De la vallée de la Meuse aux forêts d’Argonne, itinéraire en bateau-stop, randonnées à travers champs et rencontres euphorisantes… Lorsqu’on navigue à la boussole, le bout du monde est moins loin qu’on ne le croit.
Nous sommes en Meuse. Mon ami Fred m’a rejoint pour les 3 semaines à venir. Pourquoi la Meuse ? Parce qu’il n’y connaît rien. C’est bien la meilleure des raisons.
Comme toutes les histoires de marin, nous croisons le sillage de Jean au détour d’un comptoir. Le Luxembourgeois fait « route » vers Stenay. Notre projet lui est sympathique et nous voilà bateau stoppeurs. Jean écume les ports de la Meuse depuis vingt ans. De la vallée, il connaît tout, jusqu’au marteau des cloches des églises. Nous passons la ville en revue en décomptant les commerces ouverts/fermés depuis sa dernière visite.
En dehors du calme qui règne dans les rues, il y a quelque chose d’étrange. Tout le monde est gentil, poli, avenant. Un peu comme dans les thrillers où le temps est au soleil, au pique-nique et aux rires insouciants avant de virer au bain de sang généralisé. On est sur nos gardes !
Au camping du lac vert, Laurent nous rassure. Lui promène ses stands de bonbons et de pêche aux canards dans les fêtes de la région six mois de l’année.
« Dans les Ardennes et dans la Meuse, les gens sont gentils. C’est pas comme chez nous… »
Il vient de Moselle.
Deux drôles d’oiseaux
Chez Dom et Véro, la terrasse domine un potager fleuri. Thé, pâtisseries maison, soleil couchant, chant des oiseaux… Et le téléphone qui buzze à intervalles réguliers. Dom fait des bonds.
« Puffin cendré ! »
« La vache, butor étoilé ! »
« C’est dingue ! Non mais… Marouette de baillon !!!»
Le fils est en vacances en Corse. Un oiseau vu, un sms. Les oiseaux, c’est la passion de Dom. La nature au sens large – la collection complète des numéros de la Hulotte des Ardennes trônent sur ses étagères – et les oiseaux en particulier – jusqu’à la marque du beurre : chantoiseau. En plein milieu d’une phrase, il s’interrompt, doigt levé, oreille tendue, chapeau en alerte. Les noms d’oiseaux fusent :
« Tiens ! Courli cendrée ! »
« Ah ! Merle cavernicole, le portier de la nuit, c’est lui qui chante le dernier »
« Et là ! Vous reconnaissez, là ? Tuiiiii tui…Tuiiiiii tui ? Ça c’est une fauvette qui se fait passer pour un courli cendré ! »
Il entame une discussion sifflée avec l’interlocuteur à plume. On ne pourrait rêver meilleur pédagogue. Géologie, ornithologie, botanique, Dom sait tout, connaît tout et partage avec autant d’enthousiasme qu’il apprend avec passion. Nous passons trois jours au nid, le temps de découvrir cette jolie plaine de Meuse qu’il nous présente comme il nous présenterait sa meilleure amie.
On commence à baisser la garde.
LPO Meuse
La LPO organise régulièrement des sorties natures, observation et comptage d’oiseaux. Tous les dimanches, Dom fait découvrir “sa” prairie à qui souhaite le suivre, petits et grands. Attention, guide hors pair ! L’écouter imiter le chant des oiseaux vaut le détour.
Contact : Dominique Landragin
Tel : 06 83 29 25 47
Mel : dom.oiseaux@orange.fr
La balade des gens heureux
Sac sur le dos, nous reprenons la marche à pied à travers les courbes douces de la Meuse. Partout, nous croisons le chemin et écoutons les histoires de gens qui ont osé prendre des risques.
À Dun-sur-Meuse, Kris a installé son restaurant au bord de la Meuse, après un burn-out. À Villers-devant-Dun, Frank, ébéniste, restaure la ferme qu’il a rachetée et se remet à la sculpture ; Ariella, avocate, relève le pari du télé-travail. À Charmoy, Alain utilise les grains de son exploitation céréalière pour produire lui même une bière soyeuse et aromatique. A Stenay, c’est une équipe de 20 bénévoles qui a initié ce qui est aujourd’hui devenu le musée européen de la bière.
