Le sentier du littoral – rando au Pays basque

Plages, falaises et pano­ramas vivi­fiants… De Saint-Jean-de-Luz à Hendaye, récit d’une randonnée sur le sentier du littoral, prémices d’un hiver à pied sur le GR10.

De l’Océan Atlan­tique à la Mer Médi­ter­ranée, le GR10 tutoie les plus beaux sommets des Pyré­nées. Je rêvais de cette grande traversée des Pyré­nées. L’hiver ajou­tait la neige au défi. Pluie, nuages, vent, il allait falloir batailler avec la météo.

Je voulais de la neige pendant ce voyage. Je voulais voir la montagne sous la neige, lever les yeux sur des sommets invin­cibles, expé­ri­menter le frisson de l’altitude, sentir le parfum de l’aventure. Aussi, je voulais un hiver un peu moins froid qu’ailleurs. Ce bond jusqu’au pays basque était calculé.

Maïder – Marie-Belle en basque – vient me cher­cher un peu après midi. On avait dit 10h au départ, et puis fina­le­ment 11h, et puis fina­le­ment… On devrait bien s’entendre. Sur son blog, elle parle de ses racines basques avec un ton intime et sincère, sans en faire des tartines. Ses photos sont sobres et poétiques. Je suis content de faire un bout de route avec elle.

Il fait doux à Saint-Jean de Luz. Ciel maus­sade, rideaux tirés, terrasses clair­se­mées. Vent de nord-ouest force 4 à 5, loca­le­ment force 6 à 7, mer agitée à peu agitée. La station balnéaire hiberne. On va au marché acheter des chipi­rons farcis à l’encre, du jambon de Bayonne et des petites saucisses chez l’oncle, avant d’aller saluer l’océan Atlan­tique depuis la pointe de Sainte-Barbe, embrasser le vent du large et respirer les embruns à plein poumons. Le voyage recom­mence main­te­nant.

Le sentier du littoral

Le sentier du littoral court le long de la corniche. L’océan vient s‘affaler sur des couches de roches en mille-feuilles. À nos oreilles bour­donne un vent violent. Côté terre, des nuages sombres s’accrochent au sommet de la Rhune, le premier mille mètres de la chaîne des Pyré­nées. Cette journée est une journée d’approche.

Le soleil se couche sur la baie d’Hendaye. Nous sommes hébergés par Xabi, profes­seur d’anglais qui travaille du côté espa­gnol. En tant que Basque, il évoque les raisons qui alimentent les velléités d’autonomie : les rela­tions diffi­ciles avec le gouver­ne­ment espa­gnol, l’instabilité poli­tique, la corrup­tion, le chômage…

Son salaire à lui n’a pas évolué depuis 7 ans bien qu’il travaille deux heures de plus par semaine. Aujourd’hui, il a choisi de gagner moins pour vivre mieux : vingt pour cent de salaire sacri­fiés pour vingt pour cent de temps libre en plus. Dans quelques jours, il s’envole en Nouvelle-Zélande, lais­sant pour un semestre sa place vacante à un jeune diplômé. En Espagne, le chômage des moins de trente ans frise les cinquante pour cent.

GR10, le pays basque dans le vent - carnet de voyage France

Sur les chemins de compostelle ?

« Hey ! À Saint-Jacques de Compostelle ? »

Le gars nous a vu arriver de loin, avec nos sacs à dos. Même pas le temps de lui répondre que nous, c’est le GR10, il nous étale déjà tout son palmarès. Le Compos­telle, qu’il a pratiqué plusieurs fois avant de venir passer sa retraite dans le coin parce qu’il a un faible pour le basque. Mais il parle aussi espa­gnol, arabe, ch’ti… « L’oreille musi­cale » qu’il dit… Et une bouche grande comme ça. On n’en a pas placé une qu’il repart déjà en nous souhai­tant bon péle­ri­nage

À Biriatu, la carte indique six heures de marche jusqu’à la prochaine halte. Il est déjà midi et j’ai des cour­ba­tures de la veille… Ça va faire un peu court d’autant que le petit raidillon de bien­venue annonce d’entrée la couleur. Face à la pente, les gouttes ruis­sellent le long de mes bras. Même mon carnet de note trans­pire. Perchés sur les rochers, les vautours nous regardent progresser avec peine.

