On m’avait prévenu : « Le plateau de Millevaches, ça bouge bien là-bas ». Sans plus d’explications, je savais que j’allais trouver matière à portraits. Du lac de Vassivière à Faux-La-Montagne, la balade en forêt m’emmène à travers cette montagne limousine qui revendique haut et fort sa différence et sa liberté.
À Tulle, il y a un mur bleu étrange, repeint comme un tableau d’art moderne. À côté de la porte, une plaque usée qui paraît dater des années cinquante. Je partage mon étonnement autour de moi. L’explication ne tarde pas :
« Ah ça y est, ils ont démuré la permanence du PS ? Les manifestants l’avaient condamné pour protester contre la Loi travail. Le gouvernement a le 49.3, nous on a le béton prise rapide ».
Le Corrézien sait manifester son mécontentement…
Sur le plateau de Millevaches
Le TER monte jusqu’au plateau de Millevaches à travers une forêt fumante et me dépose à Eymoutiers. Je laisse mon vélo chez le réparateur de tondeuses-débrousailleuses-tronçonneuses et vélos pour réparer une roue. L’itinéraire à travers le parc naturel régional de Millevaches sera pédestre.
Balisage approximatif. Les panneaux apparaissent miraculeusement quand on ne les attend plus mais la forêt reste accueillante. Les fougères qui s’allument dans les sous bois assurent le gîte, les massifs de mûres le couvert.
Entre les arbres, le lac de Vassivière se réchauffe au soleil couchant. Quelques pédalos font durer l’été.
Parc naturel régional de Millevaches
Adresse : Maison du Parc
7 route d’Aubusson
19290 Millevaches
Tél : +33 5 55 96 97 00
Mel : accueil@pnr-millevaches.fr
Web : pnr-millevaches.fr
Écotourisme sur l’île de Vassivière
Depuis la jetée qui relie l’île de Vassivière à la terre ferme, une forme dans l’eau intrigue : un sous-marin. C’est l’œuvre de l’artiste et ingénieur nautique Alexander Ponomarev. L’île abrite le centre international d’art et du paysage où s’organise la rencontre entre nature et sculpture.
Un itinéraire sinueux mène d’œuvre en œuvre. Conçu comme l’une d’entre elles, un bâtiment se dresse dans la grande prairie qui sépare le bois du domaine de Vassivière. Les artistes accueillis en résidence viennent y créer en tenant compte des thématiques locales, rurales et environnementales. Je retrouve l’esprit des refuges d’art d’Andy Goldsworthy (une de ses oeuvres fait partie de la collection).
« Valoriser l’état de nature propre au site de Vassivière, en préserver le mécanisme, instituer un tourisme – ou un mode de résidence – compatible avec cette approche, inviter la population active à participer à cette entreprise : projet sans équivalent réel sur le territoire français. »
La charte imaginée par le paysagiste Gilles Clément dans les années quatre-vingt propose un écotourisme qui ne tient pas l’homme à l’écart de la nature. Au contraire, il le place au cœur du paysage. Je le prends au pied de la lettre et plante la tente sur l’île. Les visiteurs mal informés la prendront peut-être pour une œuvre d’art ?
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Centre international d’art et du paysage
Une collection de sculptures en plein air, un parc paysager sur une île, un jardin de plantes potagères et médicinales, une bibliothèque où l’on voudrait avoir tout lu (ou tout acheter), un phare pour dominer l’ensemble…
Pour la balade autant que pour les collections, l’île de Vassivière vaut vraiment le détour. Déconnectée du monde, c’est un havre de paix où venir se ressourcer. Arrivez donc en bateau !
Adresse : 87120 Beaumont-du-Lac
Tél : +33 5 55 69 27 27
Mel : mediation@ciapiledevassiviere.com
Web : ciapiledevassiviere.com
Ambiance bois, changer de vie au lieu de changer le monde
La grosse BMW qui me prend en stop démarre dans une odeur de poisson. Romain, son conducteur, roule à l’huile de friture par soucis d’économie autant que par respect de l’environnement. Il travaille dans le bois.
Ambiance Bois, son employeur, est l’une des fiertés du plateau de Millevaches. Cette scierie spécialisée dans l’éco-construction a été créée il y a vingt huit ans par des Parisiens décidés à changer de vie au lieu de changer le monde. À commencer par leur rapport au travail.
Chez Ambiance Bois, Société Anonyme à Participation Ouvrière, tout le monde est payé le même salaire. Le PDG est choisi au tirage au sort pour deux ans. Des vingt huit salariés, peu sont employés à plein temps. La raison : travailler moins favorise l’embauche. Le collectif semble au cœur de leur démarche, comme le suggèrent les titres des ouvrages publiés par deux des six cofondateurs : Au « Scions… travaillait ensemble » de Michel Lulek répond le « Quand l’entreprise apprend à vivre » de Marc Bourgeois.
L’année précédente, la société a réalisé son plus gros chiffre d’affaire de toute l’histoire de l’entreprise : plus d’un milions d’euros. L’expérience porte ses fruits.
Dynamisme associatif à Faux-la-montagne
À Faux-la-montagne, l’alternative et le collectif, on sait ce que c’est. Les plus chauvins disent qu’elle est « la ville de France qui compte le plus d’associations par habitants ».
À la mairie, la secrétaire confirme. Elle est venue du Nord s’installer il y a douze ans.