Tous ont suivi leurs envies en dépit des mises en garde et des discours défaitistes. Il suffit de les regarder vivre pour savoir qu’ils n’ont aucun regret. Leur accueil est chaleureux, leur énergie communicative.
Brasserie de Charmoy
D’avril à octobre, visite guidée de cette micro-brasserie pour tout connaître du brassage et déguster une des quatre (excellentes) bières de saison produites sur place.
Adresse : Haut chateau de Charmois 55700 MOUZAY
Horaires : Visite d’avril à octobre uniquement sur réservation. Vente le samedi 9h-12h et tlj de la semaine (sauf le dimanche) en prévenant à l’avance.
Tel : +33 (0)6 09 900 500
Mel : page contact du site
Web : bierecharmoy.com
Musée européen de la Bière
Porté par une équipe de passionnés, le musée européen de la Bière est une brasserie reconstituée. Je suis plus bière que musée et le bar à dégustation se trouvait à la fin de la visite… La brasserie est bluffante, les explications sur la fabrication didactiques et même le marketing autour du produit mérite de s’y attarder. Au bout de 2 heures de visite, j’avais un peu soif. La Charmoy servie à la pression ne m’a pas déçu !
Adresse : 17 Rue du Moulin, 55700 Stenay
Horaires : du 1er mars au 1er décembre, 10h-12h et 13h30-17h30
Tarif : 5€ / 3,5€ tarif réduit, dégustation commentée de 3 bières 4€
Tel : 03 29 80 68 78
Mel : musee.biere@cg55.fr
Web : www.museedelabiere.com
La Meuse à travers champs
Ces bonnes ondes sont contagieuses : tout nous réussit. Nous poussons notre chance et empruntons des sentiers de moins en moins balisés. Nous mettons nos pas dans les traces des tracteurs, à la lisière des bois, le long des lignes de crêtes et des clôtures barbelées. Les chemins ondulent, rigolent sous nos pas lourds de tortues-randonneurs. Si nos maudites maisons portables pouvaient s’évaporer, les paysages de moisson et les odeurs de foin seraient-ils encore plus beaux ?
Entre les rangées de maïs et de céréales, nous marchons droit devant, dispersons les spores, essaimons les pollens. Les graines de blés sauvages se plantent dans nos chaussettes, les orties caressent amoureusement nos mollets. Tout droit, à travers champs, nous battons la campagne.
Cimetière américain
Le plus grand cimetière militaire américain hors frontières. 14 246 morts tombés durant l’offensive Meuse-Argonne de 1918 sont enterrés sur les 52 ha de ce lieu de mémoire où chaque brin d’herbe est au garde à vous.
Adresse : 55110 Romagne sous Montfaucon
Horaires : 9h-17h
Tél : 03 29 85 14 18
Mel : meuse-argonne@abmc.gov
Web : www.abmc.gov
Étranges bouts du monde
Le chemin nous mène à un étrange bout du monde. Traces obscures dans les bois, sang coagulé, terres fraîchement retournées ; miradors aux aguets, arbres isolés, branches tordues ; façades vidéo-surveillées, cabanes vermoulues, volets clos. Nous plongeons au cœur d’un vallon.
Deux aigles pétrifiés commandent le silence. Le plus grand cimetière militaire américain aligne ici ses milliers de croix blanches. Vertige du nombre, symétrie parfaite des allées et des contre-allées… La nature est au garde-à-vous, l’horizon clos, le temps suspendu. Cet endroit est l’anti-chambre de nulle-part.
À Romagne-sous-Montfaucon, tous les commerces sont fermés. Aux fenêtres, des poupées, sourire figé, nous regardent errer dans les rues vides. Agressions et enlèvements d’enfants ont ébranlé la vie du village. Le garçon qui nous donne de l’eau pour la nuit nous déconseille le camping municipal.
Les haies craquent, des formes disparaissent dans les branchages… Demain nous dévaliserons la boulangerie de Montfaucon. Pour l’heure, nous lorgnons sur les vaches charnues comme deux fauves affamés. De la côte à l’os sur pattes. Envie de viande… saignante !