« Aupa ! – en avant !»

Au bivouac

Berret sur la tête, accent au coin des lèvres, Jean-Marie est un gars du pays qui connaît bien la montagne. Si nous ne parve­nons pas à la maison des chas­seurs de vautours avant la tombée de la nuit, quelques berge­ries devraient nous fournir un toit et des murs où nous abriter.

La nuit nous cueille avant d’arriver quelque part. Nous montons la tente sur les hauteurs de Olhete. Enfin… Je monte la tente. Celle de Maïder, toute neuve, a été livrée sans arceaux. Ma mini-tente tunnel se trans­forme pour la nuit en palace king-size.

Feu de fougères et de bois mort, récon­fort d’une soupe, calo­ries de quelques gâteaux au sain­doux trempés dans le thé. Les cloches des pottocks parqués non loin bercent notre sommeil. Le mien, surtout…

GR10, le pays basque dans le vent - carnet de voyage France

Cascades et vestiaires

Dans son petit duvet d’été, Maïder a vécu fraî­che­ment les tempé­ra­tures voisines de 0°C. Collé à la paroi de la tente, la brise m’a caressé le dos. La nuit a été courte. La journée sera longue et le vent fatiguant.

Il y a de la caillasse, des sentiers escarpés, des sources qui cascadent. Nous dégrin­go­lons la pente jusqu’au village de Sare. Pour Maïder, c’est la fin du voyage et la promesse d’un lit douillet. Pour ma part, j’apprends que Sarako Izarra – les étoiles de Sare – sont à l’entraînement. J’envisage de planter la tente sur le rond central mais les copaings de l’ovalie ne l’entendent pas de cette oreille.

Je dormirai dans les vestiaires chauffés du club de rugby.

Sur la route d’Aïnhoa

Sur la route d’Ainhoa, le vent balaye le sommet des reliefs ondulés. Dans les haies d’arbustes, il siffle comme le fouet juste avant qu’il ne claque, chuchotte dans les branches une colère invi­sible. Des rivières coulent au pied des collines. Les truites et les saumons viennent y frayer sur des mosaïque de pierres multi­co­lores. Des arbres fiers comme des baobabs bordent le sentier forestier.

Au village, tout est fermé. Le patron du gîte rural « Harazpy » sort sa plus belle écri­ture pour écrire mon nom – qui perd un u au passage – dans son registre.

« Vous êtes le premier client de l’année »

Son accent est si fort, j’ai cru qu’il me parlait en basque ! Réfugié sous une double couche de couver­ture, j’écoute tempêter les rafales de vent. La pluie se joint à la fête. J’ai bien fait de me mettre à l’abri.

GR10, le pays basque dans le vent - carnet de voyage France

La chasse aux calories

Le chauf­fage du gîte est en panne. Pour me protéger du froid, je mange. Depuis le début, je carbure au sucre et au gras. Les polvo­rones, petits gâteaux déli­cieux et friables comme du sucre glace figé au sain­doux : 500 kcal les 100g. Le touron, amandes grillées, sucre et blanc d’œufs : 600 kcal. J’ai besoin d’énergie. À Ainhoa, la dame qui tient le café piétine de table en table.

« Non , on ne fait pas à manger. Au village il n’y a rien. Tout est fermé. Il n’y a que moi. Vingt-sept ans que je suis ouverte. La seule du village. Même le relai postal est fermé pour six semaines. Et pour­tant il est payé, lui. Mais c’est la dernière année. J’en ai marre. Ils me fatiguent tous. TOUS ! On me demande toujours plus et tout le monde trouve ça normal. 

Mais moi je ne suis pas d’ici. Je suis de Saint-Jean de Luz. C’est une autre menta­lité, Saint-Jean-de-Luz. Ici les gens sont méchants. Jaloux et méchants. Même mes enfants n’ont pas d’amis ici. Et pour­tant ils y sont nés. »

Je repars avec une carte postale du bar en cadeau. Sacré personnage !

