ne pas marcher dans toutes les combines. 24 heures pour me faire enfler par le chauf­feur de taxi, le vendeur de la coopé­ra­tive de commerce équi­table berbère, le portier de l’hôtel et sa visite de la mosquée ouverte juste pour moi, l’étudiant qui me guide dans le laby­rinthe de la médina, le musi­cien qui m’installe au premier rang… Evidem­ment rien n’est gratuit. Mais c’est telle­ment plus facile d’accepter le rôle du touriste ravi. Marra­kech arna­kech – et avec le sourire.

Chichon ? Chichon ?

A Marra­kech, toutes les prome­nades convergent inva­ria­ble­ment vers la Place Jemaa El Fna. Classée au patri­moine mondial de l’Unesco, la place Jemaa El Fna est depuis des siècles le poumon de la médina. Aux heures les plus chaudes, c’est un zoo mi-hommes mi-bêtes peuplé de montreurs de singes martyrs, de char­meurs de serpents apathiques et de dres­seurs de faucons déplumés. Des musi­ciens gnaouis montés sur cous­sins d’air Nike naviguent entre les para­sols. Des tabou­rets en plastic ploient sous l’ennui des tatoueuses au henné et des diseuses de bonne aven­ture. Les sons métal­liques des crotales, aigres des flûtes ghaîta et lourds des tambours tbal tentent de meubler le vide. Et, çà et là, quelques onoma­to­pées : “Chichon ? Chichon ?”

Pour l’exotisme et la photo souvenir, sortir le porte­feuille. Malgré un argu­men­taire percu­tant, je refuse poli­ment la petite bouteille de jus d’orange qu’un vendeur ambu­lant veut me vendre pour 2 dirhams.

– Je ne suis pas bon commer­çant ?
– Si si, mais je ne suis pas bon client.

Ce n’est qu’en fin d’après-midi que la place se réveille et se trans­forme en cours des miracles. Il faudra repasser.

Fer à cheval porte-bonheur

A deux pas des calèches qui stationnent en deux longues files, un maré­chal ferrant marty­rise des fers à cheval de ses coups de marteau sonores. Thor est un dieu maro­cain, j’en ai main­te­nant la certi­tude. Je dois avoir l’air stupéfait.

« C’est son métier, normal qu’il soit aussi habile ».

Barbe fleurie, petites lunettes, chapeau mou à rebord, livre sous le bras, Mohamed n’a rien d’un cocher. Surprise, c’est même un collègue : il blogue au Marra­kech Times ! Jour­na­liste ? Mili­tant ? Poète ? Un peu tout ça à la fois. Un rêveur né dans le XVIIIème arron­dis­se­ment de Paris, « juste en face de la tour Eiffel », marrakchi depuis ses 10 ans. Il en a plus de 60.

Le courant passe. C’est l’heure de manger. Je l’invite s’il m’emmène dans un restau­rant de tanjia, la spécia­lité de Marra­kech : dans une jarre de terre cuite qui donne son nom au plat, mijotés à chaleur douce, citrons confits, ail, safran, beurre rance, agneau et une cuillère à soupe d’eau, “pas plus !” Déli­cieux. En arabe maro­cain, on dit« Ldid ».

Médina nostalgie

Une botte de menthe de Tiznit, trois volées de marches et nous voilà installés pour prendre le thé à la terrasse d’un foyer pour travailleurs, juste en face du café de France. Mohamed a enclenché pour moi la machine à souve­nirs. Splen­deur des spec­tacles donnés à Jemaa el fna ; Envo­lées swing s’échappant des fenêtres des grands cafés ; Ombres des arcades recou­vrant les allées du souk ; Souf­flets à peau atti­sant les feux des forges et des ateliers… Un Marra­kech coloré et teinté de nostalgie, celle de son enfance, se met à danser dans ma tête. Nous partons à sa décou­verte. Pour visiter Marra­kech, je n’aurais pas rêvé meilleur guide…

Commentaires

C’est vrai que Marra­kech, ce n’est pas la ville la plus authen­tique du Maroc. La place Jemaa El Fna est unique, attrape touriste la journée et bouillante le soir. Cette place n’est jamais calme 😉

Pas la plus authen­tique, en effet ! C’est éton­nant de constater qu’en tant que touriste, on ne veut voir qu’un seul aspect des choses (médina = authen­tique vs nouvelle ville = perver­sion de la moder­nité). Moi même, j’étais déçu de ne pas retrouver le fleuve de moby­lettes dont j’avais gardé des images hautes en couleur, mais qui ne sont plus la réalité. En fait, on veut des images d’Epinal. Le Maroc qui se moder­nise est moins vendeur.
Mais Marra­kech reste inté­res­sante juste­ment parce qu’on y voit peut-être encore plus qu’ailleurs à quel point le Maroc fonc­tionne à deux vitesses.
Quant à la place Jemaa El Fna, elle mérite un billet à elle toute seule ! C’est vrai qu’une fois la nuit tombée, c’est un autre univers. D’ailleurs Mohamed m’avait invité à la visiter avec lui. J’y retour­nerai, il me manque pas mal de photos (parce que je ne paye pas pour prendre des gens en photo).
Merci d’être passé par là, Thomas 🙂

C’est bien la meilleure façon de voyager : prendre son temps au fil des rencontres, sans plan ni visite obligée… Payer pour prendre une photo, ça existe ça ? 😉
Merci pour cette bien jolie visite.