Un désert d’hommes et de pâtés lorrains
Jusqu’ici, les recherches consistaient à trouver un toit, une prise électrique et un peu de réseau. Nous nous recentrons sur des besoins plus fondamentaux : manger.
La promesse d’une boulangerie et l’espoir d’un bistro sont nos bonheurs du jour. Bières et pâtés lorrains nous tiennent lieu de régime alimentaire. Mais dans ce désert d’hommes, plus de commerces, plus de cafés, plus de boulangeries. Les villages sont une poignée de maisons alignées le long d’une rue.
Toquer aux portes pour acheter quelques œufs et une salade, tendre l’oreille au klaxon de la camionnette du boulanger, lever le pouce pour se rendre au village voisin… Nous optons pour la dernière option. C’est dans la voiture du livreur de catalogues que nous pénétrons dans Varennes.
« Ne faites pas mon portrait ! »
Ça tombe bien, c’était pas prévu… À l’hôtel du Grand monarque, l’accord entre la couleur des serviettes, les motifs de la nappe et les tapisseries aux murs est discutable. Mais le fromage de tête, l’andouillette au brie et le tiramisu mettent tout le monde d’accord.
Les fraises des bois de la forêt d’Argone apporteront un peu de légèreté. Nous partons les cueillir. L’aventure continue.
Le Grand monarque
Faire une cuisine conviviale, respectueuse des saisons et abordable est la devise du Grand Monarque. L’andouillette au brie était pour le moins convaincante. Des plats plus légers sont aussi au menu Le nouveau chef Alexandre Bertin a fait ses classes dans des restaurants deux étoiles.
Adresse : 1 Place de l’Église, 55270 Varennes-en-Argonne
Horaires : 12h-13H30 et 19h-20h30
Tél : 03 29 80 71 09
Mel : info@legrandmonarquevarennes.fr
Web : legrandmonarquevarennes.fr
Commentaires
Juste parfait comme projet. Un voyage que j’aimerais vraiment faire 🙂
Les photos dans la forêt sont très belles, jolie France. L’évocation des « La Hulotte » m’a rappelé bien des souvenirs d’enfance…
Merci Aurore ! Ah toi aussi, tu as été abonnée à La Hulotte ? Son créateur est ardennais. Si j’y avais pensé, je serais bien allé le remercier ! Moi aussi, j’ai des souvenirs super précis 🙂
Encore de très belles rencontres. J’aime surtout les portraits dans ces billets, mais les paysages sont encore une fois magnifiques !
Merci Sebastien ! Tu me fais plaisir, parce que je me fais violence pour choisir des photos qui vont ensemble et qui collent au texte au détriment de celles qui parfois sont plus belles mais moins cohérentes. Pour les portraits, attends un peu celui de Dom ! L’écouter parler aux oiseaux, c’était merveilleux, et ça paraissait tout naturel !
Quel joli voyage on fait en lisant tes textes et en regardant tes photos ! Merci !
Oh Anne ! Ça fait plaisir de te retrouver par ici 😀
Merci. Il faut avouer que jusqu’ici, c’est un beau voyage ! Vivement la suite…
SALUT FRED,
Vous en êtes ou ? Beaux récits avec en prime la poésie … je suis ému… la vallée est comme mon amoureuse … je ne m’en lasse pas.(Comme mes chaussures)
Amitiés.
DOM et VERO
Hello Dom, hello Véro,
c’est Mat qui répond (les voyages de mat, hein…). Fred est parti la semaine dernière. À quand les voyages de Fred ? 😉
Merci pour la poésie ! En passe de finir l’itinéraire dans la Meuse. J’ai fait une bonne pause pour travailler sur tous les contenus récoltés dans votre belle Meuse. Plein de super rencontres, je dois publier ça dans les jours prochains.
Dom, ton portrait au format diaporama sonore est également dans les tuyaux ! Je te dirai dés qu’il sera en ligne. Je sais déjà que ce sera un beau portrait 🙂
À bientôt les amis !
Mathieu