Au Maroc, c’est un rituel. Un verre de thé à la menthe vous attend au hasard d’une conversation. Mais dans la médina de Chefchaouen, la perle bleue du Rif, un autre rituel est de mise. Un plaisir qui n’est pas du goût de tous.
Mettez-vous dans l’ambiance
Allongé à la terrasse de l’hôtel, je savoure le rythme tranquille des gens du rif, fumant le kif à la façon des vieux d’ici. Cinq fois par jour, du haut des minarets, les muezzins distillent les mélopées envoûtantes de la parole divine qui rebondissent en écho sur les façades de la médina de Chefchaouen. Mille ruelles escaladent le creux dans la montagne où la ville est nichée. Ambiance magique dans un décor aux murs blancs, aux portes bleues, où chaque arche et chaque renfoncement sont une invitation à aller plus loin se perdre dans le dédale. Au hasard d’une conversation, un verre de thé à la menthe vous y attend.
Une terre rebelle
Sous le soleil du rif, les couleurs éclatent. Sur la route de crête Ketama-Chefchaouen, les tâches rouges des coquelicots rappellent le sang versé lors de la guerre du Rif, dans les années 20. Depuis toujours, les Berbères sont des insoumis. En contrebas apparaissent et disparaissent des champs de blé ondoyant sous les bourrasques, un troupeau de mouton, quelques hameaux, une forêt de cèdres, au gré des nappes compactes de brouillard et de nuages de basse altitude… Terrain propice à la guerilla. Menée par Abdelkrim, symbole de la lutte pour l’indépendance, une poignée d’hommes a ici tenu tête aux troupes de l’armée française. Son génie tactique inspira des générations de révolutionnaires, de Tito à Mao Tse Tung, de Che Guevarra à Hô chi minh.
La République du Rif
À partir de 1919, les tribus du Rif central s’allient pour lutter contre le colonisateur, français et espagnol. Menées par Abdelkrim, elles remportent d’importantes victoires militaires dont la bataille d’Anoual marque un tournant décisif. La république du Rif est proclamée en 1921. Elle durera jusqu’en 1926, lorsque les troupes rifaines sont battues et Abdelkrim contraint à la reddition. La république est dissoute le lendemain.
En savoir plus sur la guerre du Rif
Du kif pour les braves
Mais les temps ont changé. Les rebels ont troqué leur costume de guérillero contre celui de paysans. On cultive du blé, un peu, mais surtout… du canabis. Pour les rifains, le kif est un art de vivre. C’est également, avec le tourisme, la principale source de revenu de la région. Les envahisseurs, jadis armés de fusils, ne portent guère plus que des appareils photo en bandoulière. Les sentiers d’embuscade sont aujourd’hui des sentiers de randonnées. On vient pour la beauté des paysages et peut-être un petit joint de haschich pour le plaisir de goûter la production locale.
Guerilla économique
Il faut s’enfoncer dans la montagne pour apercevoir les champs de chanvre. Nombreux sont les habitants qui proposent une visite guidée dans l’idée d’écouler un peu de leur récolte. De véritables supermarchés ! Spoutnik, pollen, double zéro, huile, kif, opium, vendus au gramme, au kilo, à la tonne… Ma keïn mouchkil ! Pas de problème ! Selon les Nations Unies, le Maroc est le premier producteur mondial de canabis et l’Europe, son premier client. A grand renfort de subventions, elle tente d’endiguer le trafic. La guerre est désormais économique. Un terrain sur lequel les rifains, éternels dissidents, sont moins aguerris.
La suite du voyage au Maroc : Chefchaouen, paradis bleu de la photo
Commentaires
Salut, c’est quoi le nom du petit village en photo.
Super article merci.
Merci Theau 🙂 Toutes les photos ont été prises à Chefchaouen, le village dont je parle dans l’article. Un très bel endroit, qu’il vaut mieux fréquenter en dehors de l’été pour profiter du calme de l’endroit. Bon voyage !
[…] je découvrirai avec plaisir le témoignage photographique de Mat (ne manquez pas non plus son billet sur le kif, et passez le sebsi, merci […]
Salut Mat,
c’est par hasard en faisant quelques recherches sur mon futur itinéraire que je tombe sur ton blog. Même si cela fait quelques années, je viens un peu à la pêche aux conseils si tu as 5 mn à m’accorder 🙂
1 semaine dans le nord Marocain début avril. Arrivée prévue à Fès le lundi je n’ai encore rien défini, je cherche, je lis, je regarde .… Même si rien ne sera réservé à l’avance.
Bien entendu il y a Chefchaouen que je ne veux pas manquer, et les recoins des souks de Fès :).
Aurais-tu de jolies villes, de jolies routes, de jolis endroits paisibles à me conseiller ? fan de simplicité, authenticité, de paysage, de verdure, d’artisanat, et de randonnées 🙂
Au plaisir de te lire,
Aurélie
Salut Aurélie !
Chefchaouen avait été l’étape finale d’un roadtrip dans le rif et « l’oriental », comme disent les Marocains.
Tu trouveras plus de détail sur ce billet : itinéraire au Maroc oriental, de Taza à Al Hoceima.
Dans le rif, plus spécifiquement, j’ai un très bon souvenir de la route Ketama-Chefchaouen. Quelques très beaux paysages (la première photo a été prise là). Ensuite, si tu es nature, je te recommande de partir de Chefchaouen à pied et de suivre l’un des sentiers qui sillonnent la montagne. C’est très authentique, le rif étant un peu le parent pauvre du Maroc… Méfie toi cela dit de la période. Chefchaouen est devenue un lieu de villégiature prisé des Espagnols et, paraît-il, le calme de la petite ville en a un peu pâti. D’où le trek dans la montagne qui ne pourra que satisfaire tes envies de nature, de paysage et de simplicité 🙂
Bon voyage en tout cas ! Le Maroc, on n’est jamais déçu…
Super, merci pour ton retour ! 🙂
Je confirme jamais déçu, il y a toujours de quoi trouver son bonheur !
A bientôt,
Aurélie