Une ferme pédagogique au bon goût de confiture

À la ferme de la Clé des champs, le tourisme rural a un goût de confi­ture. Rencontre avec deux agri­cul­teurs qui valent le détour. To bio or not to bio ?

Dans l’ombre des forêts, avancer vaille que vaille. J’ai rendez-vous avec une famille d’agriculteurs du sud-meusien qui valent le détour. À la ferme de la Clé des champs, le tourisme rural a un goût de confiture.

De l’extérieur, le bar-épicerie avait l’air fermé. C’est le seul du village. Bestiole nageant dans le café, kiwis pourris dans les cageots, une pomme attend celui qui l’emmènera loin d’ici. Au comp­toir aussi, les clients moisissent, cuits par l’alcool. Des gouttes de sueur perlent au front de mon voisin. La chaleur est le sujet du jour.

Le bar-épicerie avait l’air fermé

« Même en moto, l’air est telle­ment chaud, ça ne rafraî­chit rien du tout. Autant aller se baigner dans la Meuse ! »

Ici, les tour­nées de rosé tiennent lieu de piscine. Je m’enfuis avant de me noyer. Dehors, le soleil blan­chit la campagne. L’ombre bien­fai­sante des forêts abrite la poésie des sentiers bota­niques, au langage fleuri de calices, de corolles, de pétales et d’étamines. Enfin un peu de fraîcheur !

Sur la piste des animaux

« Vous avez vu du gibier ? »

À Chon­ville, char­mant village au creux d’une vallée dorée au blé fin, les auto­mo­bi­listes me confirment que les chevreuils, les sangliers et les renards pullulent. Il n’y a que moi qui ne vois rien !!! Je les entends marcher, glapir, détaler… Rien en vue. Rien d’autre que les cris d’alerte des oiseaux et le bruit du vent dans les feuilles. Je les soup­çonne de danser le sirtaki dés que j’ai le dos tourné. Un rapace me passe sous l’objectif. Raté.

Dans le zézaille­ment des mouches, je joue à cache-cache avec les animaux. Il n’y a guère que les taons qui sont de sortie. De la tête aux pieds, je suis couvert de gros boutons boursoufflés.

Shopping et tourisme rural

À Saul­vaux-en-Barrois, j’aperçois enfin mon premier renard. Pas de bistro, pas d’épicerie, pas de boulan­gerie, même ambu­lante pour fêter l’évenement. On me confirme que tous les villages alen­tours sont dépourvus de commerces.

« C’est ça, la ruralité !»

Pas réussi à iden­ti­fier si le ton était fier ou moqueur.

Ombre Signe directionnel flèche

Je fran­chis le pont qui enjambe la N4. Sous mes pieds, les voitures filent en quelques minutes à Commercy ou à Ligny-en-Barrois. Là-bas, en ville, il doit y avoir des boulan­ge­ries, des char­cu­te­ries, peut-être même des primeurs… Moi je suis à une heure à pied de Méligny-la-Grande. Si j’ai de la chance, il y aura de l’eau fraîche.

À la ferme de La clé des champs, Chris­tian Bouchot m’accueille comme un rescapé. La cani­cule est en train de sécher ses blés sur pied. Je dois ressem­bler à un épi.

C’est le premier jour des mois­sons et un engin est déjà en répa­ra­tion. Une année de travail va se jouer en quelques jours. Il est temps de récolter avant que ce soleil impla­cable ne grille tout.

Rouleaux de foin

La clé des champs

Dans la cuisine, Martine prépare une brioche tressée pour la visite du lende­main. Si elle est femme de paysan – « un métier à part entière » – elle est aussi entre­pre­neuse. La clé des champs est une ferme péda­go­gique. Sa spécia­lité : les confi­tures de tout petits fruits. Le verger bio se visite et surtout, on déguste les confi­tures ! Mente berga­mote, pétale de roses, fleurs de sureau, poirettes, physalis… À tomber raide !

Petite leçon d’écologie

Amou­reuse de la nature, Martine cultive son verger en bio. La surface qu’elle occupe et sa produc­tion sont déri­soires mais elle croit au pouvoir du consom­mac­teur. Lui trans­mettre l’envie de manger mieux, lui donner le goût des bonnes choses et orienter ainsi les gros acteurs vers une agri­cul­ture moins polluante, plus respon­sable. En bonne disciple de Pierre Rabhi et de ses coli­bris, Martine « fait sa part ».

Ça fait sourire Chris­tian, ces histoires de consom­mac­teurs et de bobos biogi­vores, qu’il traite d’« égoïstes apeurés » : très vigi­lants sur ce qu’ils mettent dans leur assiette (préserver son capital santé), moins regar­dants lorsqu’il s’agit de s’envoler pour Bali (préserver son capital loisir). Un bilan carbone à deux vitesses.

