Dans les Pyrénées, Matteo m’avait parlé de sa Gascogne, celle de la fête, des copains et de la bonne chère. Chefs cuistots, producteurs d’armagnac, accordeurs de tondeuses, nous partons dans le Gers à la rencontre des fradé de Gascogne.
« Là… Là… Pas là… Là, peut-être… »
De la route, à 60 km/h, nous détaillons un à un les champs potentiels. Nous sommes sur les traces de l’incarnata, une orchidée sauvage. Le nez dans les fleurs des champs, nous battons la campagne à sa recherche. Comme pour les champignons, il faut chercher l’endroit, pas le champignon. Si j’étais un champignon, où aimerais-je vivre ?
« On va prendre les routes à trois grammes !
– Les routes à trois grammes ?
– Celles qu’on prend pour éviter les contrôles de police quand on a trop picolé. »
Les orchidées
Matteo connaît un par un les champs du Gers où poussent les orchidées. Au plus fort de sa passion, trouver de nouveaux specimens était devenu une véritable obsession. Il est allé jusqu’en Sicile en voiture pour en rencontrer…
Parce qu’une orchidée se rencontre ! À chaque nouveau spécimen, la formule est la même :
« Mathieu, je te présente l’orchis… »
… Ophréis, mouche, pourpre, militaire, grenouille, homme pendu, bécasse, singe, scolopax, lexiflora, ses copines ont des noms qui varient suivant leur forme. Leur stratégie, elle, est toujours la même : imiter l’animal à séduire et le couvrir de pollen durant la copulation.
À voir Matteo tourner autour des specimens, le stratagème marche aussi sur l’homme… Penché en avant, il tente d’apercevoir les tiges vert-clair qui se distinguent du reste de la prairie. Pas d’incarnata ! Tristesse, inquiétude… Aurait-elle quitté définitivement le Gers ?
Un casse-croûte gascon au sommet d’une colline nous console. Et nous ouvre l’appétit.
Le festin
Bruno – pour nous, c’est« Brou » – nous attend de pied ferme. Il a exceptionellement fermé son restaurant « Le pachamama » pour préparer une armée de petits plats en l’honneur de son fradé Matteo. Il attend l’avis de l’ancien cuistot.
Dégustation de flocs de Gascogne accompagné d’une poêlée de couteaux cuits à l’âtre en apéritif. Suivent une crème brûlée au foie gras et un fromage blanc-fêta-coulis de tomate sucré. On n’en est qu’aux entrées et je n’ai déjà plus très faim.
Les quatre plats principaux arrivent ensemble sur la table. Lingue béchamelle à l’orange,
gratin de légume, gigot confit, rognons d’agneau. Tout est trop bon pour ne pas faire honneur, mais je commets une erreur : tout goûter. KO technique ! Je rends visite au potager restituer à la pachamama le trop plein de gourmandises.
Impasse sur les quatre desserts. L’armagnac méritera bien son nom de digestif.
L’armagnac
Gilles distille l’armagnac par passion. Seize ans qu’il le laisse vieillir en fût sans vendre une goutte de sa production. La dernière distillation a eu lieu le week-end précédent et Matteo est venu chercher un peu de blanche pour ses macérations. On transvase quelques litres au siphon, à la lumière de la lampe de poche. Ambiance prohibition.
– Je peux mettre tes coordonnées sur le blog, si tu veux…
– Surtout pas, surtout pas !! Pour vivre heureux, vivons cachés.
Dans le chaix, il y a de la moisissure par terre. Gilles plonge sa fiole dans les bariques en remontant les années, de 2016 jusqu’à 2000. La dégustation continue au Pachamama, où le digeo se fait bien sûr à l’armagnac. Suivi d’un armagnac. Suivi d’un armagnac. Ténarèze de Ladevèze, excellent. Et puis on tombe sur Inge, un vieux copain… Et qu’est-ce qu’on boit ? On ressort l’armagnac.
Hasard des rencontres, le padre est en terrasse.
On ne boît plus rien.
Les mécanos
La tournée des frade continue chez Pierre où l’on va prendre le café. Un labyrinthe de réservoirs, de roues, de carcasses défend les abords de la ferme. Pierre est ferrailleur. Mais surtout, Pierre est mécano. Depuis quarante ans, l’atelier n’a pas bougé. Le même petit établi en bordel sur lequel il accomplissait des miracles et ressuscitait les mobs des copains.
Aujourd’hui, sa spécialité, ce sont les tondeuses. Débroussailleuses, mini-tracteurs, motoculteurs… Les modèles s’entassent dans le jardin de la ferme. Ils n’en ressortiront que par la force des clés à molette.
Chez le beau padre aussi, ça bricole. Matteo lui a rapporté des fromages des Pyrénées, il ne repartira pas sans quelques artichauts du jardin. Mais c’est dans son garage que le paysan à la retraite nous entraîne. Il met la dernière touche à son nouveau filtre à huile. Ici, on roule à l’huile de friteuse.
Celui qui inventera le moteur à la graisse de canard fera fortune dans le Gers.
Commentaires
Ah le Pachamama à Vic, c’est notre halte « obligée » dans notre route entre le Tarn et les Landes 🙂 Pile-poil à mi-chemin on s’y régale pour pas cher. Une vraie bonne adresse 🙂
Ah ça, Catherine, ça va faire plaisir à Bruno !!! 🙂
Super votre passage à France Inter ce midi ! Message entendu : « pourquoi, parfois aller chercher loin ce qu’on peut trouver à coté ». J’aime. Je vais veiller ma boite aux lettres, votre livre commandé ce jour : )
et ce blog Les voyages de mat est bien fait… pas mal tout ça. Bonne journée.
Merci Mélaine ! Le livre part aujourd’hui 🙂 J’espère qu’il vous plaira.
Et merci pour le blog, j’y mets du coeur. Il faut bien essayer d’être à la hauteur des trésors qu’on découvre sur la route !
Bonne journée !
Mathieu