L’Arménie n’est pas un paradis. Erevan n’est pas une belle ville. Et pourtant, je suis tombé sous le charme. Dans le sourire des Arméniens, toute la beauté du pays.
Mettez-vous dans l’ambiance
Fin de soirée à Erevan. Chacun savoure la fraîcheur de la nuit. Des musiciens traditionnels improvisent pour les rares clients de l’échoppe de kebab. Un vieil homme saoûl lève les bras au ciel en esquissant quelques pas de danse dans l’indifférence générale. Intrigué par mon micro, le tambour s’enquiert de ma nationalité pour savoir s’il m’offre, oui ou non, une gorgée de whisky.
Erevan est en fête
J’ai posé mes sacoches en Arménie. Trois semaines dissolues. Petits verres de cognacs arméniens, tasses de café noir, cendriers noyés sous les mégots de cigarettes… Erevan est en fête.
C’est le dixième anniversaire de l’indépendance de l’Arménie et les mille sept cents ans du christianisme comme religion d’Etat. Le pays endure une crise économique sévère mais il a réalisé le rêve nourri par des générations d’Arméniens : vivre libre. Et il ne se prive pas de le fêter. Les terrasses ne désemplissent pas. Erevan boit du cognac arménien en écoutant du jazz. Pas un jour sans concert, spectacle de danse, de théâtre ou de pantomime.
L’Arménie mythique
Erevan n’est pas une belle ville et l’Arménie n’est pas un pays rêvé. L’ancien testament raconte que sur ces terres dominées par le Mont Ararat, l’arche de Noé aurait trouvé refuge. Un pays faute de mieux, rude, montagneux : 2200 mètres d’altitude moyenne.
Grecs, Romains, Mongols, Seldjoukides, Perses, Ottomans, Russes… Son histoire a connu les grands empires d’orient et d’occident, vécu toutes les invasions, survécu à tous les envahisseurs. De 1875 à 1918, il a même été rayé des cartes du monde. Et pourtant, la culture et le peuple arméniens n’ont jamais cessé d’exister. Contre l’assimilation culturelle et l’influence du monde musulman, l’église chrétienne fut et reste aujourd’hui encore un rempart indéfectible. Il faut entendre les chants orthodoxes pour comprendre toute la ferveur du peuple arménien.
Douceur de vivre à Erevan
Erevan a le charme des villes désargentées. Le long de la rue Aram, le marché aux puces donne le ton. Tout s’y organise avec des bouts de ficelle.
Livres, instruments en tous genres, composants électriques et électroniques récupérés sur du matériel dont la carcasse est aussi à vendre, poupées russes aux couleurs flashies, calendriers de 1986, boulons, écrous, fers à souder, brosses à chiottes, bouts de caoutchoucs, couverts en plastique… Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se… vend !
Un peu plus loin, dans l’herbe, les vieux jouent aux échecs, s’exercent au duduk ou à l’accordéon. Sur la place d’Arménie, on vient s’asseoir près de la fontaine pour savourer la fraîcheur de l’eau et la chaleur des rayons de soleil. Les vieux picorent des graines de tournesol, les gamins courent après les pigeons. Un violon résonne, quelque part. Malgré les fissures dans les murs, les trottoirs chaotiques et l’absence d’un signe quelconque de prospérité, une douceur de vivre règne sur toute la ville.
Rêver d’ailleurs
De retour à la maison, je trouve Armen allongé comme à son habitude sur le canapé devant la télé, le téléphone à portée de main. Toujours être prêt. Tous les business sont bons à prendre. Géologue de formation, Armen est aussi croupier et businessman… S’il le pouvait, il ne serait que peintre. Son rêve : venir vivre la vie de bohême à Paris. Mais voyager n’est pas donné à tout le monde.
Voyager. Dans les yeux de tous les amis qui font un crochet par la maison pour rencontrer ce petit français au projet si romanesque, je lis la même envie teintée de nostalgie. Shakey qui à son mariage avait projeté d’économiser pour acheter une caravane et faire le tour du monde ; Anneth qui garde de la France l’odeur des châtaignes en hiver et des vins délicieux ; Anaïde qui m’invite à venir témoigner sur Armenian TV de ma « formidable entreprise », le regard pétillant d’admiration et de curiosité.
L’Arménie est un pays trop petit pour leurs rêves. Eux aussi, ils aimeraient partir. Et moi, pour une fois, je resterais bien encore un peu. Je me ressers un petit verre de cognac pour dissiper la nostalgie qui m’envahit et partager la chaleur réconfortante de mes amis arméniens. S’il y a une chose que les voyages enseignent, c’est bien de savoir profiter du moment présent. Il n’est pas encore l’heure des larmes.
Commentaires
C’est beau, magnifiques photos et cette musique…!
Merci Mathilde ! Ah la musique arménienne, c’est quelque chose… Tiens, toi qui chantes, j’avais enregistré une chorale à l’opéra d’Erevan. Les 7 péchés capitaux du moine Komitas, le Bartok arménien. Je suis resté scotché sur ma chaise ! https://soundcloud.com/letieou/armenie-komitas-les-7-peches-capitaux
Bises. Mat
Voilà, avant de commencer à lire votre blog, je voulais vous féliciter pour vos trois lignes de titre, que je partage entièrement ! J’ai éprouvé cette même envie de coucher quelques notes au retour
http://armeniegeorgie16.blogspot.be/
Allez une fois, comme on dit à Bruxelles, je vais vous lire maintenant 🙂
Merci Pierre 🙂
À vous lire, vous en avez vu plus que moi côté monuments, mais côté rencontre, nous partageons le même enthousiasme 🙂
C’est un des coups de coeur de mon tour du monde. J’y retournerais les yeux fermés pour retrouver les gens que j’ai pu croiser là-bas et que je n’ai pas oubliés !
Les Arméniens sont des gens très amicaux. J’ai passé deux semaines dans ce pays et j’ai vraiment aimé mon séjour. Malheureusement, je n’ai pas eu l’occasion de visiter la ville d’Erevan.