Du feu et de l’eau dans le désert

Un trek au Maroc sans guide. 5 jours de randonnée en auto­nomie dans les paysages à couper le souffle de l’Anti-Atlas. 

Ce trek au Maroc sans guide est un enchan­te­ment. Déjà deux jours de marche nous séparent d’Amtoudi. Nous avons suivi le canyon, gravi la falaise. À chaque virage, à chaque nouveau tableau, un nouvel émer­veille­ment. Même si le soleil n’est pas là.

Le feu

Aux bivouacs, nous trou­vons parfois la trace de feux minus­cules. La sobriété des nomades vaut tous les traités d’écologie. Les notres, de feu, sont flam­boyants. Ils nous lavent de la fatigue du jour. Le soleil n’est pas là ? Nous l’invoquons chaque soir autour du foyer. Lorsque nous nous taisons, le feu parle pour nous. Il claque comme un drapeau au vent. Il sera le seul signe de notre passage. Derrière nous, rien que des traces miné­rales.

Les flammes font danser la falaise. Le palmier qui bruisse, la table taillée dans la roche, le mur de pierres sèches… Dans ce clair-obscur, tout prend une teinte hors du temps. Je demande à Bertrand de raviver le feu pour prendre une photo et m’éloigne, de l’autre côté du grand à plat rocheux où l’eau court de roche en roche.

« C’est bon comme ça ? »

Je lève la tête. Deux rameaux de palmier enflammés embrasent le campe­ment. Bertrand les agite du bout des bras comme un contrô­leur aérien pyro­mane. Depuis des milliers d’années, les hommes habitent Boula­quas, ce lieu où nous allons passer la nuit. Ce soir, c’est notre tour. Au pied de cette falaise abrupte, est-ce qu’ils jouaient avec le feu, eux aussi ?

Bivouac à Boulaquas

L’eau

Nous avons fait le plein d’eau en prévi­sion du manque. Le canyon s’évase, les mares crou­pissent en silence, les couleurs sont ternes, le ciel nuageux. Par moment, le soleil perce et allume les sommets. Le vent, lui, annonce l’averse.

Elle viendra. Au sommet du cratère, là où nous sommes les plus vulné­rables. Une averse de désert : quelques gouttes aussitôt bues par la pierre. À peine de quoi faire un impact au sol. Juste une mise en garde. Le décor est aride. Longues courbes des strates colo­rées, fond clair des oueds, pistes caillou­teuses esca­la­dant les pentes vers d’improbables lieux peuplés. Le plateau est atteint. Il nous bluffe par sa beauté nue.

Les traces d’un chevreau dans le sable humide sont les seules présences de vie. Nous fini­rons quand même par croiser un homme, sobre comme un arbre sec. Premier bivouac sans eau à proxi­mité. Les vache qui rie-oignon rouge croqué comme une pomme-thon à l’huile sont notre festin. Le tajine d’Abdou, notre graal.

Des roches à perte de vue

Les hommes

Abdou est une des bonnes raisons de venir à l’auberge « On dirait le sud ». Son mélange d’épices est un secret qu’il vend par petits sacs de 50 Dirhams. Tout ce qu’il peut dire, c’est qu’il agré­mente ses légumes de zestes d’orange.

À la table d’à côté, « Monsieur Pierre » partage le même tajine. Pierre Beau­brun, fran­çais du Maroc et méha­riste depuis toujours. « 1124 km sans toucher le goudron » lance-t-il d’un ton voilé. Mais l’œil pétille. Modes­te­ment, il partage avec nous les « trucs rigolos » qui occupent sa retraite d’ancien océa­no­graphe.

Éffarés, nous décou­vrons sur l’écran de son ordi­na­teur ce que nous avons râté durant notre marche : fenecs, aigles royaux, gazelles, vipères à cornes, najas… Lui connaît tout : le prénom des escar­gots, le nombre de familles de grenouilles qui survivent dans l’oued, l’effet funeste du jus de cervelle de hyène sur le méta­bo­lisme humain, tout.

Le soleil d’Amtoudi !

Des formules litur­giques se balancent sur le disque laser accroché au rétro­vi­seur. Installés sur la banquette arrière de la R18, nous faisons corps avec la route qui nous ramène à la civi­li­sa­tion, celle du goudron. Les suspen­sions molles font merveille sur la piste.

A l’extérieur, les pics des montagnes se découpent sur un ciel bleu narquois. Les deux vieux à l’avant s’échangent quelques nouvelles à bâton rompu avant d’engager une conver­sa­tion convenue avec les touristes de passage.

- Vous connaissez Amtoudi ? Combien de jours ?
- 4 jours dans le canyon. On a marché jusqu’au plateau. Jusqu’à Boulaquouas.

Comme un seul homme, ils se retournent et nous regardent de haut en bas. La capuche leur en tombe.

« Boula­quas ?!?… Oooooooh, bien, bien ! »

D’un mot, nous sommes devenus un peu des leurs. L’œil plissé, ils rayonnent. C’était peut-être ça, fina­le­ment, le soleil d’Amtoudi.

Coup de pompe

Commentaires

C est super ! et je garde un souvenir inou­bliable de la région d Amtoudi.
Merci pour ce voyage qui ravive mes souve­nirs de 2000.

Bonjour, j’ai­merai faire le même treck que vous celui de Amtoudi jusqu au plateau. Mais je n’ar­rive pas à situer ce plateau. Le nom que vous lui donner, je ne le retrouve pas sur les carte. Pouvez vous le dire où cela ce trouve exac­te­ment ? Merci beaucoup
Anthony

Bonsoir Anthony ! Boula­quas, c’est le nom du lieu où nous avons dormi mais peu importe le nom du plateau… Pour y aller, c’est toujours tout droit en suivant le fond du canyon, qui se trouve lui-même en direc­tion de la palme­raie. Depuis Amtoudi, c’est inra­table, puisque Amtoudi se situe au débouché du canyon. Il suffit d’im­primer quelques cartes depuis Google maps et c’est bon. Juste… Faites gaffe à la météo. Bonne rando !

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