La traversée de l’Indre à vélo

Fresques boli­viennes à l’église du Menoux, explo­ra­tion urbaine dans un ancien moulin, menus ouvriers et reliefs à volonté… Au coeur de la France, l’Indre est à la croisée des chemins.

Fresques boli­viennes à l’église du Menoux, explo­ra­tion urbaine dans un ancien moulin, menus ouvriers et reliefs à volonté… À la croisée des chemins, je fais le grand écart dans l’Indre, là où bat le coeur de la France.

À quelques jours de la quille, j’ai besoin d’y voir plus clair sur les dernières étapes du voyage. Penché sur mon télé­phone, je place des points sur la carte avant de prendre la route.

Après un an et demi de voyage, alors que le hasard déjoue conscien­cieu­se­ment tous les plans écha­faudés à l’avance, j’en suis encore à me faire des programmes et des itiné­raires… De l’extérieur, je me regarde… Je me fais de la peine !

Sur le versant opposé de la Creuse, la route serpente entre les reliefs. Des chemins à travers bois, à travers champs descendent à la rivière et m’invitent à les suivre, plus sédui­sants que cette route qui ne sert qu’à me rendre quelque part.

En dehors de quelques inter­views d’arbres qui bruissent sous le vent et d’une paire de photos de la campagne par un ciel de pluie, je reste fixé sur mon objectif : arriver au Menoux avant la nuit.

Une nuit dans le jardin de l’église

J’y arrive à temps. Je suis venu au Menoux pour les fresques qui recouvrent les parois de l’église. Au petit matin, je serai à pied d’oeuvre pour admirer la lumière chan­geante de la journée sur les pein­tures de Jorge Carrasco.

L’église que j’espérais ouverte est fermée. Je campe dans le jardin atte­nant. À 50 mètres de mon objectif, je me féli­cite de l’aubaine.

Minuit. Tiens, les cloches sonnent les heures…
Minuit et demi… Et les demi heures aussi…

La nuit sera cubiste.

Un peu de Bolivie au cœur de la France

L’église du Menoux est unique en son genre. Sur ses murs blancs, les fresques flam­boyantes du peintre boli­vien Jorge Carrasco, qui vécut – et mourut – ici, en plein cœur de l’Indre, pendant trente huit ans.

Okllo qui s’occupe aujourd’hui de faire vivre l’œuvre de son père évoque le souvenir de celui qu’elle appelle désor­mais « Carrasco ». Elle reprend les mots qu’il leur répé­tait lorsqu’ils étaient plus jeunes :

« L’art c’est l’amour et l’amour c’est la vie. Ne crai­gnez pas de vivre. Il ne faut pas avoir peur, il faut toujours avancer et vivre dans la lumière. »

C’est le message qu’il a illustré sur les murs de cette église, huit années d’un travail béné­vole pour repré­senter sa vision d’un Dieu qui se confond avec la vie.

Un discours qui me parle, à moi qui vais depuis un an et demi au devant de ceux qui vivent là où ils se sentent bien, qui ne baissent pas les bras et semblent avoir pris leur destin en main.

« La vie, ce sont des portes qu’on pousse à chaque moment. Il ne faut pas avoir peur de vivre, il faut traverser la vie. »

Je vais commencer par traverser l’Indre.

La traversée de l’Indre à vélo

Soleil doux d’octobre… Encore une journée digne de l’été. Mon objectif : rallier Mont­luçon, à 100 km. Ce sera l’étape spor­tive de ce voyage à vélo.

Je croyais avoir quitté les reliefs du massif central, mais le granit des volcans s’éternise jusqu’ici, ridé de cours d’eau, frippé comme une peau qui gondole. Faible alti­tude n’est pas plati­tude. De raidards en talus, je tape dans le dur, roule sur la jante, tire sur le guidon, balayant toute la gamme de mes vitesses.

À Cluis, je repose le moteur et refais les niveaux dans la salle du bar-restau­rant “Les Tilleuls”. Un éléphant en bois, trois petits nègres groom années cinquantes et un bronze nu art nouveau me tiennent compa­gnie. Menu ouvrier à douze euros : char­cu­terie, pintade au choux, fromage, éclair, café, quart de vin.

À la table d’en face, on met sa serviette autour du cou et on prend un petit jaune, « même si on ne devrait pas ! ». À gauche, la chaise dispa­raît sous la carcasse de démé­na­geur qui avale son assiette d’escargots maison à sept euros la douzaine. Je me demande s’il recrache les coquilles.

Je quitte à regret l’ambiance fami­liale. Dehors, le vent souffle. Plus j’appuie, plus il souffle. J’avais oublié l’humilité du cycliste face au vent.

Au coeur de la France 

Les vallées et les collines s’enchaînent, impla­cables, sur cinquante kilo­mètres de douleur. À Sainte Sévère, le moulin aban­donné à l’entrée de la ville est un bon prétexte pour une halte urbex. Ça faisait long­temps que je n’avais pas croisé d’usine…

C’est le milieu de l’après midi et il me reste encore la moitié du trajet à parcourir. Je devrais laisser tomber. Mais non, je serai à Mont­luçon ce soir !

Au Magnoux, le point culmi­nant du Cher (504 mètres… seule­ment !), quatre dépar­te­ments s’étalent sur un pano­rama à 360°C : Cher, Indre, Allier, Creuse… Le coeur de la France doit battre quelque part dans le coin.

Derniers coups de pédales

Je me dis que j’ai fait le plus dur. Les lumières de Mont­luçon brillent au loin dans la nuit qui se lève. Bientôt, j’aborderai l’atmosphère rassu­rante des abords des métro­poles – à l’échelle de mon voyage, Mont­luçon est une métropole.

J’ai cumulé mille mètres de déni­velés posi­tifs. J’ai les jambes en compote, mais j’aborde avec envie la dernière étape de mon voyage : l’Allier.

Traversée de l'Indre à vélo - Carnet de voyage France

Le livre d’un voyage exotique en France

Peut-on faire un voyage exotique dans son propre pays ? Pour y répondre, j’ai traversé la France à pied à travers la diago­nale du vide.

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