« On est tombé amoureux de la région. Et puis Faux, c’est dynamique ».
Effectivement… Sur la place de la fontaine, juste en face du gîte communal, je promène ma gourmandise parmi la sélection de thés et les petits gâteaux faits maison du Volubilis. Sablés à la noix de coco, navettes à l’anis, cookies au chocolat, le salon de thé commercialise les gâteaux de la biscuiterie associative du Plateau. Une tonne de biscuits ont été écoulés l’année passée pour promouvoir la solidarité et l’échange.
Le lieu accueille régulièrement des événements locaux. Ce soir, télé Millevaches projette son magazine du plateau. Au programme du deux-cent trente deuxième épisode, six court-métrages pour un village, Peyrelevade. Un western bien trempé, un film qui fait peur, un clip de métal réalisé par les résidents de la maison de retraite… Faite par les habitants et pour les habitants du plateau, télé Millevache diffuse de l’actualité locale, suscite la réflexion et met en valeur la vie du plateau depuis 1986.
En pleine nature et ouverts sur le monde
Dernière escale avant de reprendre la route, la pâtisserie. Sur le mur, deux affiches imprimées de noir sur papier craft annoncent la fête de la montagne à Noailles. Sur l’une, un tout petit canton, comme une île cernée d’une mer noire uniforme. L’autre détaille le programme en lettres capitales, caractères gras… En bas, en guise de signature :
« Nous sommes le territoire. »
Autour du lac, les pêcheurs sont de sortie. Hugo, torse nu, monte et descend sa ligne du haut du pont à la manière des anciens.
« Ce n’est pas la campagne ignorante ici. Il y a de la culture, on sort, ça vit. Les élus des années soixantes ont créé des ponts avec les grandes villes. Les citadins venus s’installer ont reproduit leur mode de vie. Du coup, on est à la fois en pleine nature et ouvert sur le monde. »
Le pragmatisme de l’ancien maire, François Chatoux, a porté ses fruits :
« On ne peut pas se payer le luxe de choisir qui on accueille. Alors on accueille tous les projets et même si la moitié se casse la gueule, ça veut dire que l’autre moitié marchera ! »
Les chiffres lui donnent raison. Depuis 2008, cinquante habitants sont venus s’installer à Faux-la-Montagne.
Le chant de la forêt
Après deux mois de sécheresse, il fallait bien que ça arrive. Je me lance sous l’averse. Ce sera le défi du jour et mes retrouvailles presque joyeuse avec la pluie.
Le ciel est aussi gai qu’un épisode de Derrick. La forêt bruisse comme si elle fêtait le retour de l’eau. Une forêt de Mac Douglas, imposée par les technocrates parisiens pour valoriser économiquement ces territoires en déshérance. En quelques décennies, les pâturages se sont refermés.
Au petit pont de Siroueix, la forêt s’ouvre de nouveau sur une lande accueillante, couverte de bruyère et de fougères. L’air est humide. Les pins distillent une odeur rafraîchissante. Sur les rives du lac de Lavaud-Gelade, en dehors du hullulement du hibou, le silence est parfait.
Le cri des oiseaux me réveille au petit matin. Le miroir de l’eau frissonne sous les risées. Pour la première fois depuis longtemps, je me lève en ayant froid. Le temps presse. L’automne arrive. Pour moi aussi, il est temps d’arriver.
Commentaires
Merci pour cette visite express d’un territoire que j’adore. Adhérente de Télémillevaches et plusieurs fois en visite à Ambiance Bois, je suis heureuse de leur réussite.
Tout n’a pas été rose pour eux par le passé.
De beaux projets d’habitat à Faux aussi. Un territoire magique.
Bises
Bonjour Dominique ! Décidément, j’ai l’impression que tu as trempé dans tout ce qui se fait de bien en matière d’alternatives 😉
Qu’est-ce que tu entends par « tout n’a pas été rose pour eux par le passé ? » Je suis curieux d’en savoir plus…
Je crois que j’aurais pu passer trois semaines sur le plateau pour faire le tour des initiatives innovantes et rencontrer les gens qui animent ce territoire.
Encore une fois, je me dis qu’il faudra que je revienne !
Bises de bonne année 🙂
Je découvre votre excellent reportage, je suis venu il y a 6 ans dans cette magnifique région, j’y revient depuis chaque année, tout m’y plait : les paysages, les gens, le rythme… étant très sportif c’est un véritable bonheur, c’est à la fois dommage que le tourisme reste discret (économiquement) mais tellement préservé !
bonne route, et merci pour vos récits passionnants et les photos sublime.
Merci Nico !
Oui je ne sais pas trop quoi penser du tourisme sur le plateau de Millevaches. Je me trompe peut-être mais j’ai eu le sentiment qu’un certain nombre de gens viennent justement s’installer ici pour qu’on leur fiche la paix. Peut-être qu’il y aurait moyen de concilier les deux en développant un tourisme basé sur la découverte de ces alternatives et de l’environnement superbe qu’offre le plateau ?
Oui, je partage ton point de vue, je les comprends en même temps, les balades en fin de journée au couché de soleil sans croiser personne, offre une sensation de liberté et de paix intérieur exceptionnelle. J’avoue que depuis le temps l’idée de m’établir sur le plateau m’a plus qu’effleuré l’esprit, développer un projet alliant écologie et sport nature par exemple. En attendant je fais en sorte de m’y ressourcer plusieurs fois par an 🙂