Ha Haida, toi aussi tu musardes le nez au vent ? 🙂
Mais oui, payer pour une photo, ça existe plutôt deux fois qu’une. Place Djema al Fna, tout se paye, et en parti­cu­lier les photos. Photo en compa­gnie du porteur d’eau, photo avec le serpent autour du cou, photo avec le singe sur l’épaule… Et je peux te dire qu’ils sont tous sur le qui-vive !
C’est un peu comme les sadus de Durbar Square à Katmandou, pour prendre un exemple que tu dois mieux connaître 😉

Oui, je musarde le nez au vent, et plutôt deux fois qu’une 😉 Parti­cu­liè­re­ment en Asie où, même à deux pas des sites très touris­tiques, on arrive à retrouver une ambiance plus authen­tique dans ces endroits qui n’in­té­ressent pas le touriste…
La dernière fois que j’ai été solli­citée pour payer pour une photo ou une vidéo (ce qui m’ar­rive très rare­ment du fait que je passe un temps fou dans chaque endroit), c’était dans la province du Bastar en Inde. Le gars n’a pas insisté long­temps parce qu’il a vu que les Indiens étaient morts de rire de m’en­tendre dire que c’était une bonne idée pour que je devienne riche : demander aux locaux de me payer à chaque fois qu’ils me prennent en photo avec ou sans mon consentement 😀

Oh mon dieuuuu merci !
Beau­coup surfent sur le slow travel juste pour la tendance et ça a légè­re­ment le don de m’énerver. Pour­quoi les blogueurs-voyage ne font-ils pas atten­tion à leur manière de voyager ?
Enfin, sans rentrer dans des débats, c’était juste un coucou pour te dire que j’ai adoré ton résumé de la Place Jemaa El-Fna… Telle­ment… réaliste. Je devais faire un mini road­trip entre les grandes « vilels » et tu vois, fina­le­ment, Marra­kech aura eu raison de moi. J’ai prit une grosse claque. Entre les touristes narcis­siques et l’ex­ploi­ta­tion humaine et animale… Un vrai calvaire pour moi. Sans te raconter ma vie, ça m’aura au moins servi à écrire un article des vérités sur le Maroc, histoire de remettre les pendules à l’heure (qui ne sont pas celles vantées par insta­gram…) et repenser ma ligne édito. Il faut que les choses changent ! (oui je suis naive. chut !)
Bref, c’était juste pour te dire un grand merci pour tes mots bien sincères !

Salut Marion et merci pour tes mots égale­ment 🙂 Effec­ti­ve­ment, tu m’as l’air un peu échauffée par ton séjour maro­cain… C’est un pays dur et qui laisse un souvenir en demi-teinte à pas mal de gens. C’est dommage parce que, comme ailleurs, les Maro­cains sont aussi géné­reux et accueillants pourvu qu’on se donne un peu la peine de sortir des rôles imposés, ache­teur d’un côté, pres­ta­taire de service de l’autre. J’y ai passé 3 mois comme étudiant, j’y suis retourné une bonne dizaine de fois depuis et cela ne s’est jamais démenti. Même si dans les endroits touris­tiques, chacun se voit cantonné dans un rôle auquel il est dur d’échapper, on peut malgré tout tenter de prendre la tangente et avoir des rela­tions un peu plus saines avec les gens. Je retourne à Marra­kech bientôt pour faire la fête avec les copains avec qui j’ai partagé mes 3 mois d’échange univer­si­taire, c’était il y a 20 ans déjà ! Je vais toucher du doigt un autre Marra­kech et il me tarde de décou­vrir cette facette-là de la ville, sûre­ment aux anti­podes de ma façon habi­tuelle de voyager.

Bonjour,
Je pars à Marra­kech dans 15 jours. Comment faire pour trouver ce guide « Mohamed ». Je suis allée sur le site indiqué mais c’est écrit en arabe …
Merci de votre sympa­thique réponse.

Bonjour Monique,
Mohamed n’est pas un guide. C’est quel­qu’un que j’ai rencontré en flânant sur la place Jemaa el-Fna, que j’ai invité à manger et voilà. L’al­chimie des rencontres ! Les Maro­cains sont des gens accueillants pourvu qu’on prenne un peu le temps. Je vous souhaite un beau séjour et de belles rencontres 🙂

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