La traversée du parc des grands causses

Du plateau du Lévézou au Causse du Larzac, ma traversée reprend de la hauteur à travers le parc naturel régional des grands causses. De champs d’éo­liennes en camps mili­taires, je trim­bale mon sac à dos le long du GR62.

Du plateau du Lévézou au Causse du Larzac, ma traversée reprend de la hauteur à travers le parc naturel régional des grands causses. Sous ce soleil d’été, les reliefs de l’Aveyron offrent un peu d’air et de fraî­cheur. De champs d’éoliennes en camps mili­taires, je trim­bale mon sac à dos le long du GR62.

Adossé à un arbre, je savoure la fraî­cheur de la forêt. Un faon distrait gambade à quelques dizaines de mètres. L’appareil est loin, je me contente d’admirer.

Je suis depuis hier un laby­rinthe de chemins qui slaloment entre les vaches et les éoliennes. La campagne est belle, le soleil radieu et un petit vent d’altitude rafraî­chit l’atmosphère. Je m’égare avec plaisir puis une pointe d’énervement au fur à mesure de mes demi-tours.

Aux abords des forêts, le comité d’accueil – mouches, mous­tiques, taons – est toujours aussi enthou­siaste. Les chevaux qui m’ont précédé ont battu le rappel. Toute la forêt vrombit. Le col de la Poul­zi­nière est à quelques pales d’éoliennes. Les moulins à vent qui, de près, ont des allures de sculp­tures modernes, se trans­forment de loin en centrales élec­triques irsutes et enva­his­santes, abîmant la beauté des reliefs tout en douceur du plateau du Lévézou.

En mode explorateur sur le GR62

Sur le GR62, j’avance à tâton, en explo­ra­teur, défri­chant au pied photo­gra­phique le chemin envahi de ronces et d’herbes folles. Fleurs dans les bretelles, fougères dans les mous­que­tons, brin­dilles dans les chaus­settes, je me trans­forme en homme des bois.

Le viaduc de Millau, au fond de la vallée, tient lieu de drapeau d’arrivée. Ce sera pour demain. Je passe la nuit sous les étoiles et me réveille aux aurores la soif au ventre. Je bois quatre litres par jour et je n’ai plus d’eau… Dans ma tête, Franck Zappa chante « Let’s make the water turn black ». La matinée sera chaude, mon chèche indis­pen­sable. Le mercure atteind les 38 degrés et j’attaque le Larzac qu’on qualifie de désert avec un peu d’appréhension.

À ses pieds, Millau attend la finale de la coupe d’Europe écrasée de soleil. Moi, j’attends la pluie. Elle arrive comme un cadeau le lende­main. Il fait un temps à ne pas mettre un roque­fort dehors. Les quatre cents mètres du plateau du Larzac me toisent sous un ciel mena­çant. Je donne l’assaut sans sourciller.

Sur les grands causses, champs d'éoliennes et camps militaires - Grosses chaleurs

Le Larzac

Du haut de la croix des scouts, Millau s’étale au confluent des vallées du Tarn et de la Dourbie. Les champs qui s’illuminent de trouées de lumière, l’air vif qui me saisit, le vol impé­rial des vautours… La vie me pénètre par tous les pores.

Au trois quart du voyage, je commence à sentir aussi que le temps m’est compté. Pour boucler ma traversée avant l’hiver, il faudra forcer l’allure. Le long de la ligne de crête, les bour­rasques chassent les nuages. La lumière chaude d’un soleil rasant étend les ombres et percute les reliefs des causses.

Il y aura encore des lende­mains qui chantent.

Sur les grands causses, champs d'éoliennes et camps militaires - rencontre équestre

Sur le plateau du Larzac

Je me lève avec un violent mal de dos. Les exer­cices d’étirement sont désor­mais devenus un rituel.

À l’ombre des buis­sières, la terre est souple, les bruits assourdis. J’avance sur un tapis de feuilles et de brin­dilles. Ces haies de buis denses érigées pour protéger bergers et trou­peaux m’abritent aussi du vent. Elles semblent épouser les courbes de niveau.

Événe­ment dans le voyage : par trois fois, ma route croise celle d’autres marcheurs ! Je mets ça sur le compte des vacances d’été. L’écocamping le cun du Larzac situé à deux pas n’est peut-être pas étranger à cette soudaine « affluence ».

Son histoire ancrée dans les valeurs de la non-violence, de la soli­da­rité inter­na­tio­nale et de l’écologie se confond avec celle de la lutte des paysans contre l’extension du camp mili­taire du Larzac, menée de 1971 à 1981. Des géné­ra­tions d’objecteurs de conscience sont venues se former dans les murs de la grande bâtisse installée sur le terrain, expé­ri­menter la vie commu­nau­taire et tenter de vivre « autrement ».

La brebis qui lit

À la librairie de Montredon, La brebis qui lit, je fais le tour des rayon­nages : Péda­gogie des rencontres et des conflits trans­cul­tu­rels de Karl-Heinz Bittl et Hervé Ott, l’intégrale de Pierre Rabhi, Les défri­cheurs d’Eric Dupin, Résis­tance d’Antoine Peillon, Les nouveaux déso­béis­sants : citoyens ou hors-la-loi ? de Manuel Cervera-Marzal, Larzac, de la lutte paysanne à l’altermondialisme de Pierre-Marie Terral…

Ce soir, José Bové, emblé­ma­tique habi­tant du village, était en dédi­cace. Ma voisine se saisit d’un de ses livres, « depuis le Larzac », en toise la couver­ture par dessus ses lunettes. Elle assortit sa moue d’un « mmmouai » sonore. Pour­quoi cette défiance ?

« Depuis qu’il s’est présenté aux prési­den­tielles, il a perdu pas mal de crédit dans la région. »

Sur les grands causses, champs d'éoliennes et camps militaires - Fête à Montredon

« Tous au Larzac »

Sur les murs, des affiches scandent les slogans des années soixante-dix. En bonne place, celle du docu­men­taire « Tous au Larzac ». Je recon­nais Manouche et Mari­sette, deux person­nages du film, parmi les présentoirs.

La légion étran­gère a réin­vesti le camp mili­taire de la Cava­lerie depuis quelques jours et leur avis sur la ques­tion m’intéresse particulièrement.

« Vous n’avez pas lu le commu­niqué de presse affiché à l’entrée ? »

Le texte limi­naire explique que mili­taires et parc régional tiennent des messages contra­dic­toires. Celui des paysans est clair :

« Nous n’acceptons pas et n’accepterons jamais que l’armée manœuvre hors du camp mili­taire. 40 ans après, un nouveau Larzac ? »

À quelques centaines de mètres, le long de la route qui longe le camp d’entraînement, tous les panneaux qui annoncent – et défendent – l’accès au terrain mili­taire sont couverts de messages moqueurs. Pour l’heure, on danse sur le trad’swing du groupe O’gadjos en pull arc-en-ciel tricoté main.

À Montredon, le treillis n’est pas très tendance

Le livre d’un voyage exotique en France

Peut-on faire un voyage exotique dans son propre pays ? Pour y répondre, j’ai traversé la France à pied à travers la diago­nale du vide.

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Commentaires

Encore un très agréable moment d’éva­sion passé à vous lire. Que du bonheur et du rêve 🙂 Et que dire de ces magni­fiques clichés…Bonne route.…

Bonjour Cathe­rine 🙂 Merci pour le bonheur et le rêve !! J’ai beau­coup aimé le Larzac, cette arrivée au bord du plateau a été un très beau moment et si le texte retrans­crit un peu de ça, alors je suis content !

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