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Notre-Dame‑d’Aubépine

Depuis la petite chapelle Notre-Dame‑D’Aubépine qui domine le village, je contemple les reliefs doux de la vallée de la Nive. Le sommet de la Rhune marque une limite. Au delà, la côte basque, Hendaye, Saint Jean de Luz balayée par le vent. Les premières étapes de ce GR10 qui m’emmène à l’assaut des Pyré­nées sont derrière moi.

C’est certai­ne­ment la dernière fois que j’aperçois l’océan et j’ai envie de faire durer ce moment. Je me laisse porter par le vol des vautours. J’ère entre les tombes du cime­tière, m’imprègne de leurs motifs étranges, tente de trouver le nom étrange des défunts. J’inspecte les croix du calvaire, note les détails sangui­no­lents, cherche une expli­ca­tion aux contor­sions énig­ma­tiques du troi­sième larron. Tout ici semble en suspens.

Mais moi je suis en marche. Les nuages arrivent, il faut repartir. Je dois trouver un toit avant la tombée de la nuit. En route pour l’intérieur des terres. Le pays basque m’a mis en appétit !

GR10, le pays basque dans le vent - carnet de voyage France

Le livre d’un voyage exotique en France

Peut-on faire un voyage exotique dans son propre pays ? Pour y répondre, j’ai traversé la France à pied à travers la diago­nale du vide.

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Commentaires

Merci Franck 😀 D’au­tant que ce n’est vrai­ment pas loin !
Juste bien penser à prendre son para­pluie. C’est quand on ne l’a pas qu’il pleut…

Déci­dem­ment, il faut que j’aille faire un tour dans le Pays Basque!!! Superbes photos 😀

Oh oui, Violaine, n’hé­site pas. Il y a des endroits qui te rappel­le­ront les landes écos­saises et irlan­daises. D’ailleurs, les deux peuples sont très proches géné­ti­que­ment… Tu t’y sentiras sûre­ment à l’aise 🙂

Comme toujours, j’ai envie de prendre mes chaus­sures et de suivre tes pas, de retrouver un peu de calme et de séré­nité. Bonne conti­nua­tion, tes récits et tes photos sont toujours aussi prenants, alors vive­ment la suite !

Hey ! Merci Julie 🙂 Oui vive­ment la suite !!
Si tu cherches un peu de calme et de séré­nité, et que tu as envie de suivre mes pas, n’hé­site pas. Je me rapproche petit à petit et je vais passer dans le Cantal (c’est vers chez toi ça, non ?)

Poète sans en faire des tartines, en voilà un compli­ment ! eheh
Contente d’avoir partagé un bout de diago­nale entre océan et montagnes et vive les polvo­rones ! D’ailleurs j’en ai remangé depuis et j’ai moins aimé… la montagne, le froid, tout ça je crois que ça rendait le gâteau meilleur.
Sinon je pense voir de quelle dame tu parles à Aïnhoa et je comprends ce qu’elle veut dire. Avec le temps, Aïnhoa est devenue une sorte de village témoin pour touristes… Hâte de lire la suite et décou­vrir les paysages au-delà de St-Jean-Pied-de-Port.

Haha ! Eh oui, que veux-tu, il faut rendre à César… 😉
Ça y est, la suite est en ligne. Bon ce n’est pas encore au delà de Saint-Jean Pied de port, mais je suis sûr que tu n’as jamais vu les crêtes d’Iparla comme ça. Un des plus beaux moments depuis que je suis parti…
La suite était forcé­mént magique, puisque j’ai trouvé la neige que j’étais venu cher­cher !! Et même ce que je n’étais pas venu cher­cher d’ailleurs… :-/

Merci pour ces douces lignes agréa­ble­ment lues au son des vagues et de cloches.
Une superbe plume et des photos magni­fiques, l’hu­mi­lité face aux gens, aux éléments, chapeau bas l’artiste !

Merci, ce fut un plaisir de vous suivre, j’adore les Pyré­nées et le Pays Basque, j’ai­me­rais y aller plus souvent ! A bientôt

Comme je vous comprends Eva ! Plus je voyage et plus j’ai envie de retourner partout… Mais ce n’est pas fini 😉 Il reste encore un bon tiers du voyage et j’es­père bien vous donner envie d’aller aussi dans la Creuse, le Cantal ou la Lozère, sans parler du Gers, de l’Aveyron ou de l’Allier…

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