Le rif, c’est le kif !

Dans la province du Rif, autour de Chef­chaouen, le kif est une tradi­tion. Un plaisir qui n’est pas du goût de tous et qu’on trouve plus haut dans la montagne.

Au Maroc, c’est un rituel. Un verre de thé à la menthe vous attend au hasard d’une conver­sa­tion. Mais dans la médina de Chef­chaouen, la perle bleue du Rif, un autre rituel est de mise. Un plaisir qui n’est pas du goût de tous.

Allongé à la terrasse de l’hôtel, je savoure le rythme tran­quille des gens du rif, fumant le kif à la façon des vieux d’ici. Cinq fois par jour, du haut des mina­rets, les muez­zins distil­lent les mélo­pées envoû­tantes de la parole divine qui rebon­dissent en écho sur les façades de la médina de Chef­chaouen. Mille ruelles esca­ladent le creux dans la montagne où la ville est nichée. Ambiance magique dans un décor aux murs blancs, aux portes bleues, où chaque arche et chaque renfon­ce­ment sont une invi­ta­tion à aller plus loin se perdre dans le dédale. Au hasard d’une conver­sa­tion, un verre de thé à la menthe vous y attend.

Une terre rebelle

Sous le soleil du rif, les couleurs éclatent. Sur la route de crête Ketama-Chef­chaouen, les tâches rouges des coque­li­cots rappellent le sang versé lors de la guerre du Rif, dans les années 20. Depuis toujours, les Berbères sont des insoumis. En contrebas appa­raissent et dispa­raissent des champs de blé ondoyant sous les bour­rasques, un trou­peau de mouton, quelques hameaux, une forêt de cèdres, au gré des nappes compactes de brouillard et de nuages de basse alti­tude… Terrain propice à la guerilla. Menée par Abdel­krim, symbole de la lutte pour l’indépendance, une poignée d’hommes a ici tenu tête aux troupes de l’armée fran­çaise. Son génie tactique inspira des géné­ra­tions de révo­lu­tion­naires, de Tito à Mao Tse Tung, de Che Guevarra à Hô chi minh.

champs de blé

Du kif pour les braves

Mais les temps ont changé. Les rebels ont troqué leur costume de guérillero contre celui de paysans. On cultive du blé, un peu, mais surtout… du canabis. Pour les rifains, le kif est un art de vivre. C’est égale­ment, avec le tourisme, la prin­ci­pale source de revenu de la région. Les enva­his­seurs, jadis armés de fusils, ne portent guère plus que des appa­reils photo en bandou­lière. Les sentiers d’embuscade sont aujourd’hui des sentiers de randon­nées. On vient pour la beauté des paysages et peut-être un petit joint de haschich pour le plaisir de goûter la produc­tion locale.

Guerilla économique

Il faut s’enfoncer dans la montagne pour aper­ce­voir les champs de chanvre. Nombreux sont les habi­tants qui proposent une visite guidée dans l’idée d’écouler un peu de leur récolte. De véri­tables super­mar­chés ! Spoutnik, pollen, double zéro, huile, kif, opium, vendus au gramme, au kilo, à la tonne… Ma keïn mouchkil ! Pas de problème ! Selon les Nations Unies, le Maroc est le premier produc­teur mondial de canabis et l’Europe, son premier client. A grand renfort de subven­tions, elle tente d’endiguer le trafic. La guerre est désor­mais écono­mique. Un terrain sur lequel les rifains, éter­nels dissi­dents, sont moins aguerris.

La suite du voyage au Maroc : Chef­chaouen, paradis bleu de la photo

colline

Sur la même thématique

Commentaires

Merci Theau 🙂 Toutes les photos ont été prises à Chef­chaouen, le village dont je parle dans l’ar­ticle. Un très bel endroit, qu’il vaut mieux fréquenter en dehors de l’été pour profiter du calme de l’en­droit. Bon voyage !

Salut Mat,
c’est par hasard en faisant quelques recherches sur mon futur itiné­raire que je tombe sur ton blog. Même si cela fait quelques années, je viens un peu à la pêche aux conseils si tu as 5 mn à m’accorder 🙂
1 semaine dans le nord Maro­cain début avril. Arrivée prévue à Fès le lundi je n’ai encore rien défini, je cherche, je lis, je regarde .… Même si rien ne sera réservé à l’avance.
Bien entendu il y a Chef­chaouen que je ne veux pas manquer, et les recoins des souks de Fès :).
Aurais-tu de jolies villes, de jolies routes, de jolis endroits paisibles à me conseiller ? fan de simpli­cité, authen­ti­cité, de paysage, de verdure, d’ar­ti­sanat, et de randonnées 🙂
Au plaisir de te lire,
Aurélie

Salut Aurélie !
Chef­chaouen avait été l’étape finale d’un road­trip dans le rif et « l’oriental », comme disent les Marocains.
Tu trou­veras plus de détail sur ce billet : itiné­raire au Maroc oriental, de Taza à Al Hoceima.
Dans le rif, plus spéci­fi­que­ment, j’ai un très bon souvenir de la route Ketama-Chef­chaouen. Quelques très beaux paysages (la première photo a été prise là). Ensuite, si tu es nature, je te recom­mande de partir de Chef­chaouen à pied et de suivre l’un des sentiers qui sillonnent la montagne. C’est très authen­tique, le rif étant un peu le parent pauvre du Maroc… Méfie toi cela dit de la période. Chef­chaouen est devenue un lieu de villé­gia­ture prisé des Espa­gnols et, paraît-il, le calme de la petite ville en a un peu pâti. D’où le trek dans la montagne qui ne pourra que satis­faire tes envies de nature, de paysage et de simplicité 🙂
Bon voyage en tout cas ! Le Maroc, on n’est jamais déçu…

Super, merci pour ton retour ! 🙂
Je confirme jamais déçu, il y a toujours de quoi trouver son bonheur !
A bientôt,
Aurélie

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Partages
Partagez
Enregistrer
Tweetez