Paysan chercheur

Lui cherche la solu­tion ailleurs. Des parcelles de son exploi­ta­tion sont réser­vées à l’expé­ri­men­ta­tion de tech­niques nouvelles. L’idée : utiliser le C02 en surplus dans l’atmosphère pour remi­né­ra­liser les terres épui­sées par des années de culture inten­sive grâce des plantes à racines profondes.

Pointu, le Chris­tian. Ça ne l’empêche pas de recom­mander des bains de pied au vinaigre de cidre pour soigner… à peu près tout, en fait ! À commencer par mon mal de genoux !

Martine, Chris­tian, deux approches qui diffèrent. To bio or not to bio ? Une chose est sûre : pour l’un comme pour l’autre, manger est devenu un acte poli­tique.

Le livre d’un voyage exotique en France

Peut-on faire un voyage exotique dans son propre pays ? Pour y répondre, j’ai traversé la France à pied à travers la diago­nale du vide.

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Commentaires

Que j’aime suivre ce périple ! D’abord le ton mordant du début de l’ar­ticle et les phots empreintes d’une grande poésie pour montrer cette france du vide…et encore une belle rencontre !

Merci beau­coup Sébas­tien 🙂 Et oui, les belles rencontres pavent ma route jusqu’à présent ! Pourvu que ça dure (mais je ne suis pas inquiet… La Haute-Marne ne me fait pas mentir !)

Merci Mathieu,
Chris­tian vient de passer, il découvre ton article et sourit…
Bel article fidèle à tous nos propos.
Nous te souhai­tons plein de belles rencontres à venir, nous serons contents de les décou­vrir par le biais de tes récits. C’est agréable à lire.
Martine

Merci Martine 🙂 Je me demande si Chris­tian sourit pour le vinaigre de cidre…
Quoi­qu’il en soit, si vous vous y retrouvez tous les deux, alors je suis content.
A bientôt !

Bonjour Mathieu,
Je découvre ton site aujourd’hui et le rendu est très joli. Je te souhaite une bonne conti­nua­tion, je pense que tu traverse la haute marne en ce moment, j’ai hâte de voir le résultat…
Anne-Laure Bouchot (la fille de Martine)

Coucou Anne-Laure ! Merci ! Tes encou­ra­ge­ments me font plaisir.
Oui je suis en Haute-Marne, effec­ti­ve­ment et c’est pas triste non plus ! Moi aussi, j’ai hâte de voir le résultat 😉

J’ai complé­te­ment perdu le fil de ton périple alors je viens lire tes articles de cet été !
Pour ma part, Martine et Chris­tian sont dans le vrai tous les deux. Il est très impor­tant d’ou­vrir les fermes aux bobos (et aussi aux locaux natifs, la discus­sion entre conven­tion­nels et bio est crucial pour faire évoluer les menta­lités agri­coles) malgré leurs contra­dic­tions, je suis toujours émer­veillée de cet engoue­ment qui gagne du terrain parmi la popu­la­tion. Ensuite Chris­tian a bien raison de se foca­liser sur la tech­nique cultural, nous devons tout réap­prendre, 50 ans d’agro industri, ça a fait mal. Il nous faut retrouver des tech­niques agri­coles mises au ban depuis des décen­nies et aussi innover, cher­cher, expé­ri­menter de nouvelles façons de faire.
Ils forment un bel équilibre 🙂
Hey dis tu vien­dras sur ma ferme aussi ?

Hello Anne ! C’est sympa de venir faire ou petit tour chez moi !
Oui, effec­ti­ve­ment, il se passe des choses dans les campagnes fran­çaises. Je sens un réel mouve­ment naître un peu partout. De nouvelles exploi­ta­tions tirer profit de leur travail sans sacri­fier ni l’en­vi­ron­ne­ment ni la qualité de vie. Des gens s’in­ter­roger, regarder avec un oeil bien­veillant, ou moins malveillant… Un vigneron un peu désa­busé par son métier et les freins au chan­ge­ment m’a dit que « le renou­veau de l’agri­cul­ture viendra des villes ».
J’es­père bien venir vous rendre visite, oui, avec plaisir ! C’est enthou­sias­mant de voir des projets se concré­tiser et se déve­lopper ! Je pense à vous pour mes cadeaux de noël 😉

Merci Anne, pour ce commen­taire. Si vous le souhaitez, nous pour­rons conti­nuer à appro­fondir ce sujet. Ce sera avec plaisir ! Martine et Christian

Si un jour, je passe en Meuse, je ne manquerai pas de venir vous voir, mais peut être nous croi­se­rons nous à l’oc­ca­sion d’une foire ou quelque chose comme ça quelque part en France.
Si vous passez dans le sud dans la région de Nyons, je serai ravie de vous y accueillir (c’est là que je commence en 2016 mon acti­vité agricole 🙂 ).

Ah les bonnes olives de Nyons ! C’est d’ac­cord, nous essaye­rons de passer à l’oc­ca­sion d’un voyage dans le Sud. De votre côté, n’hé­sitez pas à venir vous égarer dans notre Meuse. En tous les cas, féli­ci­ta­tions pour votre projet agricole !

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