Dans l’Aube, les légendes circulent autour de la forêt d’Orient. Mares ensorcelées, portes temporelles, trésors enfouis… Des templiers aux extra-terrestre, le passé se mélange avec le présent dans un joyeux folklore.
Bides à l’air, tongs, marcels. Depuis quelques jours, je retrouve une atmosphère que je connais bien : celle de la Champagne. Les racines familiales ont trempé ici. Ça parle fort, en traînant sur les â, en insistant sur les în. J’ai l’impression que quelqu’un a réglé le volume sur dix.
Sous un soleil gris, l’ancienne voie romaine s’étire rectiligne sur des kilomètres. Un silo dépasse de la ligne d’horizon et marque le prochain arrêt. Je ne sais pas vers quoi j’avance et le cœur n’y est pas. C’est ma première journée de cafard. Un chevreuil traverse le ruban de goudron et disparaît comme il est apparu. Un mirage.
Chaleur humaine
Au bar du château, une belle collection de piliers de comptoir me regarde arriver, bouche ouverte, œil cireux, T‑shirt « speedway kings motards » et pantacourt. Tout le monde fume. Nounours, Titi et les autres me font une place au comptoir. Pas de belles manières ici mais une chaleur humaine qui fait du bien.
De l’autre côté de la route, le château ferait une belle aire de camping si l’accès n’était pas condamné par des barrières solides et surveillé par un gardien.
– Ils faisaient des barbecues à l’intérieur !
– « Ils » ?
– Les cas soc’…
Loulou m’invite à m’installer sur l’un des terrains de foot dont il assure l’entretien. J’aurai même accès aux douches, parce que pour lui, « c’est bien normal » !
Chasseur de fantômes
Sur le banc de touche, Raphaël est venu tromper l’ennui sous les étoiles, boire un coup et vérifier que des fantômes ne traînaient pas par là. Le monde de l’au-delà le fascine depuis la mort de son père, il y a quelques années. La nuit, il guette la dame blanche à la fenêtre du château, parle de ce semi-remorque disparu dans un trou qu’on n’a jamais retrouvé. L’usine est à Vendeuvre, on y rentre par derrière, il connaît le chemin.
De l’urbex teintée de spiritisme ? RDV est pris pour le lendemain ! Trouver la faille dans la double barrière de grillage, faire jouer quelques poignées de portes… Les grands hangars vides de l’usine Simpa se livrent sans résistance.
Tableaux de bord et machines à l’arrêt, fatras de tuyaux et poussière de bois, communication au personnel et plans d’optimisation de la production… le lieu est chargé d’une histoire bien plus contemporaine que celle que j’étais venu chercher… Les cendres sont encore tièdes.
Le trésor des templiers
Celles des templiers sont éteintes depuis bien longtemps. Et pourtant, les légendes courent toujours autour de la forêt d’orient, la plus grande que l’ordre ait jamais acquis.
De l’histoire et du mythe, Valérie Alanièce et François Gilet s’attèlent à démêler les fils. Le parcours qu’ils ont mis en place retrace l’organisation de la loge Bazin, une commanderie prospère dont les chevaliers du Temple tiraient grand profit.
Depuis des siècles, la richesse des templiers et le trésor de l’ordre sont des sujets qui passionnent les amateurs d’ésotérisme. D’innombrables trous disséminés sur le site confirment l’existence des chercheurs de trésor.
Mais il y a d’autres histoires. Des histoires qui, à coup sûr, plairaient à Raphaël…
Parcours templier en forêt du temple
La forêt d’Orient englobe une immense forêt de 1200 ha achetée par les templiers en 1255 : la forêt du Temple.
Valérie Alanièce et François Gilet ont mis en place un parcours de 5 km au cœur de cette forêt jalonné de 11 pupitres illustrés et explicatifs.
Il permet, dans un agréable cheminement accessible à tous, à pied ou en VTT, de comprendre pourquoi et comment les templiers se sont organisés pour gérer cette forêt, la plus grande qu’ils aient acquise en Occident.
Ils sont aussi les auteurs du livre “Les templiers dans la forêt d’Orient” que vous pourrez trouver à la maison du Parc naturel de la forêt d’Orient. Bonne lecture !
