Randonnée dans le Morvan – La grande traversée

Du lac des Settons aux vallées du Haut-Morvan, deuxième partie de la grande traversée du Morvan. C’est le week-end d’ouverture de la chasse. Les langues se délient et les animaux touchent du bois…

De bocages en sapi­nières, la grande traversée du Morvan m’a conduit jusqu’au coeur touris­tique du parc : le lac des Settons. Les vallées du Haut-Morvan ne sont plus qu’à un tir de cara­bine. C’est le week-end d’ouverture de la chasse. Les langues se délient et les animaux touchent du bois…

Jour 8 – Lac des Settons

Canon de blanc-charcut’. Mon petit déjeuner a des airs d’apéritif domi­nical. À la terrasse de l’épicerie, deux locaux s’échangent quelques anec­dotes salées pour célé­brer à leur manière l’ouverture de la chasse. À les entendre, ça tire sur tout ce qui bouge sans grand discernement.

« Quand ils sont dans le coin, c’est gilet orange de rigueur… Et mieux vaut ne pas s’arrêter de chanter ! »

Je regarde avec bien­veillance mon sac jaune canari. Il sera mon laisser-passer.

Sangliers, chevaux, vélos, quads, marcheurs… Avec la pluie des derniers jours, on retrouve toutes les traces sur les chemins boueux. Des flaques profondes barrent la route. Il faut impro­viser d’autres itinéraires.

Au gîte rural de La Chaise, je répands mes affaires un peu partout dans le dortoir. Le gérant arrive dans la chambre :

« Ah, vous êtes venu en voiture ? »

Il faut vrai­ment que j’allège mon sac…

La grande île sur le lac des Settons
Pause sur le GR13, au bord du lac des Settons

Jour 9 – Anost

Grand beau et toujours pas une déto­na­tion. Les chas­seurs doivent être au bistrot cham­pi­gnons pour picoler préparer le terrain…

Rangées de sapins solen­nels lancés vers le ciel, à l’unisson. Dans la vallée, le chant des tron­çon­neuses. Les grumes s’entassent le long des sentiers. Des odeurs capi­teuses d’écorces et de réglisse saturent l’air. Les abeilles dansent de joie.

Je surprends un renard en arri­vant à Anost !

Dans les pota­gers, les tomates sont encore vertes. Le climat n’est visi­ble­ment pas au soleil tous les jours… « La nuit dernière, il a fait 3°C » m’annonce Caro­line, la gérante du camping, avec son accent néer­lan­dais à couper au couteau. Pour la peine, j’ai le droit de dormir dans la salle collective.

Au resto « La Galvache », deux anciens chauf­feurs de la Répu­blique se lamentent sur une France qui fout le camp.

« Avant, c’était autre chose. Le Président de l’assemblée, on l’appelait papi. C’était un bon… Il fumait des clopes, il buvait des canons. Mais ça, c’était avant que les jeunes aux dents longues arrivent ».

La petite prune est moins brutale que dans les tontons flin­gueurs.

Sur le GR13, à travers le parc naturel régional du Morvan
Paysages typiques du parc naturel régional du Morvan, du côté d'Anost

Jour 10 – Anost

Aboie­ments des chiens dans la forêt. Ça y est, les chas­seurs sont réveillés. Peu de coups de fusils.

Au dernier village, un couple de vieux fermiers m’arrête :

– Vous avancez d’un pas décidé. Vous allez jusqu’à La Croi­sette, au moins ?! Vous n’avez pas peur de la nuit ?

Pour­quoi aurais-je peur de la nuit ?…

Un cri long et rauque m’accueille à l’orée de la forêt. Entre chien et loup, le chemin mène à une cabane de chas­seurs défendue comme un bunker. Pattes de sangliers clouées au dessus de la porte d’entrée. Pas fan de la déco, mais je pourrai faire du feu avec le bois stocké sous le auvent.

Une bonne demi-heure d’époumonage, la moitié de mon liquide réchaud sur le bois mouillé et la flamme fait enfin danser la clai­rière. S’il y a bien une joie à camper, c’est celle-là. Crépi­te­ments récon­for­tants, chuchot­te­ment de la flamme…

Un cri stri­dent coupe court à toutes réjouis­sances. Les sangliers rôdent, j’entends leurs pas, ils sont là, à moins de 50 mètres. Je crie à mon tour, siffle et surtout, je remets du bois au feu pour attiser la flamme avant d’aller me coucher.

Ma plus grosse peur, à vrai dire, c’est d’avoir froid !

Impression d'altitude depuis les sommets du haut-Morvan
Ciel d'orage sur la Grande Traversée du Morvan

Jour 11 – Glux-en-Glenne

Je fais part de mes rencontres nocturnes au premier village, mi-fier-mi penaud. Mon inter­lo­cu­teur, lui-même chas­seur, me rassure : en général, les sangliers ne chargent pas… Ou alors par pure intimidation.

En cas de rencontre inop­por­tune, la marche à suivre est simple : faire des gestes lents, marcher douce­ment à recu­lons. Et de préciser :

« Et surtout ne pas écarter les jambes, hein ? Si les défenses de l’animal te tranchent l’artère fémo­rale, il te saigne comme un… Cochon. »

Je repars avec dans la tête des images de combats héroïques et de face-à-face final.

« Ah oui, et au fait, bien garder son sang froid SURTOUT… »

Merci du conseil… :-/

Jour 12 – Glux-en-Glenne

De vallées (ça monte) en vallées (ça redes­cend), j’arrive à Glux-en-Glenn. « Ecoute le silence, regarde les étoiles » indique un panneau qui pointe un gîte tout proche.

À Ville­chaise, je croise enfin le premier Mour­van­diaux de toute la traversée. Mégot collé au bec, voix d’outre-tombe, moulé dans ses bottes, il semble tout droit sorti d’un film de Depardon. Je le regarde comme une pièce de musée ; il me regarde comme un jouet sorti d’une boîte. On échange quelques paroles. Il ne roule pas les r, il les roucoule.

Chan­ge­ment d’ambiance au bar de Glux-en-Glenn, où l’on bat le record du monde d’archéologue au centi­mètre carré. Il y a de la mous­tache, du chapeau et du gilet de laine, Harrison Ford et Sean Connery fondus dans plusieurs variantes d’un seul et même person­nage. Ça parle méthodo, publication…

Le centre de recherche tient son débrief annuel. Tout ce que l’Europe compte de spécia­listes de l’âge de fer se retrouve ici pour fouiller le sol de la forte­resse gauloise – on dit opidum – de Bibracte, distante de quelques kilomètres.

Juché sur le sommet du Mont Beuvray, le site est réputé pour les points de vues qu’il offre sur les confins du Morvan. J’ai encore le souvenir du lever de soleil de Vézelay en tête et j’espère revivre un moment de grâce.

L’expérience va s’avérer autre­ment physique. Elle prendra la forme d’un voyage inté­rieur.

Chaussures de randonnée en immersion sur la grande traversée du Morvan

Le livre d’un voyage exotique en France

Peut-on faire un voyage exotique dans son propre pays ? Pour y répondre, j’ai traversé la France à pied à travers la diago­nale du vide.

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