Chaque année, à Avignon, le théâtre descend dans la rue et la rue devient théâtre. On ne sait plus bien où finit le réel et où commence la comédie. Une atmosphère un peu folle qui ravit les festivaliers, du babacool lozérien au cultureux parisien.
Où croiser dans la même journée le pape, des Coréens qui tapent sur des tuyaux en plastique et Miss Café saluant la foule depuis sa Miss Café-mobile ? A Avignon, durant les trois semaines que durent le festival.
La guerre des pancartes
On y trouve de tout. A commencer par des pancartes. Les murs de la ville disparaissent sous une épaisse couche de papier et carton. La chasse au mètre carré est ouverte. Chaque grille, chaque panneau, chaque lampadaire est envahi d’un lierre d’affiches qui jouent les plantes grimpantes. Avec plus de 1200 spectacles représentés, les places sont chères et la visibilité cruciale.
Pour optimiser les chances d’être vu, tractage et parades sont le lot de chaque festivalier. Les troupes rivalisent d’inventivité. Plus encore que les pièces, c’est ce que je préfère à Avignon. Le théâtre quand il est dans la rue, car c’est la rue qui devient théâtre. Les mondes se mélangent. On ne sait plus bien où finit le réel et où commence la comédie.
Du théâtre dans la rue
Des gens annoncent au mégaphone la fin du monde. Des nonnes suivent en ricanant. Un piano juché sur un grand bi distille ses notes de rue en rue. Partout résonnent des airs d’accordéon, de banjo, de violon, de cymbalum, de flûte. Abritée sous une ombrelle, une femme en gilet bleu déambule, un peu hagarde, suivie de sa valise. À force de tourner pour tracter, elle a perdu tout point de repère. Et de se mettre à déclamer quelques tirades de son personnage, avant de réintégrer son propre elle-même.
Au bonheur des festivaliers
Place de la Mirande, au pied même du palais des papes, la foule s’extasie au passage d’un interminable cortège en cravates rose à damier et costumes gris. Brillante idée ! Quelle belle parade ! Et ce soucis du détail ! Les spectateurs sont ravis.
- Quel est le nom du spectacle ?
- Mais ce n’est pas un spectacle, Monsieur, c’est un mariage. Regardez les sabots que portent les hommes… La famille du marié vient de Lorraine !
Et ces cyclistes qui traversent la vieille ville en t‑shirts microaérés, vélos profilés et lunettes de soleil, pour quel théâtre paradent… ? On n’ose plus demander…