Contact : Valérie Alanièce / François Gilet
Tél : 03 25 40 68 45
Mel : valerie.alaniece@wanadoo.fr
Les portes du temps
Pour fuir les agents du roi de France Philippe le Bel, les templiers se sont enfuits par une porte dissimulée dans la forêt d’orient, près de la fontaine aux oiseaux. Une porte ouvrant sur la quatrième dimension. Une porte temporelle !
Dans l’espace, ils ont survécu grâce à l’aide des extraterrestres et des fées locales dont le royaume se trouve – ça tombe bien – juste en dessous de Nigloland, le parc d’attraction situé à une dizaine de kilomètres.
Cette thèse, c’est celle que Jimmy Guieu, écrivain de science-fiction et ufologue notoire, défend dans deux romans, L’empire des ténèbres et Les sentiers invisibles. Convaincu de sa pertinence, son disciple Claude Burkel calcule et publie sur le blog area51 les jours et les heures d’ouverture de la fameuse porte.
Le 28 décembre 2012 à 12 h50, Valérie et François attendent sous la pluie l’ouverture annoncée. En vain. Les calculs savants réalisés par l’éminent disciple n’ont pas tenu compte de l’heure d’hiver et de l’heure d’été – Ça tombe mal !
Epilogue
Dans la voiture qui m’éloigne de Vendeuvre-sur-Barse, mon chauffeur s’étonne de tout le temps que j’ai pu consacrer à sa petite ville. Je lui confie les légendes récoltées, les portes du temps, l’histoire du trou sans fond et du camion disparu. Son sang ne fait qu’un tour.
« Votre semi-remorque, là, j’ai bien l’impression que c’est la version moderne d’une légende que connaissent tous les anciens de Vendeuvre. On dit qu’un jour mauvais, une charrette a versé dans une mare. Étrangement, ni le cheval, ni la charrette n’ont jamais été retrouvés. Engloutis sans laisser de trace ! Il y a quelques années, des fouilles ont mis à jour le squelette d’un cheval conservé dans la vase qui tapissait le fond de la marre. La légende disait vrai. »
Et du côté des extra-terrestres ? Pas de confirmation pour le moment. Quoiqu’en repensant à cette usine, à ses panneaux de contrôle, à ces étranges tuyaux, à tous ces hangars vides, on imaginerait bien un aéroport intergalactique, non ?
Commentaires
Je me régale de tes récits c’est bien écrit, vivant et plein d’humour. De l’or en barres !
Rhooo ! Je n’avais pas vu ton commentaire mais je rougis jusqu’aux oreilles de plaisir.
Merci Wowwwwy ! Bonne suite ! Je suis tes pérégrinations (qui me rendent pas mal jaloux)…
Merci de partager tes balades et rencontres, je suis un visiteur très occasionnel mais j’apprécie toujours tes articles.
J’ai fait une rando solo du 1er au 3 novembre dans la forêt d’Orient, une boucle autour du lac avec 2 bivouacs à la belle étoile. Je trouve intéressant que ton expérience soit si différente de la mienne. J’avais étudié les cartes IGN, la topographie et les distances, j’ai erré avec un immense bonheur dans la forêt (avec gilet et brassards fluo pour ne pas me faire trouer la peau), je me suis régalé avec la diversité d’oiseaux et l’arrivée incessante de groupe de migrateurs bruyants, et j’en passe, mais les templiers, les extraterrestres, et autre usine à l’abandon ça m’était très largement passé au-dessus de la tête. Comme quoi, si je conclus bien, rien ne vaut l’échange humain pour une immersion en profondeur.
Merci Guigui 🙂
Je suis ravi de ton message et de ta conclusion. Absolument d’accord avec toi ! Les rencontres changent radicalement l’approche qu’on peut avoir d’un lieu et les habitants de Vendeuvre étaient les premiers surpris que j’ai pu passer autant de temps chez eux. Mais les voyages en immersion totale en pleine nature, c’est très chouette aussi et c’est ce que j’avais prévu initialement de faire si je n’avais pas pu rencontrer Valérie et François. J’aurais probablement vu d’autres choses. Merci pour ton petit mot !
Mat